19 avr. 2024

Rome, 1982

Roma, 19 aprile 2019. Il y a 42 ans, jour pour jour, nous étions allés animer la messe du St Père Jean Paul II qui recevait la famille présidentielle zaïroise. Mr Joseph-Désiré Mobutu Kuku Ngbendu Wa Zabanga, son épouse Mama Bobi Ladawa, Mr Mobutu Niwa et autres membres de la famille avaient assisté à la messe pontificale dans la chapelle privée du St Père. Une messe célébrée à leur intention. Beau souvenir, car ce jour-là, j'étais comme mes six autres amis grands séminaristes de l'Urbaniana, témoin d'un événement particulier de la vie spirituelle de cette illustre famille. L'accès au Vatican était sans aucun doute facilitée par le deuxième secrétaire du Pape d'alors, notre compatriote Mgr Eméry Kabongo encore vivant. Ce fut pour moi un immense plaisir que de me voir interpelé par le St Père, que de parler au Saint Père, et d'échanger avec quelques membres de la délégation parmi lesquels Me Nyimi Mayidika Ngimbi. Je n'oublierai jamais ces conversations. 

Ma pensée va à quelques amis du groupe qui ont quitté ce monde: Léon Kalenga, ancien nonce en Argentine, Flavien Busina, prêtre de Kenge, Jean-Marie Mayala, prêtre de Boma. Sont encore là les abbés Mole, Ilunga Mayamba et Augustin Mwamba Tshibanda. 

Circulation chaotique

Kin, 19 avril 24. Hier j'ai vécu une expérience inouie de circulation. Parti pur Bandal, je voulais faire une surprise à ma cousine Blandine. C'était sous une pluie battante, la rue s'est transformée en un fleuve drainant tous les immondices stagnants de la ville. Au niveau de Tshibangu sur l'avenue qui va du Pont Lunda Bululu vers Moelart. Du jamais vu. Jamais je n'ai auparavant roulé dans un tel fleuve, sous une marée haute. On pénétrait dans l'eau presque jusqu'au niveau des vitres, j'exagère comme à mon habitude. Il fallait simplement suivre le pas des autres voitures probablement habituées à ces situations. J'ai dû rebrousser chemin car la bretelle de sortie était devenue un immense golfe maritime. Du jamais vu pour moi. J'ai cependant acquis la conviction que la rue reste la même malgré les innondations. Cette fausse conviction m'a permis de l'affronter sans hésitation quoique l'eau puisse creuser encore plus profondément les trous. 

Le soir, sur la route menant du Triangle au CNPP, la même scène s'est répétée, avec moins de véhicules impliqués mais sous la même pression psychologique. Je me suis rendu au centre neuropsycho pathologique sur rendez-vous avec le directeur. J'ai ainsi fait la connaissance du Prof Valentin Ngoma Malanda avec lequel j'avais rendez-vous. Une ponctualité parfaite. A 18 heures précises, j'étais dans son bureau. Un véritable labyrinthe car toutes entrées sont fermées avec des chaînes cadenassées comme on le voit dans certains films. J'ai été témoin de la présence des derniers fous livrés par la police urbaine au service de réhabilitation. Quel spectacle que de voir autant d'handicapés mentaux rassemblés à ce centre. Tous portaient des touffes de cheveux visiblement non peignés ni coupés depuis des mois, voire des années. Un était même torse nue. J'ai félicité le professeur Ngoma pour son dévouement au service de nos frères et soeurs souffrants de démence mentale, dans des conditions extrêmement difficiles. J'ai pu voir de mes propres yeux comment il s'y prenait pour rendre un petit sourire à ces personnes malades, peut-être désespérées. Comme toujours, certaines de ces personnes aux looks étranges pourraient être des faux fous, peut-être des agents informateurs pour des sociétés secrètes ou étrangères. Sélectionner l'ivraie parmi les bonnes récoltes, séparer le bon grain du mauvais, n'est pas facile lorsqu'il s'agit d'êtres humains. Quoi qu'il en soit, ces damnés de la terre ont aussi droit au respect comme à la dignité comme tous nos autres compatriotes. 

Voilà où la circulation chaotique de Kinshasa nous a menés. Je suis encore là. Voyons ce que nous réserve la journée d'aujourd'hui. 

