28 déc. 2013

Pauvre de toi, Claver

"Cher Claver,

Des fois je me demande dans quel monde tu vis. Comment peux-tu te faire voler dans un train, toi qui prétends avoir tant voyagé à travers le monde? Là, tu me surprends. Je n'éprouve aucune compassion pour quelqu'un qui se montre si négligeant. Tu m'as dit que tu lisais lorsqu'on t'a pris le sac à computer. Peux-tu vraiment lire dans un train bondé de monde? Que cherchais-tu à prouver? Que tu es un intellectuel ou que surtout tu lis? Vanité de vanité, Claver! Avoue que tu as eu beaucoup de chance, tu aurais pu être bloqué en Europe.
J'ai en outre suivi tes contacts en Hollande comme en Belgique. Que tu oublies une collègue avec qui tu as co-publié un article m'étonne. Et pourtant tu te vantes de ta fabuleuse mémoire, que tu te souviens des détails que beaucoup ignorent après des années. A quoi t'a-t-elle servi, ta mémoire?
En Belgique, tu es carrément rentré au couvent. C'est déjà fini, cette époque là. Mif, je comprends, c'est ton pote. Les autres, tous jeunes, à part Faustin, ne sont pas de ta génération. Toujours avec des abbés, toujours chez un curé. Tu n'as pas quitté ton cocon de Kenge. Cela m'a fait éclater de rire. Charles, c'est ton petit. Henri, oui, ta fidélité aux amis est édifiante. Tu as cependant manqué de rencontrer tes condisciples Ngarené et Pivari. Au fait, ta lecture du livre de Pivari ne me semble pas objective. J'aimerais que tu y reviennes un peu, car tu sembles confondre l'auteur avec ton ancien copain de classe, monsieur le littéraire.
Je ne t'attaque pas, Claver, mais je souhaiterais que tu élèves le niveau des textes que tu nous présente. Tes lecteurs ont parfois du mal à suivre tes pensées quoique j'admire, avare de compliments, quelque fois ta plume, ton style personnel et le mot juste dans tes écrits.
Joyeuses fêtes de fin d'année. Coucou aux jumeaux et à leur mère.
 
Ton pourfendeur de lecteur
Email du 28 décembre 2013"
 
KM: Je répondrai à cet email dès que le temps me le permettra.
 

27 déc. 2013

A quoi bon faire de bonnes actions?

Le monde est tellement pervers que faire du bien n'est plus une vertu. Seuls les fous s'y amusent encore. Un homme moderne suit seulement la voix de sa conscience. No religion, no God.

26 déc. 2013

Pays-Bas, pays du vélo

On m'a dit toujours dit que la Hollande était le pays par excellence du vélo. Je l'avais expérimenté en 1980. Cette fois-là, j'avais fait avec le Père Ben Overgoor plus de 200 kms à vélo. J'allais de Stoutenbourg à Amersfort, comme à Achterveld. Cette année, c'était différent. Je n'ai pas fait de vélo, mais j'ai observé une pratique intense du vélo. Juste à la station de train de Groningue, deux garages immenses de vélo. Du jamais vu de ma vie. J'ai été très impressionné par ce spectacle. Tout le monde roule à vélo. Mes collègues de l'université comme les étudiants vont à vélo au travail, au shopping ou à l'université. C'est le moyen de transport le plus populaire dans cet oasis plat et uni du pays créé par les Néerlandais. Chaque mardi, la mairie de Groningue vend des vélos à très bas prix. Il m'a été conseillé d'en acquérir un pour les quatre semaines que je passerai dans cette ville, mais j'y renoncé à cause de l'hiver. M'exposer à un hiver qui s'annonçait rude, rigoureux et pluvieux, serait comme prendre un risque que je n'étais pas prêt à assumer. A la fin, j'allais revendre le vélo. Vous me voyez vendre un vélo en l'espace d'une semaine. Je ne suis pas un commerçant, malheureusement, mais les Hollandais le sont. J'avais voulu en louer un pour une semaine, mais le bus me revenait de loin meilleur marché. Et j'ai beaucoup marché à Groningue, spécialement entre la gare de trains et la Rug.
 

