28 sept. 2014

26 septembre, je n'ai pas oublié

26 septembre 2007-26 septembre 2014. Voilà sept ans écoulés depuis que mon père est décédé. Sept ans de souvenirs comme si le temps n'avait jamais bougé tellement il est présent. Sept ans pendant lesquels je le porte encore dans mes rêves, mes souvenirs, mes réflexions, mes actes. Sept ans qu'il vit encore avec moi chaque jour qui passe. Sept ans pendant lesquels la flamme de l'amour filial n'a jamais fléchi. Hier, avec le retour de Clavère de la RDC, je me suis réservé d'y penser; mais j'y ai pensé, et même beaucoup. Ce retour n'a pas éclipsé de ma mémoire ce père inoubliable qui a fait de moi, humainement, ce que je suis, que je suis devenu. Je ne saurais tarir d'éloges pour sa grandeur d'âme et sa droiture quoique je n'aie pas tout apprécié de ses choix et décisions. C'est aussi cela être fils que de percevoir les limites de votre puissant paternel alors qu'il affiche un profil faussement haut. C'est aussi être fils que de dénoncer ces limites et erreurs qui ont marqué, voire changé le destin de certains de mes frères et sœurs. C'est enfin aussi être fils que de garder sa mémoire, la mémoire d'un homme pas comme les autres.
Sept ans que je revois mon père sur les routes de Mutoni, Makiosi, Kenge, Kinshasa, Kimbau, Kalonda me racontant son passé dans des détails jusqu'alors inconnus. Sept ans que je ressasse à longueur de journée ses goûts et ses vertus. Homme d'honneur, Papa a vécu sa vie. En novembre 2006, il était présent aux funérailles de Maman Mosimi aux côtés de mon beau-père. Voici un extrait de leur conversation. Je n'ai aucune idée de leur niveau de courtoisie mutuelle, car je ne les avais presque jamais vus ensemble. J'imagine:
- Donatien, je vais te présenter mon premier fils, Joseph. A le voir, tu seras étonné. Il est de grande taille alors que je ne le suis pas.
- Bernard, les nouvelles générations dépassent celles de leurs parents.
Tous ceux qui ont eu Maître ou Directeur Donatien Mabana comme enseignant, dirécole ou collègue, se souviennent de ces deux mots collés: "Mal Moral". Un tic que Papa répétait à l'école pour manifester selon les cas son mécontentement ou sa colère. Hier encore, je me suis toujours demandé ce que signifiait cette formule magique que jamais il utilisait à la maison. Paix à son âme! Whena mboti kuna wena tata.

27 sept. 2014

Clavère est de retour

Ce matin, contrairement aux autres jours, les enfants étaient excités par l'arrivée qu'il m'a été difficile de les contrôler et d'assurer le rythme ordinaire des activités matinales. On a quitté la maison à 7h55, trop pour rejoindre l'école à l'heure. Cela m'a beaucoup préoccupé d'autant plus que notre faculté subit une restructuration. Nous sommes donc partis de la maison en retard. Et pour la première fois depuis la rentrée scolaire, j'ai dû emprunter la route qui mène via Sunday Lane vers University Drive. Nous sommes encore arrivés à temps dans l'enceinte de l'école. J'ai pris le soin d'aviser la surveillante que je rechercherais les jumeaux à 14h30 pour l'aéroport.
J'avais deux réunions: une de ma disciple et l'autre de mon département. Deux réunions touchant à la réforme de notre faculté. Les esprits divergent sérieusement, mais nous avons obtenu un compromis à soumettre au conseil de faculté. J'ai convoqué un petit comité pour la rédaction de notre mémorandum pour mercredi prochain. De 9 à 12h20, j'étais en réunion. L'idée m'est venue d'aller à la Gym afin de me relaxer, mais d'autres urgences m'ont surpris. J'ai dû régler d'autres problèmes, signer des lettres et répondre à des emails de service. Avant de partir, un autre message de la faculté réclamant un rapport annuel dont le délai tombait ce même vendredi. J'ai donné l'ordre à l'assistante administrative de le finaliser.
Il était déjà 14 heures lorsque j'ai quitté mon bureau. Un crochet via le Lazaretto discuter d'un point de procédure à Grad Studies avant d'atteindre l'école peu après 14h30. La sortie de Bridgetown était un peu laborieuse, un embouteillage monstre nous a empêchés d'arriver autour de 15 heures. Ensuite comme si cela ne suffisait pas, un camion remorque surchargé de ferrailles a ralenti le trafic sur l'autoroute. Parvenus à l'aérogare autour de 15h25, nous avons vu Clavère qui nous attendait assise sur l'esplanade des Arrivées. J'avais donc pressenti qu'elle serait déjà sortie.
A notre surprise, elle était là depuis près de trente minutes. Virgin Atlantic n'était pas du tout chargé, les formalités de passage et de récupération de bagages n'ont pas traîné. Soit. La joie de la retrouver était tellement grande que personne ne s'est rendu compte du temps qui s'est si vite écoulé. Cap sur Apes Hill. Nous avons un chemin de campagne à l'autoroute habituellement très fréquentée à cette heure. Un détour par CostUless pour deux ou trois achats ménagers. Les enfants en ont profité pour jouer vingt minutes dans l'espace-enfant de Chefette. On s'est retrouvés à la maison peu avant 17 heures.
Une famille amie - les Hatar - originaire d'Ouganda mais ayant longtemps vécu en Tanzanie - nous a apporté de la nourriture pour le dîner. Thank Mrs. and Mr. Hatar. Asanti sana! Ainsi s'est passée journée du retour de Clavère à la Barbade.

