28 févr. 2015

L'apprentissage auprès de Jean Roudaut

A travers Jean Roudaut, j'ai revu beaucoup de souvenirs. Deux des souvenirs ont été évoqués dans l'article précédent. Ils concernent l'apprentissage. L'apprentissage n'a pas d'âge, ai-je appris de ma seconde mère, Thérèse Weingärtner, qui s'est mise à apprendre l'italien et le français pour rivaliser avec moi comme elle prétendait. Le français, elle en savait quelque chose depuis l'école et depuis que sa maison avait abrité des soldats français lors de la guerre 14-18. L'italien, elle y a pris goût au cours de ses voyages en Italie. Elle était une touriste assidue de Rome, des Soeurs dell'Addolorata sur Via Paolo III où elle était toujours installée par son agence de voyage. Son désir d'apprendre, de lire, de parler une autre langue en dépit de son âge avancé, m'a impressionné.
Le dernier cours magistral que M. Roudaut avait enseigné à Fribourg s'intitulait "La littérature et la mort". J'ai été, comme plusieurs étudiants, impressionné par la présence discrète de son collègue Rudi Imbach aux premiers bancs de l'Aula magna. Ensemble, nous suivions les réflexions de l'illustre critique littéraire. J'évoque souvent ce cas pour montrer la simplicité affichée par ce spécialiste de philosophie médievale. Je ne saurai évaluer ce qu'il en a tiré. L'image que je me fais des cours de Fribourg s'apparente à celle d'un dictionnaire que tout le monde consulte et y trouve son compte. Les étudiants suivaient ces cours quel que soit leur niveau d'étude, et chacun y apprenait ce qu'il y cherchait. Comme  les autres auditeurs, j'avais savouré cette apparition de notre maître.
Degrés de Butor avait fait l'objet d'un séminaire animé par Roudaut. Cette oeuvre indigeste basée sur la mémoire d'une classe d'école nous a donné l'occasion d'en discuter avec l'auteur Michel Butor. Une séance unique dans l'histoire de mes études. Ce jour-là, une étudiante allémanique dont le nom ne me revient plus, - je garde toutefois son visage en mémoire - a démonté les articulations fondamentales de Degrés et démontré par une lecture originale la genèse de l'oeuvre à la grande surprise de l'écrivain. Butor en est resté éberlué. Il a appris d'une étudiante géniale comment il avait écrit Degrés. Je garde de Michel Butor le souvenir d'un monsieur toujours habillé en salopette comme un mécanicien, d'un ingénieur du texte à l'imaginaire débordant. Au cours d'une autre conférence, Butor affirma que la vraie littérature se trouve dans le "bottin téléphonique."
Pour nous expliquer le surréalisme, M. Roudaut a évoqué le passage chez lui à la maison en Grèce de Jacques Lacan. A l'époque, avait-il commenté, le confort était relativement modeste chez un professeur d'université. Lacan le matin s'est habillé d'un costume complet blanc et a mis des chaussures mocassin de couleur verte. Le Breton affectionnait particulièrement une veste de velours grise. Pour les séminaires, l'étudiant était tenu de lui faire parvenir une semaine avant le texte. Et trente-minutes avant l'exposé, M. Roudaut rencontrait le présentateur ou la présentatrice autour d'un café pour des remarques et des instructions. L'apprentissage auprès du maître suivait un rite demeuré inchangé pendant des années et menait à une véritable rédemption de l'étudiant.
Cet historien de l'art qui a maîtrisé, pas comme deux au monde, Baudelaire, Mallarmé, Flaubert, Proust et René Char pour lequel il a préfacé l'édition classique était surtout un savant pragmatique du terrain. A la question de savoir où il fallait puiser des noms pour son roman, il renvoyait aux pierres tombales des cimetières. Une mine inépuisable de noms en plus d'un lieu de méditation sur l'être et le monde.


27 févr. 2015

Le professeur Jean Roudaut

26 février 2015. Je viens de réentendre la voix de M. Roudaut vingt-trois ans après qu'il a quitté Fribourg. Jean Roudaut fut mon professeur de littérature française moderne et contemporaine de 1987 à 1992, l'année de sa retraite. Il avait quitté Fribourg afin de mieux se consacrer à l'écriture. Et effectivement, il a publié une vingtaine de livres depuis. Il avait intitulé son cours d'adieu "La littérature et la mort", un titre emprunté à Maurice Blanchot. Je le souligne parce que, parmi les auditeurs de ce cours, se trouvait un éminent professeur de philosophie, Rudi Imbach. Aujourd'hui encore, je viens de suivre un véritable cours de littérature. Il nous a donné à rencontrer et écouter des sommités littéraires tels que Maurice Chappaz, Jean Starobinsky ou Michel Butor lors d'un séminaire consacré à Degrés. J'évoque souvent ces deux événements dans mes conversations avec les étudiants.
Monsieur Roudaut, écrivain, poète, grammairien et essayiste, fascinait par la qualité de son travail, ses lectures uniques et originales des textes et sa vaste connaissance des sciences humaines et des arts. Historien de l'art, il excellait dans des analyses qu'on ne pouvait trouver dans aucun manuel. Adulé des étudiants pour la facilité et l'enthousiasme avec lesquels il enseignait, Roudaut donnait l'impression d'élaborer son cours pendant qu'il l'enseignait. Il naviguait de la théorie de l'art à la théologie, de la psychanalyse à la philosophie avec une aisance sans faille. Un maître! A son départ, comme j'étais le seul à traiter un sujet africain, il m'a donné une bonne quantité de romans, de livres critiques, de recueils de poèmes ayant trait à l'Afrique.
Je l'avais trouvé pour qu'il dirige mon travail de licence, mais il avait déjà accepté la demande de plusieurs étudiants avant moi. J'ai dû me rabattre sur Mr. Giraud, un spécialiste des littératures classiques qui avait dirigé beaucoup de thèses sur l'Afrique. Paix à son âme! Avec Roudaut, j'aurais assurément produit un mémoire créatif et avant-gardiste alors que Giraud, savant conservateur,  m'a retenu dans la tradition des lettres. Roudaut  menait à l'aventure de l'esprit tandis que Giraud rassurait sur le terrain académique. Les étudiants étaient donc également servis. Que d'évoquer d'avoir suivi des cours de Roudaut ou Giraud constitue un privilège considérable dont on doit être fier.
Venons-en à l'interview de l'article précédent. Pendant que le journaliste introduisait Jean Roudaut, j'avais hâte d'entendre la voix de mon maître 23 ans après. J'ai entendu en sourdine "oui", "oui" avant de reconnaître sa voix demeurée inchangée, peut-être changée d'un ton plus grave, marquée par l'éternel grésillement final de ses phrases. Je suis comme entré dans l'Aula magna de Fribourg pour écouter l'enseignant. Toujours égal à lui-même, il a gardé à 85 ans le même enthousiasme, la même veine poétique que par le passé. Son analyse de Proust m'a rappelé mon dernier séminaire "Proust et le romanesque" pour lequel j'avais fait une présentation sur les maximes dans Du côté de chez Swann et Le temps retrouvé. J'ai encore la copie de ce travail; je l'ai revu et présenté à Michigan Academy en 2005; je le publierai un jour avec d'autres textes écrits depuis Fribourg. Jean Roudaut a gardé la même passion pour Proust, et même j'ai pu anticiper certaines de ses phrases tellement j'avais été marqué par son immense savoir de Proust dont il est sans aucun doute l'un des meilleurs connaisseurs au monde. Et j'ai toujours été admiratif de sa conception de la littérature. Si je me définis littéraire aujourd'hui, c'est en partie grâce à Jean Roudaut. Des retrouvailles pleines d'émotion et de gratitude.