La corruption: une réalité au quotidien

La corruption est un art. Appelez cela comme vous voulez! Un art de vivre. Une convenance. Voire un contrat d'assistance. Cette rétribution non consignée ne se réclame pas, mais se juge à ses conséquences. Elle est risquée du fait qu'on ne peut anticiper la réaction de la personne à corrompre ou corrompue. C'est un risque car tout peut se retourner contre soi.
Septembre 1982. Je retournais de Kinshasa pour Kenge dans la Land Rover du Frère Hans Krögman svd de Kolokoso. Mais on a fait un détour vers Lemba où on devrait prendre un Katuta. A la suite d'un stationnement jugé fautif par un agent de la police routière, le frère a été sommé de présenter son permis de conduire ainsi que la carte grise de la jeep. Connaissant les habitudes, il a glissé secrètement dans l'enveloppe ou sous les pièces quelques billets de Zaïres. Je le revois encore sourire de son astuce. Mais c'était sans compter avec le désaccord de l'agent qui s'est écrié:
- "Monsieur, pourquoi avez-vous ajouté des billets de banque alors que je vous ai juste demandé votre permis? J'ai un salaire suffisant pour soigner ma famille et payer mes factures. C'est comme ça que ça se fait dans votre pays."
Interloqué de surprise, le frère a baragouiné quelques mots incompréhensibles. J'étais fasciné par le professionalisme du policier routier. La discussion a duré longtemps avant qu'il ne nous relâche. Pendant l'échange, l'idée m'est venue d'aborder en catimini deux autres collègues de l'agent lésé; ces derniers m'ont signifié que c'est la quantité de la somme qui faisait problème. "Dites simplement à votre homme d'ajouter la mise car nous sommes des pères de famille". La colère de l'agent n'était donc en réalité qu'une astuce pour monter les enchères. Il s'est tu, dès que l'autre agent a perçu la somme désirée, comme si le "refus d'obtempérer aux injonctions" lui était directement adressé.
Vous vous retrouvez dans un bureau, dans une ambassade, une chancelerie de bonne réputation. Vous aurez tort si l'idée de pistonner le dossier vous échappe. En fait, la situation est mise devant vos yeux de telle sorte que vous puissiez comprendre qu'il vous faut motiver l'agent ou lui signifier un matabich pour le travail accompli ou à accomplir. C'est ce qu'on appelle la motivation. La corruption, c'est un système, une machine pilotée par les agents de l'état à tous les niveaux de l'échelle sociale. On vous la suggère, on vous met en sa présence, on vous l'impose sans le dire. L'homme corrompu ne parle pas; du moins n'en parle pas. C'est un saint dans un sanctuaire.  Opérations mains propres, transparence, tolérance zéro, lutte contre la corruption, des slogans voués à l'échec.
La corruption est un système cynique et cruel, car elle est mensongère sous les apparences candides du service. Les personnes qui la demandent ou l'exigent ouvertement ne méritent aucun égard aux yeux des habitués de ces pratiques. Le corrompu est en général un chef apparemment irréprochable, compétent dans l'exercice de ses fonctions et responsabilités. Mais c'est un diable sous la peau d'un ange. Un mpuku mwifi (rat voleur) comme disent les Ba-kongo, yaka, suku. Un rat-laveur qui vous suce du peu que vous avez tout en soufflant doucement votre plaie pour ne pas éveiller vos soupçons ni révéler le profond mal qu'il vous cause subrepticement. Un criminel aux mains propres. Comme il ne peut se salir lui-même les mains, vu sa position dans l'échelle bureaucratique, il envoie ses propres assistants la réclamer sans honte. Il n'est pas conseillé de parler argent avec le boss, chef de division ou directeur; mais dans la pratique, c'est la personne la plus corrompue. Le corrompu, en général, se fait payer cash, et n'appose jamais sa signature sans s'être assuré de son bénéfice. Il trouvera toutes les raisons du monde pour montrer son innocence, car cela ne fait pas bonne impression d'être pointé du doigt pour un noble agent de l'état.
La corruption, une réalité au quotidien. J'en ai encore fait l'expérience récemment, trente-et-un ans après le missionnaire autrichien. Je n'y ai pas flanché.
 