23 sept. 2014

Une semaine entière sans écrire sur le blog

Oui, ça arrive. Et c'est même arrivé. Pourquoi? Parce qu'il y a eu deuil dans ma famille, certes, mais surtout parce que, resté seul avec deux jumeaux de 7 ans et neuf mois, le temps ne m'a plus appartenu. Il fallait me lever tôt, à leur rythme, veiller à leur toilette, préparer leur petit déjeuner, vérifier leurs cartables scolaires, leur prévoir des snacks et de la boisson, en plus de mes propres occupations matinales. Comme si cela ne suffisait pas, il fallait surtout faire en sorte que l'on quitte la maison à l'heure afin d'arriver ponctuellement dans l'enceinte de l'école. Il fallait ceci et cela, et ceci et cela encore sans avoir jamais terminé la liste. Me voilà désormais homme au foyer.
Les enfants, c'est capricieux. Ils te narguent, te poussent à la colère sinon à l'embarras. Beaucoup dépend de l'atmosphère du réveil et de l'ambiance de la matinée. Au schéma habituellement tracé d'actes à poser comme brosser les dents, se laver, s'oppose un autre schéma voulu par eux selon leur plaisir du jour. Claver peut carrément refuser de se laver prétextant qu'il fait froid; Chrystelle te tape droit sur les nerfs en préférant d'abord s'occuper de ses propres "bébés" qu'elle lave, berce, nourrit, etc. Que le temps passe vite ne l'intéresse pas. Ils prétendent qu'ils n'aiment pas être en retard, mais ne font rien en réalité pour éviter le retard.
En dépit de ce tableau peu flatteur, ce temps constitue un temps de profonde remise en question de moi-même, de mes attitudes par rapport aux enfants. Une occasion de mieux les connaître. Les premières nuits, Claver se réveillait pour pleurer l'absence de sa mère; Chrystelle préférait dormir dans mon lit afin que je la dépose dans sa chambre pendant qu'elle dort. J'ai appris à gérer, à prendre cela avec philosophie. Je me suis rappelé des choses que me racontaient mes parents à propos de mes premières années de vie, où je jetais l'eau qu'on me présentait à la place du lait. Mais je me souviens de mes huit ans, à Makiosi. Je crois que j'étais plus éveillé que mes deux trésors. Il y a un immense bonheur à complaire au plaisir de ces jeunes gens pour un père jugé à tort parfois distant ou occupé.
"Oui, mais il faut travailler pendant qu'ils dorment." C'est plus facile à dire qu'à faire. Il y a le ménage qui attend, la maison qui doit être nettoyée. Je me suis abstenu de recourir à une ménagère professionnelle, estimant que le temps était relativement court. Erreur! Il faut conduire les jumeaux à l'école - soit entre 45 minutes et une heure de voiture. Il faut les récupérer avant 15h30. Or je suis chef de département, le gros boulot arrive souvent en fin de journée. En plus, il faut préparer les leçons, enseigner un cours de post-grade. Il faut suivre leurs devoirs, les persuader de les finir, contrôler ces qu'ils font. Un tas de choses difficiles à prévoir! Seule l'habitude peut servir d'expérience pour les organiser rationnellement. Aucune minute ne m'appartient jusqu'au retour de leur mère. C'est entendu, et je l'accepte non sans me poser des questions plus pertinentes.
Alors, me suis-je demandé, comment Clavère fait-elle pour maîtriser ces jeunes gens et assurer tout le confort dont ils ont besoin à la maison, à l'école et comme dans tout autre lieu? Comme je suis perfectionniste, je ne me rends certainement pas de la valeur impayable de sa responsabilité de mère. Je crois que j'ai été souvent injuste à son égard par des jugements irréfléchis ou spontanés. C'est seulement aujourd'hui que je peux apprécier à leur juste valeur son travail et son rôle auprès des enfants. Le cœur d'une mère est plus tendre que la rigueur du père. On me dit avare de compliments. Mon épouse en premier. Je suis victime de ma formation, je ne saurais le nier. Je crois qu'il est temps de changer et d'assurer une harmonie salutaire à ma famille.
Et le blog? Eh bien, le blog n'a qu'à attendre, car je sais désormais ce qui est essentiel dans la vie. Mes lecteurs le savent, je n'écris que ce que je veux et quand je veux. Mon blog, votre blog, a souffert de cette situation passagère dans laquelle je me trouve pour l'instant. Moralité: homme au foyer, sois simplement père pour tes enfants, le reste suivra...