La voix de Jean Roudaut 23 ans après

http://www.babelio.com/auteur/Jean-Roudaut/15219


Voilà ce que j'ai noté de l'interview de l'auteur de Michel Butor, le livre futur
"Oui, oui
Proposition - un genre littéraire atypique
Essai, fiction, auteur inclassable avec ses sous-titres frappants
"C'est quoi consacrer sa vie à l'écriture?"
Mallarmé, Proust, Perros, Dubuchet, Deforest, Blanchot,  Les voix venues d'ailleurs.
"Ce qui m'importe, c'est la rigueur de l'écrivain".

Un livre, c'est un compagnonnage. Je le relis. "Je donne les livres aussi." -
Je garde les grands classiques : Goethe, Hoederlin.
Je n'ai pas de télévision. je ne peux passer une soirée sans lire de la poésie.
Au contraire du roman, la poésie demande à être reposée, ie posée de nouveau... Le poète est là, tout dans le moment où il nous dit, où il nous parle.
Aux XVIIe siècle la poésie était moins chez les poètes que chez les grammairiens... C'est quasiment stellaire à travers des mots.... Les grammairiens étaient des visionnaires. Apollinaire capte les mots dans les cafés.
Une relation.  
A la Recherche du Temps Perdu est un roman de formation au sens du XVIIIe s., épopée à la façon antique.

Jean Roudaut: En quête d'un nom. 
Un livre sur Proust. Un écho à quelques sous-titres
Le narrateur n'a pas de nom. Les indications sur son nom sont équivoques. St Marcel... Cette absence de nom est tout à fait soulignée dans le cours du livre: "on me présenta... on me l'annonça".
"Il faut se faire un nom. On entre dans la société lorsqu'on est nommé".  Mais il passe près de vingt dans un asile... Il abandonne son héros ... ce héros ne peut être mondain."
Marcel, c'est l’anagramme de Carmel. Pourquoi a-t-il cette insistance à nous dire qu'il n'a pas de nom?... C'est comme s'il y a un noumène et un phénomène.... La littérature, c'est une réalité mystique. Il ne s'inquiète pas de savoir qui il est. .. L'indifférence absolue de Proust à l'égard de Dieu.
"La littérature saisit qu'il n'y a rien après l'instant présent." En quête d'un mot: le mot juste. Les brouillons sont extraordinaires; il faut passer des stades ... avant de trouver une expression satisfaisante."
Chez Plotin, il y a l'Un: Dieu. Chez Proust, l'Un c'est la littérature. Si on se trouve un nom, une note précise exacte.
"L'image du jet d'eau" pour exprimer la pensée existe ans la poésie jusqu'à Valéry.  La littérature, c'est toujours quelque chose en train de jaillir... de retomber, de rechuter et de prendre. Une bonne métaphore pour Oulipo. Si le temps était, il ne pourrait trouvé que vide d’événements.
Une minute pure absentée du temps: pour saisir un moment pur du temps. S'il pouvait écrire ce livre futur qu'il envisage, ce serait un livre vide. Si on se trouve un nom, il est déjà perdu. Une note précise exacte.  Un Marcel en cache un autre, un jeu de mot que je voulais faire.
Le nom de Dieu est imprononçable, ne peut être ni connu ni dit. Mallarmé a été un maître pour Proust. Marcel écrit Albertine disparue des vers de Mallarmé, alors que dans sa jeunesse il a écrit contre l'obscurité qui va blesser Mallarmé. Une sorte de parricide dont il essaie en quelque de se racheter. Un rapport d'analogie.
Hugo aussi tend à la divinisation de soi. Une rédemption, un réajustement de soi à soi, au monde et aux autres. C'est ça la divinisation. Dans notre propre histoire il est possible que notre première douleur soit le langage. La poésie, c'est un effort.
La quête n'atteint jamais son objectif. C'est le destin: l'échec, l'épuisement chez Proust car il est à bout de force à la fin de la Recherche. Si le temps m'était laissé... il faudrait tout reprendre, mais on n'a pas le temps.
Aux sources de la Divonne.