Parenthèses belges

Mes passages en Belgique ont été marquées par des retrouvailles et des rencontres. J'y suis d'abord passé le 24 novembre 2013. Parti assez tôt de Chessy sur Marne, j'étais déjà autour de 11h à Bruxelles Midi. L'abbé Jean Robert Mifuku étant en ministère, j'avais compté sur Bernardin pour me rejoindre là et passé le temps avant que le prélat se libère. Mais, le calcul n'a pas été le bon. J'ai donc résolu de retravailler mon texte du colloque de Créteil pour sa publication dans les actes à venir. J'ai profité de quelques répits pour joindre tous les Belgicains dont j'avais les numéros. L'arrivée tardive de Jean Robert m'a permis de revoir d'autres textes. Bref, je me suis occupé au point de ne pas sentir le temps passer. La nuit à Jette était courte, car on avait à se dire avec Mif; mais je devais partir très tôt soit à 6h15 pour mon nouveau poste d'attache, Groningue au nord de la Hollande. J'y suis arrivé dans l'avant-midi. Le temps de chercher un hôtel jusqu'au 30 novembre car je ne devais occuper la chambre me réservée que le 1er décembre. J'ai finalement dépensé autant d'euro pour ces chambres d'hôtel - car à cause du mauvais chauffage du premier hôtel, j'ai pris une chambre au Guest House de l'université - que pour un mois de location au Diaconessenhouse.
Je suis retourné en Belgique le 13 décembre 2013. Un voyage qui a changé le reste de mon séjour européen car j'ai perdu mon sac de voyage avec passeport et argent. Jean-Robert m'a reconduit à Malines. Cette nuit-là, malgré mon courage légendaire, a été blanche pour moi. Le lendemain, j'ai été rejoint par mes cousines Adrienne et Angélique Kayolo avec lesquelles on est allés chez l'abbé Charles Ndandu, puis à Mons chez notre Tante Marie Mayengo et notre cousine Betty Mashamba. On a fini tard dans la nuit près de Louvain-la-Neuve, chez notre aimable conducteur, l'abbé Didier Kabutuka du diocèse de Kenge. Un jeune homme extraordinairement généreux. Là nous avons été rejoints par l'abbé Faustin Kwakwa. J'avais besoin de ses contacts à l'ambassade pour résoudre mon problème de passeport, car je tenais à retourner à la Barbade le 23 novembre. Adrienne, Sr Angélique et moi n'avons pu nous entretenir que très tard dans la nuit, jusqu'à ce que le sommeil a pris le dessus.
Le dimanche, Adrienne a fait un pèlerinage à Banneux, alors que j'ai repris la route de Bruxelles, conduit par l'abbé Jean-Pierre Bakadi. Un de mes anciens élèves de Katende, aujourd'hui Dr en théologie morale, qui m'a révélé que je lui avais le goût pour l'anglais. Il a retenu qu'à l'époque je faisais le cours entièrement en anglais, forçant les élèves à parler anglais tant bien que mal.
Le lundi, je suis allé à l'ambassade de la RDC, muni de mon attestation de perte de pièces de la Police Belge. Grâce à un contact de l'abbé Faustin, j'ai pu trouver une solution réaliste. J'ai donc rempli les formalités pour un nouveau passeport, tout en laissant ouverte la possibilité d'obtenir un tenant lieu de passeport en cas de dysfonctionnement de la machine. Car il était possible que je l'obtienne dans les trois jours depuis Kinshasa. Question de bouger les relations ou de forcer les choses! C'est le jeudi que j'ai finalement obtenu le tenant lieu.
Je suis donc retourné à Groningue pour finaliser mon départ car il restait trois jours au programme. J'ai rendu les livres de la bibliothèque, l'ID temporaire et la clé de mon bureau. J'ai pris congé de ma personne de contact, Dr Jeanette Den Toonder. Le bureau Angle/Erasmus était fermé. Soit. Je tenais à me donner le temps de résoudre le problème du tenant lieu. L'ambassade de la Barbade a été très sympathique et m'a donné l'attestation de résidence pour passer les frontières. J'étais cette fois logé chez Charles Ndandu à Auderghem. Le vendredi, parti suivre pour un cours, Charles a demandé à Marie Hatika pour qu'elle vienne s'occuper de la cuisine. J'ai découvert une jeune dame, que j'avais connue enfant et qui s'est montrée serviable, ouverte. Son père, Papa Vincent, que j'ai connu du temps de mon enfance, a été le tout premier Congolais que j'ai vais entendu parler allemand. On mangeait lorsque l'abbé Kwakwa est venu pour m'aider à faire des courses.
Dans la soirée, nous sommes allés voir l'abbé Henri Tamuzi à Celle. Malgré le mauvais temps, on est arrivés sans problème après nous être un peu égarés. Retrouvailles sensationnelles avec Enrico, comme toujours très affecté par mes visites chez lui. En effet, je lui avais dans le temps rendu visite de la Suisse. Et on s'est encore retrouvé à Arlons. Il m'a remercié de l'effort que je fais pour le voir quand cela se peut. Eh bien, j'ai ramené avec moi du poisson de Bandundu.
J'ai donc échangé avec tous les amis prêtres. Avec René Ngambele, on a échangé des emails courtois, sans plus. C'est dommage car on pourrait collaborer à des projets. J'ai manqué de rencontrer Pivari, mais on s'est longuement parlé sur Skype. L'abbé Evariste Pini-Pini a un problème, très médiatisé: il a été remercié par le diocèse de Namur, son employeur, sans aucun motif valable. La cause serait son livre - La mission civilisatrice au Congo: Réduire des espaces de vie en prison et en enfer -. Un livre qui remet en question le bien-fondé de l'évangélisation et de la colonisation belges. Une lecture en filigrane révèle que l'auteur dresse une filiation directe d'oppression avec la colonisation et l'évangélisation belges et les souffrances dont souffre la RDC depuis son indépendance. D'aucuns y vont jusqu'à le traiter de raciste. Evariste est un battant qui va jusqu'au bout de ses convictions, des fois jusqu'à friser la polémique. Cette fermeté constitue à la fois son point fort et faible, car mon ancien condisciple peut parfois afficher des opinions difficilement soutenables, maladroites. Il a au moins le courage de dire haut ce que d'autres tairaient. Tel est le risque de la réécriture de l'histoire. Je souhaite qu'il s'en sorte sans trop de bavures.
Le samedi 21.22, j'ai retrouvé Didier en compagnie l'abbé Patrick Kipasa éprouvé par la mort de son père. Paix à son âme! L'abbé se préparait à partir au pays pour l'enterrement. Notre conversation était plutôt sympathique. Courage Patrick, et condoléances à toute la famille!
Dans l'après-midi, j'avais rendez-vous avec Mama Rose Lefuni Lendiba, avec David Bwangi mon neveu et fils de Solange Mosimi, et Bernardin Iwongi Mbuku mon cousin. Lieu: Rue Neuve. Dans la soirée, je suis retourné chez Jean Robert où m'attendaient Maman Mifuku et Amélie. Vers 21 heures est venu me chercher Dr Willy Musitu. Comment dire? J'ai vécu avec Willy à Berlin alors qu'il finissait sa thèse en sociologie rurale à l'université Humboldt. Il tenait à ce que je vois Anto et les enfants. On est arrivés vers 22 heures à Anvers. Les enfants dormaient déjà; on a révéillé Willine. Retrouvailles chaleureuses! Retour à Bruxelles vers 3 heures du matin. J'aurais bien voulu pendant ce séjour rencontrer Mr Marc Van Renterghem, co-fondateur avec Ben Van den Boom des Petits Chanteurs et Danseurs de Kengem mais le temps ne l'a pas permis. Qu'il m'excuse!
Le dimanche 22.12 fin après-midi, je suis reparti vers Amsterdam-Schiphol Airport où j'ai réservé une chambre à l'Ibis Hotel. 23.12.2013 à 7h15 vol Lufthansa pour Frankfurt. Correspondance Condor à 11h40 pour arriver à la Barbade à 18h30 via Tobago.