16 sept. 2014

Des anecdotes sur Papa Mosimi

De son vivant, M. Bernard Mosimi portait plusieurs chapeaux. Il ne portait que des chemises blanches et des pantalons noirs bien repassés. Il paraît qu'on appelle cela "style corbeau". Ce serait peut-être l'uniforme de son matanga au dire de certaines langues soucieuses de préserver une certaine hégémonie du défunt ou de marquer ce jour d'une empreinte inoubliable.
Un jour qu'il avait reçu à Bandundu sa belle-fille, Ma Jacky venue droit de Kinshasa. Cette dernière avait fait la lessive et exposé les couches et autres vêtements de sa bébé-fille au soleil. Quelle ne fut sa surprise de constater à son retour que tous les habits avaient été reversés dans un seau plein d'eau et de savon Omo, sous prétexte qu'ils étaient encore sales!
Homme plein d'humour et de rigueur, il a élevé ses enfants dans une stricte discipline. Son métier de surveillant le suivait partout, même à la maison. Il posait des principes du genre: "Moi, je ne conduis un enfant qu'une seule fois sur le chemin de l'école, le jour où je le fais inscrire". A comprendre comme suit: "Si tu échoues, tu te débrouilleras seul(e) pour te trouver une école et retrouver le chemin de la maison".
Chez lui, à la maison, il plaçait une barrière à partir de 18 heures, un morceau de bois ou un bâton qui assurait la discipline de la maison. Cela signifiait que ceux qui étaient dans la concession ne sortiraient plus et que ceux qui étaient dehors resteraient dehors.
Un après-midi, alors qu'il avait décidé de prendre sa sieste, il a donné  l'ordre à ses enfants de ne pas le réveiller quel que soit le motif; de le déclarer absent à n'importe quel visiteur éventuel. Voilà qu'est arrivé sur les lieux son meilleur ami, Papa Albert. Ayant entendu ses enfants "obtempérer à ses injonctions", il est intervenu du fond de sa chambre où il était supposé dormir:
- Ah dis Albert, tu es là.
- Mais Papa tu nous a interdit de te réveiller.
- Mais je vous ai pas demandé de fermer la porte à Albert. Dis Albert, attends-moi, je m'apprête.
Juillet 2005. Nous sommes à Binza-Pigeon chez sa fille Solange. Papa devrait aller, comme à son habitude, faire sa sieste. Mais voilà qu'il y avait beaucoup de boissons restées sur la table. Alors que sa Primus était finie, après plusieurs hésitations sans doute, il a demandé: "Maman, verse de la bière dans ce verre". Il avait décidé de vider les bouteilles entamées sans tenir compte de la marque de la bière. Le temps de la sieste est ainsi passé.
Musicien, organiste, je l'ai une fois vu jouer du piano tout en chantant des chants grégoriens. La mélodie des chants était là, mais l'ensemble formait une cacophonie indigeste à faire bouger Mozart dans sa tombe. Il avait sa façon de manifester ses intentions:
- Papa comment allez-vous?
- Je vais bien, mais les poches sont trouées.
A une époque, vers 2005, nous voulions le délocaliser de Bandundu pour Kinshasa où il bénéficierait de soins appropriés. Refus catégorique. Il fallait le comprendre. A Bandundu, M. Mosimi était un monsieur, alors qu'à Kinshasa, il n'était qu'un hôte de ses enfants. Voici sa solution au cas où on insisterait de le déplacer: "Eh bien vendez la maison, prenez votre part, donnez-moi la mienne, j'irai m'installer à l'Hôtel Lenko." "Et après?" ai-je rétorqué. "Après? Beh, une fois l'argent terminé, Dieu s'occupera de moi."
A propos de ses enfants, M. Bernard Mosimi a donné à tous ses enfants le deuxième nom de "Marie", et chacun d'eux a au moins quatre prénoms. Ainsi Clavère s'appelle: "Mosimi Abuka Abiami Marie Clavère Bernadette Régine". Il y a des Ladislas, des Chrysostome, etc.
Vers la fin de sa vie, il accusait des pertes de mémoire. Ainsi lorsque je l'ai vu le 4 août, tout en sachant que je venais de France, il m'a soudain demandé: "Ebwe na Kenge?". Un sursaut de mémoire qui l'ait, il est remonté trente ans plus tôt lorsque j'arrivais de Kenge à Bandundu.
Paix à son âme!

