21 févr. 2015

L'Afrique hors de la CPI

L'Afrique quitte la CPI en juin 2015. Une proposition de l'actuel président de l'Union Africaine, le sieur Robert Mugabe. Voilà un personnage très controversé aux yeux des Occidentaux mais qui jouit d'une estime considérable auprès de ses compères africains, qui n'ont pas hésité de l'élire à la tête de son organisation la plus prestigieuse. Ma première réaction lorsque j'ai entendu et lu cette nouvelle était d'y voir une sorte de plaidoyer pro domo. Sous les couverts d'une décision consensuelle se profilait un intérêt personnel des présidents afin d'échapper aux nombreuses accusations qui les visent. Ainsi donc, ils auraient la main-mise sur l'appareil de la justice et s'en sortiraient plus aisément. Le dossier Mugabe en matières de droits de l'homme et de démocratie n'est un secret pour personne. Mais lorsque j'ai essayé d'approfondir la question, je me suis arrêté à quelques constats évidents.
1. Dignité pour l'Afrique. La Cour Pénale Internationale, selon ce qui se constate, touche surtout les personnes du Tiers-Monde. Les puissants de ce monde ne sont nullement concernés. Des présidents africains, des criminels de guerre, des rebelles, et d'autres malfrats sont au nombre de ses cibles de prédilection. Bush ou Blair ne peuvent être poursuivis par cette Cour. Ils n'ont jamais été inquiétés de crime contre l'humanité après avoir déclenché la guerre meurtrière de l'Irak. Sarkozy et Cameron, entendons la France et la Grande-Bretagne ont envoyé leurs avions et armes détruire la Libye et tuer Kadhafi, sans qu'aucune voix ne s'élève du côté de la CPI. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'y ester Poutine pour ce qui se passe en Ukraine ni l'annexion de la Crimée. De ce point de vue, les Africains ont raison de défendre leur dignité en exigeant un traitement égal pour tous contre une Cour qui les méprise. Uhuru y a comparu  dernièrement. Quelle humiliation pour un président en fonction! "Mais, on vous dira, c'est un Africain."
2. Anticolonialisme. A un cours de pensée caribéenne où il était question du concept de "Decoloniality", j'ai demandé aux étudiants si l'esprit colonial finirait un jour. La réponse spontanée était négative au vu de ce qui se passe dans le monde. Le poids des grandes puissances - entendez les puissances de l'Empire - est très important pour fléchir les choses dans un sens contraire. En fait, si on y réfléchit bien, sous le vocable de mondialisation se cachent les pires réalités de l'hégémonie séculaire occidentale. En d'autres mots, colonisation et mondialisation ne diffèrent pas fondamentalement. Le monde n'est juste que pour ceux qui possèdent le pouvoir. Le dictateur le plus crapuleux se proclame démocrate convaincu. Les ONG les plus prédatrices des ressources communes se prétendent les plus humanitaires. "Quel grand artiste le monde va perdre!", a dit Néron. Il est un devoir pour l'Afrique de se dégager des contraintes asphyxiantes de la domination sous laquelle elle ploie. Les instances de pression sont légion. Que ce soit Mugabe à la base de cette initiative pousse forcément à une double prudence.
3. A qui profitera ce retrait? Pas aux Africains en tout cas, peut-être à quelques-uns. On peut développer d'autres questions liées: pourquoi? dans quel but? comment? où? avec quel financement? quelle légitimité? Etc. Une Cour Africaine de Justice. La CAJ sera une institution africaine de plus, comme les autres. Oui, à l'africaine. Essayez de coupler cette expression à d'autres, vous obtenez: "Justice à l'africaine, démocratie à l'africaine, droits de l'homme à l'africaine, politique à l'africaine, diplomatie à l'africaine, gestion financière à l'africaine..." Voyez-vous ce que cela donne? République bananière. Le concept sera vite évoqué pour la démolir. Une Cour sans les Occidentaux? République bananière ou Vive la Jungle Equatoriale!

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