24 déc. 2013

2013: année de voyages pour moi

Cette année 2013, j'ai effectué deux séjours relativement longs hors de la Barbade. Les deux séjours à l'étranger ont en commun qu'ils ont eu lieu en Europe et ont été motivés par une participation à des colloques. Le premier m'a amené à Perugia en juillet, le second m'a conduit en novembre-décembre à Paris-Créteil. Mes contributions à ces conférences portaient sur des sujets relatifs à la francophonie et à la littérature africaine et diasporique d'expression française. Le premier voyage était une sorte de retour aux sources, aux souvenirs; alors que le deuxième voyage était plutôt orienté vers l'inconnu et l'inédit. Je m'explique. C'est la première fois, cela paraîtra curieux, que je participais à un colloque à Paris. C'est la première que je séjournais à Groningue où j'ai découvert un autre monde mondialisé et globalisé.
A la conférence de Perugia, j'ai défendu ma position actuelle vis-à-vis de la francophonie institutionnelle. Une position très critique et sans complaisance. A Paris, je me suis intéressé à un thème qui relativise les différences culturelles et expose les poétiques dites hybrides telles qu'elles sont pratiquées aujourd'hui par les écrivains non français mais francophone. Des thèmes qui se complètent, mais qui méritent qu'on décolle des sentiers battus afin de cerner avec lucidité les notions de culture diasporique, identité, l'entre-deux intersticiel, l'incertitude poétique, etc. A Groningue, grâce à Dr Jeanette Den Toonder, je me sui approché de la littératuse acadienne. J'ai découvert par Dr Dagmar Reichardt la notion de transculturalité. Des projets concrets de collaboration ont vu le jour à Groningue.
La différence majeure entre les deux voyages est que le premier était entaché d'un esprit de tourisme et de retrouvailles. Cet aspect n'a été réalisé que par ricochet au cours du deuxième voyage. Le premier était culturel, personnel et libre. Le deuxième était encadré par une lourde machine bureaucratique: Angle/Erasmus Mundus. L'Union Européenne en chair et en os. J'ai apprécié le professionnalisme et l'esprit administratif de cette organisation. C'est la première fois que je bénéficiais d'une telle aubaine. Pas si vrai que ça. En 1980, j'avais obtenu de l'ambassade de la RFA au Saint-Siège une bourse d'études de langue allemande qui m'a amené à séjourner à Staufen im Breisgau, près de Freiburg. Le cadre était différent. La bourse d'Angle est plus ciblée vers des objectifs spécifiques et détaillés.
Qu'ai-je fait en un mois de travail à Groningue? Pas grand chose, mais quand même quelque chose. Travailler à la bibliothèque comme du temps de mes études à Fribourg demande de la rigueur et de l'attention que j'ai perdues au fil des années. L'âge y est sans doute pour quelque chose. J'ai profité de l'environnement et des instruments de travail de Groningue pour me perfectionner dans la philosophie de la transculturalité et m'imprégner d'un sens plus aigu de la chose "francophonie". Les poétiques hybrides ont un rapport direct avec la francophonie qui cherche à les tuer dans l'embryon.
Mon travail est encore au niveau du déblayage de l'argument. Le séjour à Groningue a permis d'y voir un peu plus clair. Au travail donc!
 
 

De retour sur le blog

Le blog est resté inactif depuis deux semaines. Des lecteurs que le site intéresse s'en sont inquiétés. Savez-vous pourquoi je n'ai plus rien écrit depuis? La réponse est simple. Comme aurait chanté Franco: "Babotoli ngai tonga, nakotonga na nini?" (On 'a arraché l'aguille, avec quoi vais-je confectionner les habits?). Eh bien, mon portable a été volé entre Anvers et Bruxelles en date du 13 décembre 2013. C'était un vendredi porte-malheurs. Etes-vous superstitieux? Voilà une preuve de plus car je me suis retrouvé "voyageur sans bagages".  L'essentiel est que je suis de retour à la Barbade. Je continuerai de relater mon dernier séjour européen à Groningue. Un peu de patience!

Voeux de Noël et de Nouvel An

Kinsi ya lubutuku ya Mfumu Yezu ya mbote ti Mvula ya mpa 2014 na beno yonso
Lubutuku lwa mboti ye mvula pa 2014 ya kiesi ye ngemba beno bosu
Mbotama elamu ya Mokonzi Yezu Kristu mpe mobu 2014 mwa esengo mpe kimia
A Merry Christmas and a Happy Year 2014 to all
Euch allen eine Frohe Weihnachtsfeier und ein gesegnetes Jahr 2014
Un Joyeux Noël et une Heureuse Année 2014 à vous toutes et tous

A mes trésors, et à ma nièce Marcelina, que l'Enfant-Jésus leur apporte la paix du coeur et la joie de vivre

9 déc. 2013

Abbé Alphonse Ndeki Tshimbinji in memoriam

Groningue, 9 décembre 2013. Je viens d'apprendre par un message Facebook de Dr Rémy Mbuya la mort aujourd'hui à Aquila de l'abbé Alphonse Ndeki, prêtre de Popokabaka. Que son âme repose en paix! Après l'abbé Dominique Kahanga, c'est au tour de son cousin à très peu de temps d'intervalle.
Je savais par sa soeur Victorine que l'abbé Alphonse était malade depuis plusieurs mois et que sa santé était préoccupante. Il y a quelques jours, elle m'a dit que la situation devenait grave. Aujourd'hui, le Seigneur a repris son âme. Qu'il en soit ainsi.
C'est à Rome que j'avais connu l'abbé Tshimbinj, en septembre 1979, peu de temps après mon arrivée dans la ville pontificale. Il faisait des études liturgiques à l'Anselmianum, féru de la théorie de la participation. J'appris qu'il avait exercé un brillant ministère à la mission Mawanga ou Panzi avant de venir à Rome. C'est là qu'il a appris le kisuku qu'il parlait si bien. On avait vite sympathisé avec cet aîné lunda polyglotte maîtrisant plus de sept langues . Homme très actif, homme de relations, l'abbé Alphonse avait un carnet d'adresses impressionnant. Il avait plein des projets sur son bureau du Collège St Pierre. Engagé dans la communauté des Zaïrois, il était le liturgiste attitré des messes au rite zaïrois. Je le voyais à chacune de mes visites à son collège.
En 1985, il s'était présenté pour être logé à la procure de Kenge avec trois coopérants italiens. Aussitôt informé de sa présence à Kenge, j'ai décidé de les recevoir à l'évêché de Kenge que l'on venait d'inaugurer. Il en avait gardé un bon souvenir. Je l'avais fait parce qu'il entretenait de bons rapports avec Monseigneur l'Evêque. Deux années plus tard, plus exactement décembre 87, je me trouvais à Rome; il m'a honoré d'un repas non loin du Panthéon.Ce fut notre dernière rencontre.
L'opinion lui reprochera certes d'avoir passé toute sa vie active en Italie; mais elle retiendra qu'il a énormément aidé son diocèse avec des projets de développement. C'est un choix qu'il faut respecter.
Au diocèse de Popokabaka je présente mes condoléances les plus sincères. A Victorine Mayanu et à sa famille biologique, mes sympathies les plus émues. Puisse le Maître de la vie recevoir son serviteur dans son Royaume Céleste. 
Wenda mboti, mbuta mutu!