14 sept. 2014

Papa Bernard Mosimi Bomwana in memoriam (1920-2014)

11 septembre 2014. Un baobab vient de tomber. Un monument vient de s'écrouler. Un homme d'un autre âge, un survivant, vient de tirer sa révérence. Cet homme exceptionnel, c'est mon beau-père, mon père, le père de mon épouse. Un notable de la ville de Bandundu. Comme je suis béni, j'ai eu l'immense plaisir de le revoir un mois avant sa mort. Il était certes faible, mais visiblement en bonne santé en ce jour du 4 août 2014. J'ai dit aux miens que je l'ai trouvé en meilleure santé qu'en 2012.
Au sujet de cet homme, chacun a son commentaire, chacun a son appréciation. J'ai connu M. Bernard Mosimi d'abord par sa réputation avant même de l'avoir vu. Mes aînés du collège Saint Paul parlaient de lui. Tous mes anciens condisciples de Kalonda qui ont par la suite atterri au collège Kivuvu parlaient de lui. Toute l'élite intellectuelle de Bandundu connaissait ce "surveillant" exigeant et inflexible. La réputation de Mr Nkwan dépassait les treillis du collège. Et j'ai eu l'occasion de le voir en avril 74 à l'occasion de l'ordination de l'abbé Innocent Mwela. Les petits séminaristes étaient logés au collège.
Je lui ai parlé pour la toute première fois le 6 août 1978, le jour de ma vêture à Bandundu. Je l'avais rencontré dans la famille de Mampuya où Mushika Ngondi avait animé notre réception. Depuis, j'ai eu à le rencontrer à chacun de mes passages à Bandundu. Il était à la retraite lorsque je suis retourné de Rome. Plus d'une fois, on y était avec Faustin Mampuya mon interprète de kisakata.
Homme intègre, discipliné, cet éducateur chevronné était toujours vêtu de blanc; il avait une générosité inouïe, un amour des jeunes sans faille. J'ai été son hôte en 2003. Il nous a reçus pendant une semaine dans son palais de Budjala 48. Et nous étions soignés aux petits oignons comme on dit. En 2005, nous l'avons fait venir de Bandundu à Kinshasa lors de notre séjour au pays. Sa santé a décliné à partir de 2010. Je l'ai revu en 2012 lors de notre séjour au Congo avec les jumeaux. Il était très heureux de voir Chrystelle et Claver: il les a bénis. Chrystelle garde un très bon souvenir de lui. Malgré sa longue maladie,  il a tenu bon jusqu'à ce jour. Paix à son âme!