22 févr. 2015

La démocratie par défi

Lorsque l'on jette un regard sur les événements politiques et électoraux au Sénégal, au Burkina Faso, au Burundi, en RD Congo, en R Congo, au Togo, en Egypte, en Tunisie, on se fait une idée objective de ce qui se passe réellement en Afrique. La démocratie y est au défi. Si le Sénégal, pays très avancé démocratiquement malgré le sale jeu intrinsèque de la politique, s'en sort bien, les autres sont confrontés à des violences de toutes sortes pour imposer la démocratie. La vérité n'est ni du côté du pouvoir en place ni du côté de l'opposition.
Ce matin, j'ai suivi sur la VOA l'interview d'une Burundaise dont la voix ressemble à celle de Marguerite, une vieille amie de Fribourg très active dans le domaine des droits de l'homme au Burundi. Elle racontait que l'opposition y est totalement muselée: le pouvoir vide l'opposition de ses membres les plus influents en les emprisonnant, en les sommant de quitter la scène politique. Le pouvoir accuse les opposants de tous les délits possibles, prétexte pour les mettre hors d'état de nuire. Intimidations, incarcérations injustes et autres pratiques violentes assurent la puissance du pouvoir. Et que vient faire la démocratie dans tout cela? La tactique est de vider l'opposition de ses pions majeurs en salissant leurs casiers judiciaires et leur réputation.
Eh bien, au vu de ce qui se passe un peu partout en Afrique, la démocratie n'est qu'un tremplin pour véhiculer des idées inconcevables et inexplicables autrement. On dirait que devient démocratique toute idée qui se passe dans la tête du président et de ses acolytes pourvu que tous les maillons de la chaîne soient impliqués. Et ces maillons interviennent en général en faveur du pouvoir en place. Les instances censées contrôler le respect des lois sont elles-mêmes directement dépendantes du pouvoir ou travaillent de connivence avec le gouvernement. En fait, un seul détient tous les pouvoirs, les autres ne font qu'exécuter les ordres du chef. Sans les discuter, sans les discerner. C'est cela la démocratie à l'africaine. Le peuple, manipulé et muselé, est le dernier à savoir ce qui se décide en son nom dans des immeubles dorés et vitrés qui lui sont inaccessibles. En d'autres mots, seul le maître définit la démocratie et en détermine l'exercice et le jeu.
Dans cette même logique, l'opposition consiste à dénoncer insolemment le pouvoir, voire à insulter le chef et de lui affubler tous les méfaits. Elle déballe le chef jusqu'aux secrets de sa chambre à coucher. Souvent, elle se contente de diaboliser le maître des céans, parfois avec un courage suicidaire. Tout cela au nom de la démocratie. Souvent, dans ce jeu démocratique impitoyable, les vrais débats sont édulcorés, bâclés à la va-vite et détournés de leur pertinence. L'intérêt du pouvoir est d'abord personnel, mais explicitement confondu avec celui du peuple. Feu président Mobutu était fier de soutenir que certaines provinces du pays avaient refusé de recevoir des bulletins de vote rouges, ayant unanimement opté pour les bulletins verts. C'était en fait sa propre vision qu'il présentait. Qui aurait osé voter rouge à cette époque? Cela aurait été traité de trahison, de rébellion ou de manque d'esprit révolutionnaire. On risquait la mort pour un rien car tout acte contraire à la révolution mobutiste ouvrait la voie de la prison. C'était du totalitarisme en quelque sorte: une démocratie où la voix du peuple était supplantée par celle du héros omnipotent, guide éclairé et pacificateur, père de la révolution. Un crédo unilatéral.
Chaque pouvoir qui ne laisse au souverain primaire que très peu de marges de liberté ou de choix risque de tomber dans une dérive forcément totalitaire. Ce risque guette tout pouvoir qui confisque le rôle décideur et la voix de sa population. C'est cela la démocratie par défi.

21 févr. 2015

L'Afrique hors de la CPI

L'Afrique quitte la CPI en juin 2015. Une proposition de l'actuel président de l'Union Africaine, le sieur Robert Mugabe. Voilà un personnage très controversé aux yeux des Occidentaux mais qui jouit d'une estime considérable auprès de ses compères africains, qui n'ont pas hésité de l'élire à la tête de son organisation la plus prestigieuse. Ma première réaction lorsque j'ai entendu et lu cette nouvelle était d'y voir une sorte de plaidoyer pro domo. Sous les couverts d'une décision consensuelle se profilait un intérêt personnel des présidents afin d'échapper aux nombreuses accusations qui les visent. Ainsi donc, ils auraient la main-mise sur l'appareil de la justice et s'en sortiraient plus aisément. Le dossier Mugabe en matières de droits de l'homme et de démocratie n'est un secret pour personne. Mais lorsque j'ai essayé d'approfondir la question, je me suis arrêté à quelques constats évidents.
1. Dignité pour l'Afrique. La Cour Pénale Internationale, selon ce qui se constate, touche surtout les personnes du Tiers-Monde. Les puissants de ce monde ne sont nullement concernés. Des présidents africains, des criminels de guerre, des rebelles, et d'autres malfrats sont au nombre de ses cibles de prédilection. Bush ou Blair ne peuvent être poursuivis par cette Cour. Ils n'ont jamais été inquiétés de crime contre l'humanité après avoir déclenché la guerre meurtrière de l'Irak. Sarkozy et Cameron, entendons la France et la Grande-Bretagne ont envoyé leurs avions et armes détruire la Libye et tuer Kadhafi, sans qu'aucune voix ne s'élève du côté de la CPI. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'y ester Poutine pour ce qui se passe en Ukraine ni l'annexion de la Crimée. De ce point de vue, les Africains ont raison de défendre leur dignité en exigeant un traitement égal pour tous contre une Cour qui les méprise. Uhuru y a comparu  dernièrement. Quelle humiliation pour un président en fonction! "Mais, on vous dira, c'est un Africain."
2. Anticolonialisme. A un cours de pensée caribéenne où il était question du concept de "Decoloniality", j'ai demandé aux étudiants si l'esprit colonial finirait un jour. La réponse spontanée était négative au vu de ce qui se passe dans le monde. Le poids des grandes puissances - entendez les puissances de l'Empire - est très important pour fléchir les choses dans un sens contraire. En fait, si on y réfléchit bien, sous le vocable de mondialisation se cachent les pires réalités de l'hégémonie séculaire occidentale. En d'autres mots, colonisation et mondialisation ne diffèrent pas fondamentalement. Le monde n'est juste que pour ceux qui possèdent le pouvoir. Le dictateur le plus crapuleux se proclame démocrate convaincu. Les ONG les plus prédatrices des ressources communes se prétendent les plus humanitaires. "Quel grand artiste le monde va perdre!", a dit Néron. Il est un devoir pour l'Afrique de se dégager des contraintes asphyxiantes de la domination sous laquelle elle ploie. Les instances de pression sont légion. Que ce soit Mugabe à la base de cette initiative pousse forcément à une double prudence.
3. A qui profitera ce retrait? Pas aux Africains en tout cas, peut-être à quelques-uns. On peut développer d'autres questions liées: pourquoi? dans quel but? comment? où? avec quel financement? quelle légitimité? Etc. Une Cour Africaine de Justice. La CAJ sera une institution africaine de plus, comme les autres. Oui, à l'africaine. Essayez de coupler cette expression à d'autres, vous obtenez: "Justice à l'africaine, démocratie à l'africaine, droits de l'homme à l'africaine, politique à l'africaine, diplomatie à l'africaine, gestion financière à l'africaine..." Voyez-vous ce que cela donne? République bananière. Le concept sera vite évoqué pour la démolir. Une Cour sans les Occidentaux? République bananière ou Vive la Jungle Equatoriale!