8 déc. 2013

Sur l'intervention française en Centrafrique

Tout le monde salue l'intervention française en République Centrafricaine pour sauver des vies et rétablir le calme à Bangui, et dans le pays. Mission humanitaire et pacifique! J'y vois quant à moi ce que je ne cesse d'affirmer depuis des années. On me dira que c'est sous le couvert de l'ONU. Oui. N'empêche que ce soit un relent colonialiste et impérialiste. Pourquoi l'ancienne puissance coloniale, et non pas des pays voisins ni africains? On me dira que les autres pays ne le peuvent à cause d'insuffisants moyens matériels et logistiques. En réalité, on me dit en clair: rien n'a changé avant comme après l'indépendance. La France coloniale reste maître des céans à Bangui. Comme ailleurs d'ailleurs!
Qu'on ne me prête de grâce aucune intention antifrançaise. Les intervention françaises en Libye et au Mali sont encore fraiches dans les mémoires. Je raisonne seulement en observateur africain avec toute la neutralité qu'une telle identité peut justifier ou trahir.
La RCA est un pays aux multiples coups d'état. Elle est même devenue un empire avec le sinistre JB Bokassa, débouté maladroitement par Giscard d'Estaing. Ce pays, comme d'ailleurs toutes les anciennes colonies, est encore en train de se construire comme état après cinquante ans d'indépendance. Et comme je l'ai toujours dit, la faiblesse de l'Afrique, c'est l'instabilité de ses institutions. On ne le dira jamais assez: la France, l'Allemagne, les Etats-Unis tiennent comme nations à cause de la permanence de leurs institutions démocratiques. Un coup d'état est presqu'impossible dans ces pays à cause de la solidité des appareils étatiques. En Afrique, les constitutions se taillent au gré des pouvoirs en place, rien qu'à l'avantage de quelques individus. Alors qu'on sait clairement qu'Obama partira à la fin de son mandat en 2016, rien ne se sait du sort d'Ali Bongo, Faure Nyassimbe, Joseph Kabila, Sassou Nguessou, Allassane Ouattara, Robert Mugabe, Blaise Compaore, à la fin de leurs mandats. Djotodia pose encore ses marques despotiques en RCA. Arrivé au pouvoir à la suite d'un putsch, il instaure un régime islamiste qui tue les chrétiens. Le vague de la succession est entretenu à bon escient, parce que c'est comme ça, l'Afrique. Le pouvoir ne se lâche pas. Demandez à Rawlings, Kerekou, Obasanjo, ou même Wade, Diouf, ils en savent quelque chose.
Pourquoi les Français iraient-ils en Afrique pour rétablir la paix si les armées ou forces de sécurité africaines protégeaient les populations? C'est justement là la question. M. Hollande est en droit de convoquer à l'Elysée les chefs d'état africain au nom de la Francophonie sans qu'aucun ne bronche. Faute de quoi, on vous fait sauter de votre piédestal. C'est ça la Françafrique. Voilà l'impérialisme déguisé en terrorisme démocratique. La situation en Afrique est telle qu'on aura toujours besoin de la couverture des Français, des Britanniques ou des Américains à l'échelle des négociations internationales. L'ordre politique mondial est tel que nul n'y échappe.
La menace de coups d'état pèse sur chaque président, à tout moment. Ce n'est un secret pour personne. C'est connu. L'Afrique vit comme ça depuis les indépendances. Parlez-moi de démocratie! On est au pouvoir, on protège son pouvoir, on le garde jusqu'à perpétuité si possible. Au Mali comme en Guinée, en Centrafrique comme au Congo, les armées nationales protègent le pouvoir d'abord. Le budget de l'état va à l'armée prétorienne, au détriment de la santé, de l'éducation, de la culture, etc. Ainsi, une rébellion suffit à mettre l'armée nationale en déroute. Et lorsque les rébellions prennent le pouvoir, elles instaurent la même terreur que les régimes auxquels elles succèdent. Cela s'est vu partout. La RCA est dans cet engrenage. Et la France, au nom de ses principes fondateurs, saute sur l'occasion comme les seuls sauveurs crédibles. Les autres Africains, s'ils viennent, vont piller, violer, tuer sans pitié. Qui dit que les Français ne commettent pas ces délits? Les voilà élevés au rang de libérateurs opportunistes d'un peuple jadis colonisé mais incapable de s'assumer politiquement.
J'en viens à croire que c'est un système infernal parfaitement monté. Un système convenu et entretenu. On manipule les rébellions comme des pions qu'on téléguide pour montrer leurs insuffisances et justifier les interventions étrangères. J'aime à renverser les questions. Quand verra-t-on jamais une armée africaine intervenir en France ou en Allemagne pour assurer la paix ou protéger ses ressortissants? Ce temps n'arrivera pas de mon vivant.
Le défi lancé aux dirigeants africains consiste à prouver qu'ils peuvent assurer la sécurité de leurs populations sans aide extérieure. Les clivages ethniques ou tribaux restent l'obstacle majeur à une gestion démocratique de la république. Nord-Sud ou Est-Ouest sont des pivots de luttes intestines. En fait, c'est nous mêmes Africains qui, par notre manque de leadership ou de bonne gouvernance, pérennisons l'impérialisme et le néocolonialisme occidentaux.