16 avr. 2024

De nouveau à Léo la capitale

April 16, 2024. Parti à 8h40 de Kenge, je suis arrivé à 13h à Kin. Un record pour un trajet entrecoupé par d'innombrables contrôles. Ces check points sont érigés sur presque tout le tronçon. Il fallait partir tôt pour quitter la zone dangereuse où selon les dires des gens des crimes se commettent encore de temps en temps. Je dois cependant avouer qu'à aucun moment je me suis senti menacé. Bravo aux agents de la sécurité. Le seul problème, c'est que certains demandent quelque chose pour leur nourriture, leur bière ou cigarette. On m'a dit que les militaires assignés à certains endroits exigent des services de l'état leur ration alimentaire quotidienne, que ceux-ci aient obtenu des recettes ou non. Dans ces cas-là, les civils recourent à des emprunts qu'ils recouvrent aussitôt que possible. Sécurité de la nation oblige. 
La bonne nouvelle, c'est que Séra est arrivé dans la nuit pour un bref séjour au pays de ses ancêtres. J'en ai profité pour effectuer un crochet de courtoisie dans sa communauté. Comme toujours, bonne ambiance, beaucoup de rires et du n'importe quoi. On a échangé pendant plus de deux heures avant de nous séparer. La suite a été presque catastrophique. Sous une pluie relativement légère mais constante, je suis entré dans un embouteillage monstre. Trois heures de route du Pont Lunda Bululu à Binza Pigeon tellement le trafic était dense et tortueux. Un bon baptême pour un retour un peu rapide à Léo la belle. Les nids de poule et les immondices contredisent cette beauté légendaire devenue désormais caduque. L'autre bonne nouvelle, c'est que j'ai fait la connaissance de Maman Honorine lors du crochet de Bibwa. Au bonheur de mon oncle et ami Baville. De nouveau à Léo la capitale... avec sa magie incommensurable et ses chaos légendaires. 

14 avr. 2024

Le monde est petit

Faustin disait avec force: ce qu'on ne sait pas c'est parfois terrible. Je dirais que c'est parfois surprenant. Même chose. Je viens de découvrir avoir marché sur le même chemin qu'un autre sans que je m'en rende compte. Tenez. La route que nous suivons retient en son sein des souvenirs parfois indélébiles pour certaines personnes sans que ces personnes n'en connaissent ni les tenants ni les aboutissants. Juste un exemple. Je me sens très proche de mes cadets de Kalonda ou Katende quand bien même je n'y ai pas vécu à la même période avec eux; quand bien même nous n'étions ni condisciples ni congénères. C'est ce qui s'appelle la magie du lieu. La femme d'un ami s'est plainte une fois de l'adoration que vouent les anciens kalondais à leur alma mater. Les kalondais passent des heures interminables à ressasser leurs souvenirs de Kalonda sans se fatiguer ni perdre leur latin. Latin qu'ils ont presque tous appris du vénérable père Ben Overgoor. Quoique chacun ait son histoire, les liens tissés sur le plateau vert restent souvent indéfectibles. Tous les "ministres" de Kalonda ont eu des dircabs kalondais, sauf un à ma connaissance, qui s'est montré trop attaché à sa tribu. Et même encore, c'est dans la norme. 

Le monde est bien plus petit qu'on ne le croit. Grande était ma stupéfaction de savoir qu'une personne que je tenais pour un inconnu total a marché sur le même chemin que moi. Lui le savait, mais pas moi. Il n'a pas eu le temps de me le dire ni me le manifester. Soit. La vie va de l'avant. Nos rapports actuels sont insignifiants par rapport au passé qui nous lie. Telle est la magie de la vie et des relations humaines. Dans certains cas, mieux vaut faire une croix sur le passé et se contenter du présent. Le monde est petit. Trève, j'arrête là. Bon dimanche encore une fois.  

Kenge, fin des cours

De tous mes séjours à Kenge, celui-ci a été le plus troublant tant sur le plan du travail que sur le plan social. Le travail a été effectué dans des conditions particulièrement insolites. Classes surpeuplées. Travaux presque impossibles à corriger à temps. Brouhahas parfois incontrôlables. Chaleurs et pluies incommodantes. Etc. Du point de vue social, j'ai eu moins de relations avec les miens que par le passé. Manque de temps ou à dessein? Je ne saurais le dire clairement. J'ai eu quand l'impression que les miens s'attendent dans leurs coins à ce que je les visite, alors qu'ils ne font pas forcément l'effort de venir vers moi. Je les ai habitués à ce jeu-là. J'ai changé cette fois. Les plaintes sont nombreuses. Quoi qu'il en soit, je ne satisferai jamais tout le monde. 