19 févr. 2015

Spectaculaires décapitations

Où va le monde? Comme si les nombreuses et cruelles guerres ne suffisaient pas, comme si les violences criminelles ne tarissaient jamais, des hommes se plaisent à décapiter d'autres hommes en prenant le soin de diffuser sur vidéo ou film l'événement macabre. Le but est sans aucun doute de choquer. On est vraiment à la limite du raisonnable et de l'inacceptable. Cela devient inconcevable lorsqu'on clame le nom de Dieu derrière ces actes horribles. Ou va le monde? C'est le cas de se poser mille fois la question au vu des atrocités qui pillulent sur les écrans des postes téléviseurss et des computers, ipads ou iphones.
"Oui tu condamnes l'Etat Islamique, mais ce que les Américains et leurs alliés font en bombardant sans distinction des sites habités n'est pas moins criminel ni condamnable." M'a-dit un ami musulman que je respecte, mais avec qui je ne partage pas la même vision du monde. Un acte criminel est un acte criminel en soi, peu importent la couleur ou la religion de celui qui le pose. Et même encore, ce n'est pas tous les musulmans qui sont terroristes quoique leurs co-religionnaires excellent dans ces genres d'activités. Le plus grave, et c'est là que la généralisation désoriente tout être qui pense, c'est d'attribuer à des millions de musulmans la responsabilité d'autant de crimes.
Comme soutient le président Deby, c'est les Occidentaux qui sont à la base de ces désordres. La Libye a été abandonnée à son sort dès qu'ils ont tué Kadhafi et eu accès au pétrole. La solution est de rétablir la paix en Libye par ceux-là mêmes qui ont déstabilisé ce pays. EI, Al Shabab, Boko Haram, les guerres du Soudan constituent de véritables machines de la mort issues des interventions occidentales. C'est ce que soutient Deby avec une consistance surprenante. Et partout où la guerre sévit, provoquée par des intérêts géostratégiques ou hégémoniques, la présence occidentale est évidente. Leurs pions agissent, téléguidés par leurs lointains manipulateurs.
La réalité quotidienne nous montre qu'il ne faut rien attendre des puissants qui nous dirigent. Ils travaillent plus pour leurs propres intérêts que pour les intérêts de ceux qu'ils sont censés protéger. L'ordre mondial actuel doit nécessairement changer pour que voit le jour un ordre nouveau.

   

Jean Bumbakini s'en est allé...

Vous aurez remarqué comment j'ai appris la mort de Jean Bumbakini. Juste un message Facebook de Bernardin Iwongi Mbuku que j'ai contacté par un hasard de circonstances. Paix à son âme! Je viens de parler avec Bernardin. Souffrant depuis des années d'un diabète aigu qui a ruiné sa santé, Jean est parti de Dayton pour Kinshasa via Bruxelles il y a deux semaines. Il s'en est allé le lundi 15 février 2015.
J'ai connu Jean Bumbakini pendant qu'il était étudiant en philosophie et religions africaines à la Faculté de Théologie Catholique de Kinshasa. Il était de ceux qui ont connu la fermeture de Mayidi en 1974-75 et ont été reversés aux facultés. A mon retour de Rome en 82, il était assistant aux Facultés Catholiques de Kinshasa. Et il donnait des cours comme visiteur au grand séminaire de Kalonda. Je l'y ai trouvé lors d'une récollection que j'avais animée à Kalonda. Proche de Constantin et Pascaline Mawana, il s'est marié à une vieille connaissance, Sindani, parmi les filles de Pelende qui ont étudié au Lycée de Kisantu. A chacune de nos rencontres, nous avions donc quelques sujets de conversation.
En mars-avril 90, nous nous sommes retrouvés à Paris. Il avait obtenu une bourse de Missio pour un doctorat en philosophie à la Catho. Je crois que ce temps-là fut le seul que nous avons avons vraiment passé ensemble, où nous nous sommes rencontrés régulièrement autour d'un verre ou d'un repas. Que des souvenirs. A cette époque, il se débattait à ouvrir un compte en France. Et c'était un problème sérieux. En bon philosophe, il prenait cela de haut: "Claver, disait-il, les illogicismes appris en cours se réalisent ici. C'est un parcours de combattant que d'ouvrir un compte bancaire dans ce pays." C'est de cette époque date ma pensée sur la raison blanche: "La raison blanche cesse dès qu'il s'agit des Noirs." 
A un guichet de poste où il avait présenté son passeport zaïrois pour retirer de l'argent, on lui avait demandé:
"- Monsieur, n'avez-vous pas un autre document que celui-là?
- Y a-t-il mieux qu'un passeport pour m'identifier? A-t-il rétorqué. Si c'est insuffisant, ajoutez les éléments qui y manquent.
- Monsieur, vous savez bien que cette pièce est douteuse."
Depuis ce temps, nous nous sommes revus une fois à Bruxelles. J'avais de ses nouvelles mais jamais  directement de  lui-même jusqu'aux échanges d'emails que j'ai repris dans l'article précédent. Il m'a recherché et trouvé. Je lui ai exprimé ma reconnaissance pour ce geste si fraternel.
Avec Jean Bumbakani, le Kwango perd un de ses fils intellectuels et universitaires. Puisse la terre de nos ancêtres lui être tendre et accueillante. Mes condoléances les plus émues à sa famille biologique et à tous ceux et celles que cette mort affecte. Nzayiku bweyi ya kudila, Jean! Wenda mboti!