Mandela homme libre

J'ai lu sur la mort de Mandela, j'ai discuté avec d'autres personnes sur ce personnage fabuleux et charismatique, j'ai suivi l'émission lui consacrée par TF1 avec un présenteur au bord des larmes tellement il était ému et fasciné, j'ai entendu des commentaires dans tous les sens. Des personnes de toutes les races et de tous les continents saluent en Mandela l'homme politique, icône, réconciliateur. Toutes sont unanimes à reconnaître l'extraordinaire parcours de Madiba. J'ai déjà évoqué mon parcours personnel à ses lointains côtés, en indiquant que, pour moi, c'est son esprit de liberté que j'ai retenu comme la leçon de sa vie.
Cela rejoint quelque part ma propre philosophie. Mandela était fort parce qu'il avait une force intérieure très puissante, parce qu'il avait des principes inébranlables sur lesquels il basait ses actions. A une époque donnée, il a recouru en dernier ressort à la lutte armée, ce qui l'a mené en prison. Et il en a assumé la responsabilité, sans rien changer à ses convictions primaires. Ayant pratiqué la boxe, il a été un très bon encaisseur comme on dit dans ce métier. Et il a démontré sa capacité incroyable de résistance à l'adversité, à l'injustice, à la réclusion, au manque, au dénuement. A son camarade prisonnier, il a dit: "The day you will see yourself as a prisoner, you will be a loser". Nelson Mandela n'était prisonnier de personne, il n'a jamais été prisonnier. Homme né libre, il est resté toute sa vie. Aucune pression ne l'a poussé à faire quoi que ce soit. Il a certes joué le jeu politique. Parlant une fois de Winnie après leur divorce, il a souligné la beauté de cette femme et l'attraction qu'elle a pu infliger aux hommes qui l'approchaient. Sans la condamner ni l'humilier. Je suis resté admiratif.
Lorsqu'il devrait recevoir le controversé extrémiste antisémite et musulman Louis Farrakhan, des pressions lui ont été adressées des puissances politiques et religieuses du monde entier pour qu'il annulle la rencontre. Mandela a surpris par son esprit de liberté, et a bel et bien reçu M. Farrakhan, arguant que c'était justement l'occasion de l'écouter, de le comprendre et de dialoguer avec lui. Il a fait beaucoup de choses par conviction, et est resté fidèle à lui-même. Libre, il l'était aussi du luxe et du confort matériel. Qu'a-t-il fait de la Mercedes qu'il avaait reçue de Daimler Benz?
Passer presque trente ans en prison et en sortir avec la tête sur les épaules, voilà qui a fasciné le monde entier. En plus au lieu d'appeler à la violence, il a appelé à la réconciliation et à la construction d'une nouvelle République Sud-Africaine. S'il avait appelé à la vengeance, il serait resté l'éternel prisonnier de ses geôliers. Les durs lui ont reproché d'avoir été trop tendre avec ses tortionnaires au lieu de se venger. Les méchants y ont vu une lâcheté, voire une manipulation des Occidentaux et même des Blancs qui lui auraient inoculé des produits susceptibles d'effectuer un parfait lavage de cerveau. Les sages ont juste retrouvé en lui un homme, un homme de foi en des principes simples mais fondamentaux. Mgr Desmond Tutu voyait en lui beaucoup de similarités chrétiennes... Certains l'ont identifié à Jésus-Christ, un Christ des temps modernes.
C'était simplement un homme. Son action politique a été jugée mitigée pour n'avoir pas amélioré la condition économique et matérielle des Noirs. Par quel miracle aurait-il pu changer en un tour de mains un ordre économique établi depuis des siècles? Par quel geste de prestidigitation aurait-il fait des pauvres de Soweto soudainement des riches? Son mandat présidentiel s'est attelé au rétablissement du sens de l'homme dans sa liberté et l'exercice de ses droits fondamentaux. Il a reçu des honneurs de toutes sortes, à tous les niveaux imaginables. Le monde le respecte unanimément. 
Un grand personnage, le plus grand de notre temps vient de disparaître. Il est devenu grand parce que,  né libre, il a conquis la liberté et l'a rendue accessible à l'humanité. Un exemple à suivre!

