23 avr. 2011

Mon séjour à Purdue University, West Lafayette

Du 18 au 20 avril a été organisé par l'Unesco et le Centre Alain Harris, à Purdue University, West Lafayette, le "Dialogue Philosophique Interrégional entre l'Afrique et les Amériques." La rencontre a rassemblé une cinquantaine de philosophes, professeurs, chercheurs, écrivains, journalistes et activistes des deux rives de l'Atlantique. Africains-américains, Afro-Latino-Américains, Caribéens ou Africains-américains oeuvrant en Afrique, Africains oeuvrant dans les Amériques, etc. Bref toutes les catégories possibles étaient représentées.
J'ai eu la joie de retrouver le Professeur Issiaka-Prosper Laléyé que j'avais connu au Zaïre. Il y a eu ma collègue et amie Hanétha Vété-Congolo, le philosophe afro-américain Lewis Gordon, mon collègue Tunde Bewaji de Mona. Il y a surtout des noms sur lesquels j'ai enfin pu mettre des visages tels: Jean-Godefroy Bidima, Tanella Boni, Nkolo Foé, Charles Mbele, Arianne Djossou, Irma Angue, à côté du maestro Enrique Dussel dont l'oeuvre m'est connue depuis Fribourg. A côté de Leonard Harris, j'ai pu dans la foulée croiser une philosophe de l'équipe de conseillers d'Obama en matière de bioéthique: Anita Allen-Castellito. L'ambiance était très conviviale.
Un tour nous a conduits au Latin-American Cultural Center, puis au Black Cultural Center où Jolivette nous a exposé le bien-fondé de la présence black dans cette université et les activités culturelles que le centre organise.
La qualité des interventions était très élevée et stimulante. J'ai appris beaucoup de choses. Mais c'est surtout deux rencontres qui me resteront à coeur: celle avec Lucia Charun-Illescas et celle avec Miriam Gomes. Charun-Illescas est la toute première écrivaine péruvienne d'origine africaine. Son roman Malambo est titré à partir d'un quartier de Lima où a été livrée la dernière cargaison des esclaves. Gomes est de nationalité argentine, professeure de littérature africaine et latino-américaine. Elle affirme qu'il y a en Argentine 2.000.000 de personnes d'origine africaine dont l'existence est officiellement niée. Elle m'a remis un DVD d'un festival "Argentina negra" qu'elle a organisé en 2010. Par leur activisme, Charun et Gomes essaient de donner la voix aux sans-voix de leurs pays respectifs. Coup de chapeau, les dames!
A part ça, le reste pour moi était du train-train habituel des conférences. Aux organisateurs et à l'Unesco d'en livrer le bilan officiel.
Still I Rise, tel était le titre du poème avec Leonard Harris a commencé et fini le colloque: "Bringing the gifts that my ancestors gave / I am the dream and the hope of the slave / I rise / I rise / I rise" (Maya Angelou)

18 avr. 2011

Père Bernard G. Overgoor SVD (1933-2011)