Hier, j'ai tenu à voir l'abbé Charles Kapende autour de 17h. Un moment très émouvant que de revoir mon aîné, mentor, formateur et confrère! Il m'a reconnu et m'a parlé alors qu'on le disait aphone. J'ai évoqué un tas de vieux souvenirs du genre "Smile awhile and while you smile...." ou "Quidquid recipitur... ad modum recipientis". Ou encore: "M'Ketu toma ku nzo nkwenu..." Il réagissait bien mieux que je ne m'y serais attendu. J'ai vraiment retrouvé Kapsy du bon vieux temps souriant et heureux. En tout cas, il rétrouvait les mots et les récitait avec moi. Je l'ai vu rire sans vraiment s'éclater comme par le passé, mais quand même très ému. Il m'a appelé "Claver". A la fin, il m'a dit "Kwenda mbote, merci". J'ai promis de repasser dire au revoir avant mon retour à Kinshasa.

C'est le dernier dimanche de mon séjour à Kenge. J'ai au programme encore quelques rencontres avec des personnalités académiques et des étudiants qui font leurs travaux de recherche avec moi. Encore quelques corrections des travaux et des mémoires soumis à mon attention. Encore quelques jours, je disparaîtrai de l'univers de mon Kwango natal.

Maleno aurait eu 69 ans

12 avril 2024. Antoine-Faustin Mampuya Lebungisa Ondjo aurait eu 69 ans s'il avait vécu jusqu'à ce jour. Je célèbre ce jour chaque année comme nous avions l'habitude de le célébrer de son vivant. Un petit verre, quelques rires et quolibets. Le tour était joué. Hier en passant devant l'esplannade des ordinations d'autrefois, je n'ai pas manqué de repenser à nos soirées nocturnes de la procure, torses nues en short, une bouteille à la main... nous riant d'Hippo ou de penepene yo toluka. Autant de vieux de vieux souvenirs me sont revenus. J'ai repensé à notre rencontre à Munich avec les abbés Bujo et Zoubakela, toi venant d'Ingolstadt et de je ne sais plus où... je me trouvais déjà à Munich. Soit, ce qui est sûr c'est que  c'était en août 82, à deux semaines de notre diaconat. Merci d'être demeuré constamment dans ma pensée cher ami. Jamais je ne t'oublierai La Tortue. Repos éternel à ton âme, L'Homme.

6 avr. 2024

Des conditions de travail difficiles

Deux semaines viennent de s'écouler depuis que j'enseigne à l'ISP Kenge. J'ai commencé avec Questions spéciales de littérature africaine suivi de Littérature comparée et de Techniques et méthodes d'analyse littéraire (ou en littérature). Trois cours sont offerts collectivement aux étudiants de LMD3 et au L1 ancien modèle. Celui de TMAL compte en plus des étudiants de L2 ancien système. Différents niveaux dans un même cours avec tout ce que cela suppose de différence entre les trois promotions. Ces amalgames sont dûs au fait que le programme de licence nouveau système, initialement prévu pour quatre ans, a été brusquement  réduit à trois ans par le ministère de l'ESU. Donc changement de règlement du jeu en cours ce jeu. Cette adaptation a créé un imbroglio terrible. Voilà donc où nous en sommes. Je vous épargne les détails. 

Les étudiants travaillent dans des conditions difficiles. Ils n'ont pas de moyens de transport. Quelqu'uns seulement disposent de motos ou autres mobylettes. Chaque fois que je me rends au campus de Mangangu, je vois des étudiants marchant pour le campus. J'en embarque quelques uns dans ma bagnole. Comme j'aurais souhaité les aider tous. Ils arrivent au campus essoufflés, exténués et démotivés à cause de la chaleur ou du manque d'outils de travail. Vraiment pénible de les voir évoluer dans de telles conditions. Démunis, certains ne disposent ni de téléphones android, ni d'adresses email, encore moins de laptops. Je dirais même la majorité des étudiants. Il faudrait absolument une infrastructure adéquate. Le cas de l'ISP Kenge est, je le sais d'expérience, similaire à celui des autres instituts universitaire et supérieur de Kenge. Les bibliothèques ne sont pas équipées. Pourquoi l'autorité provinciale ne créérait-elle pas une bibliothèque (provinciale ou municipale) multimédiatique qui contiendrait des ouvrages de toutes les facultés d'étude présentes dans la ville de Kenge? Le problème serait une fois pour toutes résolu pour toutes les institutions tertiaires d'enseignement. Plus facile à dire qu'à faire, mais cela vaudrait la peine de commencer. Il n'est pas interdit de rêver, de rêver réaliste et juste.  

D'autres idées viendront. J'arrête là pour l'instant. Bon week-end à tout le monde.