7 déc. 2013

La paix en RDC

Les dernières images venues l'Est de la RDC et le climat politique actuel amorcent une période d'espoirs et d'attentes en ce qui concerne la paix. Le M23 est battu, la guerre terminée. Reste à rétablir la paix. C'est un défi à relever, car il faut reconstruire le pays, réunifier au-delà des slogans, les communautés qui se sont échangé des coups de fusil. Le volet militaire n'est pas terminé tant que d'autres groupes, si secondaires soient-ils, posent des menaces sur la population. L'inachèvement des pourparlers de Kampala jette encore de l'ombre dans le paysage politique, alors même que ces négociations voulues par les maîtres du monde s'avèrent superflues, à mes yeux. Nous avons vaincu la guerre; vainquons la paix. Je voudrais revenir sur la guerre.
La guerre de l'Est, comme toutes les guerres, laisse des séquelles indélébiles dans l'esprit des personnes qui l'ont vécue. Que fera-t-on à la mémoire des six ou huit millions de victimes qu'elle a entraînées? Comment repansera-t-on les plaies et les traumatismes qu'elle a provoqués dans la population? Comment réconciliera-t-on le peuple avec lui-même? Autant de questions auxquelles les autorités doivent s'atteler immédiatement au lieu d'attendre une autre catastrophe. Qu'on le sache! Les vaincus ne désarmeront pas si vite, tout peut encore revenir, tant que leurs commanditaires n'auront pas dit le dernier mot.
Cette guerre a servi de prétexte à des puissants intérêts étrangers avides de coltan ou d'or, de bois et d'autres ressources dont regorge la RDC. Où en est-on avec ce dossier? Les multinationales couvertes par des contrats léonins n'ont aucun scrupule pourvu que leurs bénéfices soient sauvegardés. Il y a donc encore des zones d'ombre qui méritent qu'on y regarde de près.
Dans tout cela, la population qui a subi les atrocités de cette guerre ne saurait être ignorée. Enfants orphelins, enfants-soldats, femmes violées, personnes âgées laissées désormais pour compte, familles démunies et désunies, pères et mères blessés dans leur être et leur dignité, hôpitaux pillés, commerces ruinés, écoles abandonnées, églisés brûlées, religieux et missionnaires kidnapés, trafics d'armes, infrastructures ravagées, maladies infectueuses, menaces de pandémies... autant de situations qui doivent être taclées au plus vite pour assurer un passage équilibré à la paix. Car avant comme après la guerre pourraît être la même chose pour ces populations éprouvées par tant d'incohérences systémiques dans la gestion de leur sort.
La guerre, un fléau indescriptible. Seul celui qui l'a vécue, peut en parler. Seul qui y a perdu parents, frères, soeurs et autres proches, peut témoigner de son horreur. Seule la personne blessée ou réduite à l'infirmité peut en révéler l'inhumanité. De loin, on peut l'imaginer sans forcément souffrir du fond du coeur. On peut certes sympathiser avec les victimes mais on atteindra la prégnance de cet affreux événement. C'est ce sentiment de solidarité qui émeut tous ceux et toutes celles qui oeuvrent pour le rétablissement de la paix.
La paix en RDC a un prix: le respect de l'être humain. Car c'est le sens de l'humain qui a disparu. D'aucuns  parleront en termes d'amour du prochain, de renoncement à l'égoïsme, de népotisme, de tribalisme et d'acceptation d'autrui. C'est tout cela. Reconstruire un vaste territoire miné par quinze ans de guerre est une gageure! Dieu aidant, nos frères et soeurs de l'Est éprouveront la joie de la vraie paix. Que la guerre soit totalement éradiquée, quoi de plus souhaitable! Bâtissons donc la paix au prix de notre sacrifice.

Amersfoort

Mon passage par Amersfoort le 25 novembre mérite que j'y revienne. J'avais écrit dans le train un texte que je ne retrouve plus. Je vais le réécrire, les phrases changeront mais les idées resteront les mêmes. J'ai vécu en Hollande pendant deux semaines en juillet-août 1980 dans la famille du regretté Père Ben Overgoor. Passer par Amersfoort, où je me rendais souvent seul à vélo depuis Stoutenbourg jusqu'à la gare, a été comme revivre un temps vieux de trente ans, à la différence que cette fois c'est en hiver. A l'été flamboyant de jadis a succédé un hiver étrange et brouillé comme le brouillard qui enveloppe ce pays le matin.

Je viens de retrouver l'original. Je ne change rien à ce qui précède, mais l'ajoute intégralement.

Je revis comme par un tour de magie cet extraordinaire feeling de retrouvailles et de tristesses qui, souvent, entourent de telles circonstances. Un moment de certitude mêlé d'inconnus et de soupçons car on ne revoit jamais ce qu'on a déjà tel que c'était. Le temps fait la différence. On n'est jamais plus le même, on n'a plus le même regard, le temps détruit l'éternité ou mieux donne le plein sens de l'éternité. La gare, modernisée, est certes au même endroit, mais n'a plus la même apparence. D'où l'étrange douleur du dépaysement face au déjà connu devenu entretemps inconnu. Je vogue dans les vagues. Le train n'est certes pas passé par Soutenbourg ni Achterveld, mais les prés et les concessions des paysans que j'ai revus sont tout à fait semblables à ceux de la famille Overgoor. A un moment j'ai cru identifier les maisons qu'habitaient Antoon et Gherard au centre. Le paysage était le même. Cela m'a donné l'air du déjà vécu dans un temps mythifié et édenique. 
De là au rêve, le pas a été vite franchi. Je suis devenu le poète d'un temps obscur. Je suis redevenu le poète que chacun de nous est quelque part au fond de son âme. A l'époque de mon premier séjour, je cédais volontiers à l'évocation des muses et des désinvoltures célestes. Aujourd'hui, je les retouve par le détour de la méditation et du recueillement. A défaut de retracer tout mon passé néerlandais que la mémoire a enfoui dans ses inaccessibles strates, je me réjouis toutefois d'y revivre dans un temps différent de celui-là, et surtout de retisser mon moi à travers les tentacules magnétiques qui étalent au fil du temps et de leurs sinuosités ma vie de voyageur sans bagages.
Ce séjour m'éloigne de mon travail quotidien d'enseignant; je redeviens un étudiant pour trois semaines, sommé de sillonner les corridors de l'université et de la bibliothèque. J'y vais avec l'espoir de recoudre ce qui jadis et longtemps faisait partie de mon quotidien. En plus, là où je vais à Groningue, on n'a pas trouvé mieux que de me loger dans un home d'étudiants. Un peu d'humilité, vieil homme!