Le 15 avril est décédé à Bandundu le Père Bernard Overgoor SVD. On l'a retrouvé mort dans sa chambre. Alors que l'abbé Michel Ngob m'a informé dès les premières heures du constat du décès, je n'ai pas pu diffuser la nouvelle aussitôt que je l'ai apprise. Des contraintes professionnelles m'ont empêché de lui rendre un vibrant hommage dès le jour de sa mort car avec lui se tourne une page de la vie de tous ses anciens élèves de Kalonda, de Katende, du noviciat SVD et du collège de Bandundu. Père Ben a consacré sa vie à la formation intellectuelle, spirituelle et intégrale de la jeunesse. Paix à son âme! J'ai déjà écrit un message de félicitations au Père Ben à l'occasion de son 50eme anniversaire de sacerdoce. Relisez "Battre sa femme et tous les records" (le zeugma). C'est le 2 septembre 1969 que j'ai vu le Père Ben pour la toute première fois. Missionnaire modèle, enseignant rigoureux et intransigeant, ce serviteur du Seigneur était admirable à plusieurs égards. Très organisé et doté d'une incroyable capacité de travail, il a assumé plusieurs responsabilités au petit séminaire de Kalonda: aumonier des scouts, directeur d'internat, professeur de latin dans toutes les classes, responsable des élevages, responsable de la bibliothèque, économe, directeur spirituel de beaucoup de séminaristes. Tous ceux qui l'ont vu travailler reconnaissent un prêtre exemplaire et aimant totalement dédié à ses protégés. Pendant les quatre ans qu'il m'a enseigné le latin, et les trois ans d'anglais, les cahiers de devoirs étaient toujours rendus à temps. Je ne me souviens pas d'un seul retard. Lecteur infatigable, érudit toujours à l'affût du savoir, il étonnait par l'étendue de ses connaissances encyclopédiques. Je me souviens du discours en latin lu par Timothée Mwamba à l'occasion de son anniversaire en 1971. Je me souviens des élèves déclinant "insula" sur le rythme de "God Save The Queen." Je n'oublierai jamais la visite de Mr Brownbridge de l'Oxfam à son cours d'anglais un jour de 1973. Le soir où Mr Boubou avait joué "Sotunfini", le père Ben a exécuté une danse qui a fait rire tout le monde. Père Ben a été décisif dans le destin de beaucoup d'anciens séminaristes de Kalonda, le latin étant le cours le plus important de la section. Je n'oublie pas le jour où, pendant les examens d'état de juin 75 à Kenge, il a signalé une erreur dans le questionnaire de l'examen de latin. Je n'oublierai jamais le jour où il est devenu furieux parce qu'un séminariste a étranglé une poule au lieu de la tuer comme il se devait. Broussard à la paroisse de Kalenge, le père Ben a rencontré mes grands-parents, Kha Kahiudi et Kha Kalongo, d'heureuse mémoire; il aimait bien le raconter à des amis. Directeur du collège, supérieur de la maison St Paul, il a également fait la brousse des deux rives du Kwilu-Kwango. Le père Ben est resté actif toute sa vie.
Je l'ai encore mieux connu comme collègue pendant mon année de régence en 78-79 à Kalonda. Le Frère Hermann Helm d'heureuse mémoire aimait le taquiner en contestant certaines de ses affirmations. En juillet-août 1980, j'ai joui d'un privilège unique de passer avec lui deux semaines à Stoutenbourg, dans sa famille. Il m'a accueilli à Maastricht, de là on est à Venlo, Teteringen et à Steyl où j'ai vu la tombe du bienheureux Arnold Jansen. J'y ai revu le père Gérard et le frère Gerebenius (Matseka) de Kimbau. J'ai ainsi connu ses parents, ses frères Antoon and Gherard, ses soeurs, ses neveux. A une époque j'étais en correspondance avec un de ses neveux. Nous avons effectué plusieurs kilomètres à vélo. A Achterveld, il a officié un baptême au cours duquel j'étais l'acolyte. Que des souvenirs inoubliables! L'attaque de la polio l'a cloué au cours de la messe de notre ordination sacerdotale à Kenge. Ce qui l'a empêché de réaliser la promesse qu'il m'avait faite de participer à nos prémices à Kimbau le 10 août 1983. J'ai revu le père Ben en juillet 2003 à Bandundu; je revois sa chambre (probablement celle dans laquelle il est mort?). Je lui ai remis un exemplaire de mon livre Des transpositions francophones du mythe de Chaka dans lequel son nom est cité dans la dédicace. Il est même venu nous visiter sur Budjala 48, car on y était avec Donat Mosimi. J'ai encore des vidéo et des photos faites à cette occasion. La mort du Père Overgoor est une grande perte pour la société SVD et pour la jeunesse du diocèse de Kenge à laquelle il a dédié toute sa vie. Le Seigneur le lui revaudra. Requiescas in pace, pater Bernardus.

14 avr. 2011

Petite leçon de grammaire orale

Le mardi passé, embarquant mes jumeaux dans ma vieille bagnole, j'ai été surpris par leur échangé. A peine installée sur son siège, Chrystelle note la présence d'un poignet qu'elle peut tenir confortablement. - Papa, demande-t-elle, il faut tenir ça? Je ne me retourne pas puisqu'elle se trouve juste derrière ma nuque. Par contre, Claver que je vois de travers comprend ce dont il s'agit, mais préfère corriger sa soeur. - Non, on ne dit pas "Il faut tenir ça"; on dit: "Il faut tiens ça". (sic) Surpris, je retiens mon souffle. Chrystelle insiste: - On dit "Il faut tenir ça". J'ai entendu Maman dire ça. - Claver n'a pas entendu ça, rétorque le frangin. Cette fois, je me retourne vers le jumelet et lui file la bonne expression. Il reprend avec force: - Papa, j'ai pas entendu maman dire ça.
Selon toute certitude, ces enfants de quatre ans n'apprennent le français que de leur mère. Grammaire orale, certes, mais ne dit-on pas "langue maternelle"?