 
 
 

9 sept. 2014

Bon anniversaire Rita Kayolo Tsayi


Je viens de voir sur l'agenda généré par Skype que c'est ton anniversaire aujourd'hui. Tu es donc née un 9.9, en la date de la St Pierre Claver, mon saint patron. Un anniversaire qui tombe un peu mal à point car nous venions d'enterrer, il a deux jours, notre oncle Henri. Soit. C'est la vie.
Rita chérie, reçois les vœux de tes nièce et neveu de la Barbade qui, en ce moment, dorment déjà. Ils parlent très tendrement de toi et de la petite Marcelina. Meilleurs vœux de longévité, de paix et de bonheur.

7 sept. 2014

Les rêves surprennent parfois

J'ai fait deux rêves terribles. Des cauchemars dont l'explication m'est claire. C'est la vie, comme on dit. On vit une seconde vie dans le rêve. On revêt d'autres personnages dans le rêve. Je vis des choses inimaginables, que je ne ferais jamais à l'état conscient. Me voilà dans la peau d'un tortionnaire. Agent d'un service de renseignements, je torture Aimé Césaire avec un mèche électrique pour qu'il révèle ce qui l'a motivé à maintenir la Martinique dans le giron français à l'époque où les Africains et ses copains de la négritude se débarrassaient de l'assimilation française. Un procès littéraire. Non, un procès politique. Mieux un procès idéologique. C'est selon.
J'étais là torturant le vieil homme sans force, jurant et lui attribuant comme l'ont fait d'autres, tous les maux et fléaux dont souffrent les Antilles françaises aujourd'hui. Un discours certes tenu par d'autres, mais que j'ai endossé sans discernement... dans le rêve.
A mon réveil, je me suis demandé pourquoi cela! Dans quel but ou intérêt j'aurais posé un tel acte? Une explication. La semaine passée, je préparais un cours de littérature et relisais quelques articles et notes de lecture lorsque l'idée m'est venue de considérer Aimé Césaire d'un point de vue négatif. Senghor oui, cela va de soi. Mais Césaire pour un Africain, pour un critique africain, est complètement immaculé. Il a toujours fasciné les Africains quoiqu'ils n'aient pas tout compris de sa poésie; Georges Ngal le confirmera jusque dans ses derniers écrits. C'est justement une aberration que de trahir l'héritage d'un icône culturel négro-africain, que de vilipender un modèle.
J'ai tout de suite pensé à mon feu papa, à un récit que m'a raconté mon frère Nicolas. Des jeunes gens de Kipiba, du côté de Muni Muhemba, sont allés trouver le chef Kiamfu Kobo pour qu'il intervienne en leur faveur. Ils tenaient à ce que l'école s'appelle EP Muni M'hemba au lieu de Ngungu-Nthambu. Le chef Mbuya après les avoir entendus a demandé:
" De quel directeur parlez-vous?"
" Du directeur Mabana?"
" Lulubuka, lulubuka. (Sortez, sortez tout de suite).
Pour les jeunes gens, c'était la preuve que Papa était un sorcier, qu'il avait envoûté le chef dans ses pouvoirs à tel point que ce dernier ne pouvait rien décider  contre lui.
Des intouchables, il y en a à tous les niveaux. Mon rêve n'était qu'un leurre, insensé, surréaliste ou irréaliste. Les rêves surprennent parfois.