Adieu Jean Bumbakini: sans commentaires

Bernardin Iwongi Mbuku (19 février 2015)
"Meni mboti fioti, je fais et vis avec. Du reste, on est dans l'émotion du décès de Jean Bumbakini à partir de Kinshasa."


Jean E. Bumbakini 
19/09/2010

To: clmabana@hotmail.com, kmabana@uwichill.ed.bb

Monsieur le Professeur et cher ami Claver,
Je viens de te retrouver sur le Net. Miracle!? Je t'envoie ce message test.
Je vis depuis plusieurs annees ici aux USA. Après Dayton, Ohio et Chicago, Illinois, je me suis etabli a Denver, Colorado. J'y ai acheté une propriété. Dans l'ensemble, on se porte bien.
Sala mbote, bien des souvenirs et d'amitiés fraternelles.

Jean E. Bumbakini (19732 E. Dartmouth Place, Aurora, CO 80013 USA)

From: clmabana@hotmail.com
To: jekwalama@hotmail.com
Subject:
Date: Wed, 29 Sep 2010 16:01:47 +0000

Mon frère et ami Jean,
Je ne sais combien te remercier pour cet e-mail. Car je me suis toujours posé beaucoup de questions à ton sujet. J'ai ton ancienne address e-mail dans ma boite; je t'ai même une fois écrit sans que j'obtienne une réponse. Tu avais aussi mon address e-mail, sans le savoir peut-être. Par exemple, lorsque tu avais apporté ton témoignage à l'occasion du décès de Papa Alphonse Pashi, j'avais reçu l'e-mail dans la foulée. C'est à cette époque que je t'avais aussi écrit. Soit. Je dois aujourd'hui me dire l'homme le plus heureux du monde; tu as daigné enfin reprendre contact. Merci, merci mille fois. Merci surtout pour l'effort de m'avoir cherché, et trouvé. Je me souviens encore de notre dernière rencontre. Félicitations pour ton parcours.
Eh bien, je suis à la Barbade depuis bientôt dix ans. (...) Je viens de temps en temps aux US, en général pour des conférences.
Sala mboti. Restons en contact. Meilleurs voeux!
Kahiudi C Mabana


From: Jean E. Bumbakini
06/10/2010
Mon Cher Claver,
Abwe nge mutu ye kikanda? Merci! Le message m'est bien parvenu. La famille se porte bien.
Je me rappelle de mon message lors de la mort de M. Pasi Alphonse.
Mais, nous nous sommes vus pour la derniere fois a Paris, lorsque tu y es venu pour des recherches. Tu logeais chez les Peres du Saint-Esprit. Et, nous avons mangé un repas africain chez mes amis Ignacia et Dorothee Barbier, l'avocate.
Nous maintenons le contact.
Sala mbote.
Jean




16 févr. 2015

Les nouveaux édifices de l'UCC

Je suis très impressionné par le premier bâtiment de l'Université Catholique du Congo à Mont Ngafula, Kinshasa. Très belle cérémonie d'inauguration selon tous les commentaires lus ou reçus. La Nonciature, la CENCO, le ministère de l'ESU y étaient présents ainsi que d'autres institutions. Une pierre d'angle a été posée pour une meilleure prise en charge de l'éducation universitaire dans notre pays. Que le Seigneur veille à ce que l'UCC y remplisse sa fonction et sa mission!
Des remerciements ont été adressés aux organismes sponsors et mécènes de tous bords. Pour avoir visité le site "en ces temps-là", je suis fasciné par sa grandiose mise en valeur. C'est vraiment l'occasion de féliciter l'abbé recteur Jean Bosco Matand' pour cette oeuvre d'église. Ma pensée va au donateur du site et aux personnes qui ont négocié l'obtention de ce si précieux don. Devoir de mémoire s'impose. Encore une fois, multos annos à cette alma mater de l'intelligentsia catholique.