12 avr. 2011

Lebungisa Ondjo

Bubu yai, Antoine-Faustin Lebungisa Ondjo Ngavwa Mampuya, alias Maleno, zolaka kukukisa mvula makumi tanu na sambanu kana yandi zingaka diaka. Ngemba na moyo na yandi! C

2 avr. 2011

A Lunchtime Lecture, March 31, 2011

EVENTS. The UWI, Open Campus, in collaboration with the Central Bank of Barbados presents a University in the Community Lunch-time Lecture by Dr. Kahiudi Claver Mabana, Senior Lecturer in French. Dr. Mabana will deliver on the topic: "The Dialogue between Africa and the Caribbean: A View from an African Scholar living in the Caribbean" on Thursday, March 31 from 12 noon - 1:15 pm at the Grande Salle, Central Bank of Barbados. (www.cavehill.uwi.edu/news/ecalendar/event.asp?id=648) What can I say to that? The lecture went well. There were around 30 - 35 auditors. In general I was happy with the outcome of the presentation and the discussion. I acknowledged the encouraging presence of my colleagues Toni Philipp, Bernadette Farquhar and Terrence Inniss in the audience. There were people from different areas of activities: Reverend Buddy Larrier, some Rastafarians and other scholars in history, culture or arts. The lecture actually was about my personal experience of the Caribbean since the time I met Arnold Francis from Antigua in Rome to my fatherhood of two Barbadian twins born here - and who have never seen the Congo - about whom I asked if they were Bajan as well. Using a lot of anecdotes, I spoke from a very personal view of the language, the culture, the attitudes of people, the consequences of slavery and colonialism on the Black mentality, the encounters with famous figures of the Caribbean world such as Aimé Césaire or Dereck Walcott, my involvement in activities linking Africa and the Caribbean such the African-Caribbean Film Festival, the French section colloquia, etc. Unfortunately, time was short to address the theoretical issues of antillanité, creolization, créolité. I did not dare to talk on political aspects or historical issues like the concepts of reparation, globalization. But I generally spoke of the challenges facing both Africa and the Caribbean, suggesting to work together more on what we share than on what divides us. On the other hand I insisted on the fact I conceive my work and my presence in the Caribbean as a chance for a fruitful dialogue between Africa and its Diaspora. I am convinced that I am entrusted a mission here, as poet Aimé Césaire acknowledged it in his meaningful dedication: "To Claver Mabana, to thank him for letting our Mother Africa known to the world and to her forgotten children." (Aimé Césaire, November 23, 2005)

La folie du pouvoir politique

Je n'aime pas la politique, mais malheureusement, je me vois forcé d'en parler. Ce qui se passe à Abidjan comme partout où sévit la guerre est incroyable, ahurissant, inacceptable. Que des massacres! Des frères et soeurs devenus du jour au lendemain ennemis. Des frères et soeurs armés jusqu'aux dents par la haine et la soif du pouvoir. On a beau accuser l'impérialisme, le colonialisme et la communauté internationale; nous avons une grande part de responsabilité dans ce génocide sans nom. Le pouvoir aveugle aussi bien celui qui a raison que celui qui a tort. "Rêveur, beau parleur" rétorque mon voisin sceptique. Je préfère l'être que tueur du sang innocent. Fallait-il vraiment en arriver à cette extrémité? Lorsque je disais que la démocratie était un vilain mot, pas du tout fait pour les Africains, le sceptique me demandait dans quel siècle je vivais. J'appelais à une réflexion en profondeur sur les modalités de son application en Afrique. Car la faiblesse de l'Afrique moderne, c'est l'inanité de ses institutions; celles-ci sont trop malléables, fluctuantes, susceptibles à des accommodations pour servir les tenants du pouvoir. On le voit partout, même ou surtout dans mon pays d'origine. Le pouvoir s'arrache, que ce soit démocratiquement ou par les armes, que ce soit par des pressions pacifiques ou par la force. Qu'on se le dise, on n'est pas loin de l'irrationnel, de l'intransigeance sanguinaire. On négocie, oui mais on a les armes, les poisons et que sais-je encore, sous la table. La loi du plus fort s'impose à tous les coups. On s'en fout que le sang des centaines et des milliers d'innocents coule. On dirait, que plus il coule, plus le despote s'en délecte et savoure sa puissance "héroïque" pendant que ses sbires, griots et hérauts chantent sa gloire, sa magnificence et sa bravoure. A se demander si on est encore des humains. C'est cela la folie du pouvoir... politique.