5 sept. 2014

Directeur Mavudila wedi

5 septembre 2014. Hier comme par magnétisme, j'ai parlé de mon oncle Henri Mavudila à partir d'une pensée via père Alphonse Müller sur "Nge ke nani e Mfumu" qui est remontée à l'abbé Benjamin Bwanana d'heureuse mémoire. Voilà qu'à mon réveil, je reçois le SMS suivant de Rigobert:
"Mavudila Henri est mort ce matin à 2 h à Kenge. Inhumation demain 6.9. Salut à tous. R" Le message est arrivé à 5h53 ici, c'est-à-dire 10h53 à Kin. Paix à son âme!
Quelle coïncidence! En fait, mon oncle était dans le coma ou venait de mourir au moment où j'évoquais allègrement son nom dans ma tête et écrivais sur l'émouvant épisode de nos retrouvailles à Mahungu. En bon littéraire et exégète de textes, je dirais qu'il était le sujet de mon texte au niveau de sa structure profonde. Occultistes ou obscurantistes, donnez vos explications!
J'ai connu Maïtre Henri Mavudila à Kenge autour des années 1971 lorsqu'il était encore fiancé de ma tante Odette Ngimba. J'étais à Kalonda, je le voyais pendant des vacances. Ma toute première visite dans leur maison avait eu lieu le 9 novembre 1972. Venu de Kalonda pour l'ordination de l'abbé Charles Kapende, je suis passé dans la soirée avec Papa Bunda et Frédéric Mayamba chez eux sur Tabaka ou l'autre rue, ma mémoire me trahit. La petite Sophie Tsanga, joviale et enjouée, avait à peine quelques mois, on l'amusait sur la table de la maison. Aujourd'hui, elle est mère, mariée à mon ancien condisciple de classe, Célestin Ilenda. Hier j'ai évoqué outre Sophie mes autres cousins: Kalongo, Makembi, Gloire, Charles, Dieudonné.
La vie a fait que nos chemins se partagent. On se revoyait à diverses occasions: vacances, fêtes, deuils, voyages. Promu très vite directeur d'école à cause de sa compétence, il a connu beaucoup de mutations: Kenge, Kimbau, Mutoni, Kibengele, Mahungu, etc. Chacune de nos rencontres était intense, émouvante et forte. Vous connaissez l'épisode de Mahungu. Je l'ai revu en juillet 2012 chez lui à Kenge. Je l'ai trouvé très heureux et fier d'avoir vu son fils Dieudonné devenir prêtre.  Nous avons eu une longue conversation sur tout. A l'occasion de sa maladie, on s'est parlé à plusieurs reprises il y a une année. Hélas, il est parti aujourd'hui. Dieu a donné, Dieu a repris. Loué soit son nom.
De cœur et en union de prières, je suis avec ma tante chérie, mes cousins et cousines. Je m'unis à notre grande toile familiale pour pleurer ce père de famille, cet homme si simple, aimable et généreux. Qui consolera Tante Odette? Partageons la douleur!
Kha Mavudila wedi kwandi. Paix à son âme!

4 sept. 2014

"Nge ke nani e Mokonzi"

Welches Kirchenlied singen Sie gerne?"Nge ke nani e Mokonzi", usw.