15 févr. 2015

La mort de Firmin et la tragédie des Ndikita

9 février 2014. J'apprends par un sms de G. Ilenda la mort de Firmin Ndikita. Paix à son âme! J'appelle Léa, sans succès. Le numéro que je possède n'est plus en service. J'essaie d'appeler quelques autres membres de la famille, en vain. C'est finalement Pascaline qui me confirme la nouvelle. Il est mort de suite d'une opération chirurgicale qui n'a pas réussi. De quoi? Comment? Autant de questions sans réponses. Des onze enfants Ndikita, il n'en reste aujourd'hui que quatre en vie: Léa, Déo, Gaby, Kwemumwena et Khumba. Autant dire une tragédie familiale! Samedi 14 février, je reçois un message d'Anaclet Muntaba sur Facebook: "Bjr Mbuta; Le petit Ndikita Firmin est mort, et le corps sort aujourd'hui."
La famille Ndikita, c'est ma famille, c'est notre famille. Nous avons toujours vécu ensemble depuis septembre 64 suite à notre mutation de Mutoni pour Makiosi. Nos familles une fois jointes ne se sont plus séparées. C'est avec les Ndikita que nous avions effectué en juillet 65 notre premier voyage pour Kenge. Eux possédaient déjà une parcelle sur rue Lac Mwero. Je garde un bon souvenir de cette maison-là car j'y étais reçu comme un petit prince lorsque je fus écolier à Kenge entre 65-67. Papa Gaby fut le parain de baptême de mon frère Donatien. Célestin a été mon frère-ami le plus proche à Kenge; et même à Kalonda, nos relations sont restées solides bien qu'étant dans des classes différentes. En l'absence des Kayolo, leur maison du camp ONL était devenue mon pied-à-terre à Kenge. Et nos familles ont toujours vécu ensemble, solidaires dans la joie comme dans la peine.
Aujourd'hui, Célestin, Godé, Mokilipasi, Odette, Augustin, ... et Firmin sont partis ad patrem dans des conditions parfois tragiques. Paix à leurs âmes! Je n'oublierai jamais ma toute dernière conversation avec Papa Gaby et Ma Madi à Ngaba en 2003. A cette époque, il était question de retrouver les traces de Célestin disparu à l'étranger. Il aurait déclaré des vérités très bouleversantes à ses parents: "Vous exterminez vos enfants. Eh bien, à partir d'aujourd'hui, ne me comptez plus comme votre fils. Et vous ne m'aurez pas." Papa Gaby, dont l'âge était assez avancé, avait des trous de mémoire. Il a réussi à articuler, dépité: "J'élève un enfant, je le nourris, je le mets à l'école, je fais tout pour lui. Comment pourrais-je le tuer? Aujourd'hui c'est moi le sorcier". J'avais essayé d'adresser des e-mails à plusieurs endroits pour le localiser; personne de mes contacts n'avait des traces de Célé. On le disait en Angola, en Afrique du Sud, en Europe, au Canada. Puis un jour arriva la nouvelle de sa mort en Namibie. Les enfants Ndikita ont eu un bizarre destin, causant de dures épreuves à leurs parents et famille étendue.
Ngundu est mort très jeune de maladie. Le cas le plus intriguant est celui de Mokili. En 79, ce dernier fut impliqué dans la tuerie d'un magasinier de Santos. Une obscure histoire de multiplication magique d'argent. Kenge passa des jours terribles en juillet-août 79: la tension était tellement forte à Kenge que j'avais dû une fois passer la nuit à Kiwana plutôt que de traverser le camps militaire pour entrer dans la cité. Entassés dans un véhicule militaire, les prévenus assassins étaient promenés à travers la cité, montrés au public sous les huées de toute la cité. Je vis Mokili, nos yeux se croisèrent: il était tête rasée, gonflée à la suite des tortures des soldats. Ce regard-là fut le dernier que j'eusse échangé avec mon cousin. Parti juste après pour Rome, j'appris de Séraphin Kiosi qu'il était interné au centre pénitencier de Makala. A sa sortie quelques années plus tard, il a pris le chemin d'Angola. Devenu un prosper homme d'affaires, il a fait appel à ses autres frères et sœurs pour qu'ils le rejoignent en Angola. Il m'avait téléphoné plus d'une fois à Enney en Suisse pour que je lui facilite quelques démarches, peu avant les morts tragiques d'Odette, Augustin à la suite d'un accident, d'un naufrage (?). C'est ce qui aurait justifié la désertion volontaire de Célestin accusant leurs parents de sorciers.
Venons-en à Firmin qui vient d'être enterré. Je garde de lui le souvenir d'un jeune homme posé, calme et très poli. Serviable, il avait souci d'aider les autres. Malheureusement, lui non plus n'a pas connu un parcours serein. Sa vie était assez mouvementée. On l'a accusé de malversations financières qui lui ont valu quelques mois de détention en prison. Avait-il oui ou non commis ces délits? Dieu seul est son juge. Soit, c'est la vie. J'ai entretenu des contacts e-mails avec lui il y a quelques années. Je m'unis à la douleur de la famille, et de tous ceux et celles qui pleurent Firmin. Que Dieu le reçoive dans son Royaume céleste!
Prions tout spécialement pour Maman Marguerite et ses enfants encore vivants.
Wenda mboti Firmin.
C



11 févr. 2015

11.2.78

Ma mémoire est bonne, ce fut un samedi. Des séminaristes de Mayidi se sont rendus à Kintanu célébrer une messe pour Munguruba, grand séminariste d'Idiofa mort en décembre 77. Paix à son âme! Je fus de la partie. On avait organisé cette cérémonie d'entente avec la communauté des ressortissants du Bandundu qui, à l'époque, habitaient Kisantu et les environs. La soirée fut très conviviale, fraternelle, riche en émotions et évocations. J'avais à cette occasion fait la connaissance d'un parent originaire de Mutoni qui y avait pris racine; je le retrouverai à Kenge Notre-Dame et Anwarite. Son nom m'échappe au moment où j'écris ces lignes, mais il reviendra, j'en suis sûr. Sinon, je sais qui peut me le donner si besoin est. Je l'ai revu en 1992 pour la dernière fois. Ainsi va la vie.