J'ai lu avec intérêt une interview de mon ami, le père Alphonse Müller SVD sur www.steyler.de L'extrait que j'ai retenu là me révèle deux choses que je m'empresse d'écrire. J'ai d'abord voulu savoir si ce n'était pas une erreur typographique. Que non! Steyler.de est d'expression allemande entièrement. Tout extrait en langue étrangère doit être le fait de l'interlocuteur, dans ce cas de l'interviewé. Le père Alphonse a bel et bien dit: "Nge ke nani e Mokonzi". Ce mélange de kikongo et de lingala reflète son parcours missionnaire. Le jeune missionnaire a atterri à Bagata avant de descendre à St. Hippolyte dans la ville de Bandundu où il fut vicaire du père Nico Berends. Musicien de talent, compositeur doué, le père a vraiment baigné dans la tradition culturelle yansi, il a vulgarisé l'instrumentalisation des chants liturgiques avec son groupe de guitaristes, ses chorales. "Nge ke nani e Mfumu" est le titre original kikongo de l'abbé Kinzanza. "Nge ke nani e Mokonzi" est le résultat de l'exode rural du père (Ne riez surtout pas). "Mokonzi" est la traduction lingala de "Mfumu". Les Kinois l'ont traduit comme suit: "Yo nde nani e Mokonzi" tout en gardant intégralement la mélodie et le rythme. La dernière fois que je l'ai rencontré au deuil du frère Simon d'heureuse mémoire, l'homme de Ngayime parlait couramment le lingala. J'ai une fois suivi la messe d'un ancien de Kenge qui a prêché en lingala alors que toute l'intonation était kikongo.
La deuxième chose que cela évoque pour moi, c'est la concordance de préférence avec celle d'un autre illustre missionnaire SVD, le frère Baptiste van Rooijen. Paix à son âme! Je l'ai écrit dans mon éloge en son honneur sur ce même blog. Le frère Baptiste qui chantonnait presque toujours m'a plusieurs confié que "Nge ke nani e Mfumu" était son chant religieux préféré. Il fallait le voir lorsqu'il en parlait. Pour avoir vécu trois ans avec lui dans la même communauté, je sais de quoi je parle car je l'ai plusieurs fois entendu le mimer.
Qu'est-ce qui constitue la beauté de ce morceau pourtant si simple et sans grande envergure pour que deux SVD en fassent leur chant préféré? Sa beauté est évidente, mais je crois que sa signification y est pour beaucoup. Je m'explique. Ce chant qui est exécuté aussi bien pour les solennités glorieuses que pour les défunts est devenu populaire à l'époque où l'Etat zaïrois avait interdit les cours de religion, les croix sur les places publiques. Il a inspiré une résistance symbolique et efficace face à la dérive dictatoriale de Mobutu. Je pourrais bien me tromper.
"Nge ke nani e Mokonzi", c'est une fusion linguistique qu'on produit lorsqu'on est un bon missionnaire. Respekt Pater Müller!
 

Que le temps passe vite, très vite

Je ne me rends pas compte que je n'écris plus comme par le passé. Pourquoi? Eh bien, c'est parce que j'ai beaucoup à faire comme prétend toute personne qui voudrait justifier sa nonchalance. C'est cela. Oui, l'année académique est ouverte. Occasion pour moi d'éviter de répondre à mon courrier et d'honorer mes rendez-vous avec les lecteurs réguliers de mon blog. Je vous sais nombreux à travers le monde. Mais je ne peux que vous présenter des excuses pour ces longs temps morts.
Pour des raisons indépendantes de ma volonté, je n'ai pas pu écrire sur mon blog. Raison totalement insuffisante et "alambiquée" comme aurait dit un illustre confrère d'heureuse mémoire. Molineau ou M'Borno pour les intimes. Mes congénères savent bien de qui je parle. Oui, voilà quelqu'un qui m'a rendu un service impayable. 1983. Je suis diacre à Kenge, secrétaire de l'évêque. Le hasard fait que je me retrouve à Matari accompagnant un illustre coopérant européen. Aussitôt arrivé, l'abbé Bwanana me présente les clefs d'une jeep Land Rover et me dit: "Je t'ordonne d'aller à Mahungu voir Tante Odette. La jeep est prête, à toi d'y aller à ton gré. Quant à ton visiteur, nous on s'en occupe". Paix à ton âme, Benjamin. Merci pour ce cadeau.
Pour la petite histoire, à cette époque, ma tante Odette Ngimba, sœur cadette de mon père, marié à M. Henri Mavudila, habitait Mahungu où son mari était directeur d'école. Un petit groupe s'est vite formé avec Gérard Mbengo. Je n'oublierai jamais les paroles de ma tante en me voyant: "Ah mini, ya fwaku dihika". Une réception de prince comme moi seul en suis bénéficiaire auprès des miens. Je suis aimé, très aimé des miens, je vous dis. Ma Tante Odette chérie, c'est la mère de Tsanga, Kalongo, Gloire, Charles ou de l'abbé Dieudonné Mavudila du diocèse de Popo, lequel je crois n'était pas encore né.
Bref, le temps passe vite, voire très vite. On vieillit chaque jour qui se lève, prêt à laisser l'espace aux plus jeunes pour que la vie fleurisse en eux.