9 févr. 2015

La violence (2)

La violence prend des formes insolites, inattendues, horribles. Une religieuse ougandaise qui a fondé une école de couture pour des filles violées ou enrôlées par la LRA de John Kony, a raconté à la BBC des récits à vous donner des cauchemars. Elle encadre depuis sept une jeune femme qui, pour survivre ou sauver sa vie, a été forcée de tuer sa propre soeur, car de l'aveu des assaillants, il fallait absolument qu'elle le fasse. Ce que j'ai admiré chez la religieuse, c'est son sens de réalisme. "Vous ne pouvez pas résoudre le problème d'une telle personne en un jour ni en une semaine. C'est un long et patient accompagnement qu'il faut prodiguer. En livrant le secret de son coeur meurtri, la personne se guérit elle-même de ses plaies, se relève très lentement de ses frustrations enfouies en elle." L'accompagnement thérapeutique exige de la part du conseiller et de son protégé écoute et silence, confidence et sécurité intérieure. Le défi à relever consiste à ramener des sentiments humains dans une âme vidée de sa substance vitale et humaine.
La violence psychologique est très résistante à surmonter une fois qu'on l'a subie. On se questionne continuellement sur son être, sur le sens de sa vie. On se méfie du voisin, on perd sa conscience et le sens de la responsabilité. On se dit "pourquoi ceci est arrivé à moi?" à défaut de criminaliser les autres. On est réduit à sa plus simple expression: "suis-je encore une personne humaine?". Elle vous suit toute votre vie, vous vous réveillez en sursaut comme si le crime venait d'avoir lieu en l'instant même. Les atrocités reviennent à la conscience malgré l'effort entrepris pour les oublier. Je m'arrête là, et mon ami Jean-Marie Matutu pourra compléter la suite pour moi.

Surprenant Kidiaba

Ce matin, alors que je m'exerçais à quelques abdominaux au gym de l'université, j'ai apercu dans le dojo attenant un collègue indien s'entraîner à la "danse Kidiaba." Curieux, je me suis approché pour dissiper les doutes. Il avait sur son portable une vidéo de Kidiaba: "Hi, I have been seeing an African goalkeeper Kidiaba from DR Congo. Are you from DRC? His way of celebrating goals is quite amazing, unique; it has made him famous in the world of football. It is actually a great exercise for anyone who would like to get rid of his belly bump" (sic). Pris d'engouement pour ce mouvement insolite, je l'ai observé et imité. Je dois reconnaître que lui s'en sort bien à force de pratiquer. J'ai quant à moi fait deux tours maladroits, au pas de tortue. Comme le temps pressait, j'ai promis de revenir.

7 févr. 2015

La violence

La violence a son pendant, la cruauté soit dans l'attaque soit dans la réaction. Depuis un certain temps, on entend et voit des choses qui n'existaient pas, que dis-je, qui se pratiquaient loin des cameras dans les centres de détention ou de torture. Aujourd'hui, plus rien ne se cache. Toute la violence cruelle est exposée publiquement comme si la palme reviendrait à celui, à l'institution ou à l'état qui causeraient le plus de nuisance à sa population ou à ses ennemis. Les mouvements fondamentalistes ne sont pas les seuls à montrer du doigt. Certaines institutions internationales et nationales hautement respectées fonctionnent sur le même schéma de la cruauté. Il suffit qu'un ou deux chefs des états super-puissants s'entendent pour que la cause la plus sinistre devienne défendable, acceptable pour l'humanité entière. Cette violence-là, presque viscérale, mène le monde.
Le degré de cruauté d'un état se mesure à la manière dont il traite ses citoyens fautifs, ses opposants et les étrangers pris en flagrant délit. Les moyens investis dans l'acquisition des matériaux de guerre et de destruction montrent clairement comment un régime s'occupe de son maintien au pouvoir. Certains régimes sont impitoyables et sanglants. D'autres exercent des justices sommaires et des semblants jugements pour réprimer avec le plus de brutalité toute velléité d'opposition ou de rébellion à leur pouvoir. D'autres vous font crever comme des animaux en vous privant de tout. Le silence peut aussi devenir une forme de violence meurtrière.
Le passage au Palais des Doges de Venise m'est resté dans la mémoire. J'y ai visité un musée d'armes médiévales, qui m'a coupé le souffle. Armes dépassées certes, mais qui ont servi à décapiter des milliers. Tout cela pour assurer la puissance de l'homme sur l'homme, pour démontrer la scélératesse de l'esprit humain. Ce qui se montre devant nos yeux à travers un arsenal de moyens visuels, télévisuels, auditifs, artistiques ou médiatiques, dépasse l'entendement. Suivez les nouvelles, c'est toujours pour entendre qu'un attentat a eu lieu en tel lieu, qu'un terroriste s'est pulvérisé dans un marché ou une église. Lisez le journal, c'est pour voir les photos d'une violence extrême. Des tueries éclatent tous les jours aux Etats-Unis, au Yémen, en Irak, en Israël, au Soudan, en RDC, au Nigeria, en Ukraine, etc. sous n'importe quel prétexte, au nom d'une idéologie raciale, religieuse ou politique. Des minorités étrangères sont maltraitées en Chine, aux frontières de l'Europe sous le couvert des droits de l'homme. Des autochtones sont éloignés de leur territoire de naissance et placés dans des réserves ou des camps. L'Occident a tué Saddam Hussein, Usama Ben Laden, Kadhafi au nom du terrorisme international et de la démocratie. Boko Haram, EI, mais aussi les multinationales tuent des milliers d'innocents au nom de la religion, du pouvoir et de l'argent.
La cruauté peut prendre des visages multiformes. J'ai vu des vidéos montrant comment Israël accueille les Africains de Somali ou du Sud-Soudan, comment les Chinois traitent les Africains, comment des étrangers ou ressortissants de certains pays sont traités aux frontières.
A voir le monde comme il va, il y a vraiment lieu de se demander quand adviendra un monde de paix. Les grandes puissances économiques sont justement grandes parce qu'elles ont une grande capacité de terroriser les petites nations. Le pouvoir, à tous les niveaux, rime et évolue avec l'arme. Et la démocratie - c'est selon - sert de prétexte pour envahir les états insoumis aux puissances d'influence, éliminer des dirigeants rebelles à l'ordre qui dirige le monde.
Aussi scandaleux que cela paraisse, le monde entier fonctionne sous le règne d'une violence impitoyable. On n'aura jamais la paix tant que l'industrie des armes existera. Une affaire de gros sous sous le couvert des missions de la paix ou de bons offices. La technologie et l'innovation étant la règle de ce monde, les guerres se poursuivront pour tester toutes sortes d'armes de destruction partielle et massive, ce n'est pas moi qui le dis. Vive la cruauté et la violence!

Léopards, encore un match à jouer

Je les ai un peu trop renvoyés à la maison. Sans doute l'émotion de la défaite m'a désorienté au point d'oublier le match de la troisième place. Eh oui, et quel match? Après les troubles survénus lors du match entre la Guinée Equatoriale et le Ghana, il y a de quoi se poser des questions sur la sécurité de nos compatriotes. On lit que des mesures sont prises pour limiter les dégâts. Qu'on le veuille ou non, cette incertitude a des répercutions sur le moral de l'équipe congolaise. La troisième place est importante, consolante; elle est mieux que la deuxième place parce que vous finissez le tournoi avec une victoire. Damon Hill disait qu'en F1, la deuxième c'est pour vous, votre femme et vos enfants. Etre premier, c'est l'ideal en sports de compétitions.
Quoi qu'il en soit, je n'en tiendrai pas rigueur à nos compatriotes de perdre ce match déjà entaché d'incertitudes et de menaces sur leur sécurité.
C'est peut-être l'occasion de commenter sur la demi-finale des Léopards. J'ai horreur d'une défense qui panique et qui commet des erreurs de placement, de relance et de marquage. Je n'ai pas vu de patron de la défense. Ils vont apprendre avec le temps, l'équipe doit être renforcée sur tous les plans. Bonne tactique cependant. Il fallait bien un vainqueur; c'est le sport qui veut ça. Les Ivoiriens étaient mieux lotis de ce point de vue. Bravo les gars.
Des voix se sont levées contre M. Kabila pour avoir rendu visite aux Léopards la veille de leur défaite. Illogique à mon sens que d'attribuer la cause de cette infortune. Quoique je n'adhre à aucune idéologie politique, j'estime qu'il a accompli son devoir de citoyen de ce pays avec les moyens que lui attribue son rang. Un match comme un autre a été perdu. Il n'y pas de recette miracle. Les Ivoiriens se sont montrés plus forts, réalistes en gérant confortablement la rencontre.
Courage les gars!

4 févr. 2015

Ite missa est

Comme prévu par les spécialistes, la CAN 2015 est terminée pour les RD Congolais; ils retournent à la maison. Beau parcours quand même pour les Léopards. Félicitations! Pour moi, la RDC a joué son match de finale contre la RC. C'était le match à ne pas perdre absolument. Pour la finale, que le meilleur l'emporte. La messe est dite.

3 févr. 2015

CAN: Vers une finale Ghana - Côte d'Ivoire

Tous les spécialistes le disent; tous les spécialistes du football sont unanimes pour faire des déclarations fracassantes. Le Ghana se promènera devant la Guinée Equatoriale tandis que la Côte d'Ivoire avec son avalanche de vedettes paraît trop forte pour la RDC. Ce qu'on ignore, c'est que la Guinée a l'arbitrage de son côté: tout peut basculer à une minute de la fin. Devant leur public, les Nzo... peuvent arriver la finale. Quant aux RD Congolais qu'une presse a qualifiés de revenants, c'est des habitués de retour au score. Un match au Burkina Faso est resté dans les mémoires. Ils avaient marqué 4 but en moins de 4 minutes. On me dira que c'est pas les mêmes. Remontons un peu en arrière. Les Congolais d'en face, ceux qui ont un certain âge, se souviennent de Lofombo. Et Lofombo, c'est qui? Dieumerci Mbokila dans l'actuelle formation. Et tout récemment, ils ont battu la Côte d'Ivoire, à Abidjan.
Quoi qu'il en soit, un match se joue sur le terrain entre 11 joueurs dans chaque camp. C'est eux qui jouent et représentent leur pays. Laissons le temps et le loisir à leurs talents de fonctionner et de faire le boulot. Si je voyais ou prévoyais une finale Guinée Equatoriale - RD Congo, serais-je traité d'illusionniste?
A ce niveau, toute équipe peut battre une autre. Il n'est inscrit sur la tête de personne qu'elle est prédisposée à la victoire. Qui gagne peut perdre tout comme qui perd peut gagner. Tout dépend des nerfs. Les RD Congolais ont un jour de repos de plus que les Ivoiriens. Tout compte. Attention: je deviens nationaliste quoique ma finale soit déjà jouée. On l'a jouée contre la République soeur d'en face!
Sois sérieux: tous les indicateurs s'inclinent vers une finale Ghana-Côte d'Ivoire. Tu vis où toi? 

1 févr. 2015

Qui est ce monsieur?


Liebe Traudl; 
ich danke Dir herzlich fürs Bild. Stell Dir mal vor. Als ich es Chrystelle gezeigt habe, hat sie spontan gesagt: "C'est toi papa?".
Die erste Reaktion vom Claver war: "J'ai peur."
Beide Kinder haben den Eindruck bewiesen, den ich vor ca. 15 Jahren ausgedrückt hatte: "Ein Terrorist". Wir gehören zwar zusammen.
C

(Chère Traudl, je te remercie cordialement pour la peinture photographiée. Imagine un peu. Quand je l'ai montrée à Chrystelle, elle a dit spontanément: "C'est toi papa?". La première réaction de Claver était: "J'ai peur". Les enfants ont prouvé l'impression, que j'avais exprimée il y a quelque 15 ans: "Un terroriste". Nous appartenons à la même racine. C)

Pour la petite histoire, Traudl Schmitt est non seulement poétesse, narratrice et écrivaine de talent, elle est aussi peintre. Cela va presque de soi. Il y a plus de quinze ans, elle avait peint un tableau de moi à partir d'une photo-passeport. J'avais réagi à l'époque en disant que la peinture représentait un terroriste plutôt que moi. Comme elle vient de retrouver l'original du "Terroriste", je lui ai demandé de l'encadrer pour la postérité. Voyez comme les jumeaux répètent les sentiments de leur père devant la même peinture.
Au-delà de l'anecdote, observez comment une Allemande se représente le visage d'un Africain né dans la forêt de Kamwimba ou au plateau de Nzasi.