Adios Tabu Ley artiste et homme

Comme tout congolais, j'ai entendu ou lu des méchancetés au sujet de Tabu Ley, de sa vie privée et morale, de sa gestion de l'argent, du nombre de ses enfants dont certains affirment qu'il en a eus dans tous les continents. Je crois que c'est malsain d'écrire des choses et des attaques personnelles qui n'honorent personne. Tabu Ley a eu une vie de vedette, il était un bon vivant, un viveur et un ambianceur comme disent les Congolais. Il n'a pas commis plus de torts ni de crimes qu'un autre homme.
On peut par exemple lui reprocher d'avoir, de connivence avec Franco et Verkys, noyé les Madjesi alors au sommet de leur carrière. Les Madjesi n'ont jamais esté en justice les mousquétaires, que je sache. On peut lui reprocher comme à tout homme d'avoir fait ceci ou cela. A mes yeux, tout cela montre son destin d'artiste extraordinaire, un homme pas comme les autres. Je ne le juge pas, mais mon admiration pour son oeuvre monumentale me fait relativiser ces dérapages de génie. Il fallait bien qu'il ait des défauts pour contrebalancer son immense talent. L'Afrique et le monde respectent ce monsieur; rendons donc à ce maître des muses l'hommage qu'il  mérite amplement.
Avec Tabu Ley disparaît une figure grandiose de notre musique, une véritable école musicale dont sont issus des talents qui concrétisent déjà la relève quoique leurs productions négligent l'art au profit du business. A chaque époque ses traditions, dit-on. Tabu Ley est mort, enterrons-le dans la dignité.
Une parente interviewée du nom de Lucie a rappelé qu'il est né à Kisampier (?) dans la région de Beno, confirmant ce que m'avait dit en 84 un de ses cousins alors cuisinier des pères à Beno où il avait même été baptisé. Avez-vous savouré ses versions de "Mono kukwenda na mission Mben, mono kumona mwana nkento, yandi kupesa mono mbote, mbote na yandi ya kinvanga, mono kubuya" ou "Lal'abi"? Vous aurez remarqué que je l'ai nommé Tabuku, son vrai nom yansi. Allez-y savoir. Afrique Chrétienne avait donné 1939 comme année de naissance à Bagata. Ma mémoire est fiable à ce sujet. Il m'est souvent arrivé de lire qu'il est né à Kinshasa. Je voudrais juste souligner qu'un artiste ou une star traîne toujours avec lui une série de mythes, de légendes, d'inconnus, d'anecdotes. Son identification est difficile à cerner. Même le nombre de ses enfants est romancé. J'ai vu sur Mazza TV une jeune femme qui s'est présentée, en lingala svp, comme étant sa quatre-vingt-neuvième fille, née et vivant à Taïwan. Dieu seul sait comment elle s'est attribué ce chiffre!
L'engagement politique de Ley doit être salué. Et même là, il est resté un artiste. A l'époque, il était presque le seul musicien formé et diplômé. Il a eu une vie pleine et un talent artistique qu'il ne faudrait pas ternir avec des déclarations incontrôlées, surtout en ce moment où la douleur de sa mort est encore profonde. 
Adios Ley!

6 déc. 2013

Deuxième semaine à Groningue

Bonne semaine, mais la fin est dure. L'accès à la bibliothèque a fait que je sois absent de mon bureau. J'ai passé la plus grande partie de mon temps dans cette fabuleuse construction, à chercher les meilleurs documents pour mon travail. Une semaine calme, studieuse, mais perturbée par une menace naturelle. Les recherches avancent, lentement mais sûrement. Un ouragan a été annoncé dans la partie nord de l'Europe. Hier, je me trouvais dans mon bureau 274 lorsqu'on a annoncé la fermeture de l'université à partir de 14h00. L'annonce était faite en néerlandais, j'ai compris l'essentiel: am zwij geslotten (? um zwei geschlossen); c'est de l'allemand. Une secrétaire est passée vérifier si j'avais eu le message. Peu après, la même annonce a été communiquée en anglais. 
De là, je me suis au centre de traitement où j'avais rendez-vous pour 2.40. A mon arrivée, un fonctionnaire communiquait la fermeture du centre. J'ai quand même été reçu vers 16h. Là, j'ai trouvé la cassière la plus lente du monde: presque vingt minutes pour payer une facture. Elle faisait tout sauf l'essentiel. Comprenez-moi, je suis très dur envers les gens qui me perdent le temps. Tous mes proches savent que je n'attends jamais. De retour chez moi, j'ai eu la mauvaise idée d'aller faire quelques provisions car le temps était imprévisible. Cela aurait été honteux que je crève de faim dans un pays réputé d'abondance (pour qui allez-y voir?). En plus, dans l'obscurité, je me suis égaré, forcé de e renseigner auprès de sympathiques Hollandais. Bref, j'ai fait mes provisions, forcé par les intempéries et les imprévisibles aléas du temps. 
Au moment où j'écris, je suis encore vivant; c'est l'essentiel car il y avait la neige. J'avais voulu improviser une visite en Belgique, je l'ai annulée. C'est aussi bien de rester un peu sur place et de tourner en rond. J'en ai profité pour répondre à une invitation manquée la veille. Dagmar Reichardt m'a reçu au Prosecco + fromage en provenance de Gruyère, de l'endroit même où j'ai passé quatre années de ma précieuse vie et où ont été rédigées les pages oyo esala ke nazala (qui ont fait que je sois). Avec Dagmar nous avons parlé trois langues: l'italien, l'allemand et l'anglais. Mais plus en italien bien entendu. En plus elle sait l'espagnol. Quelle polyglotte! Ensemble, on a esquissé des projets de collaboration. J'ai profité de cette visite pour emprunter des livres sur les études postcoloniales. A suivre!

Nelson Mandela (1918-2013): What A Life!


A spontaneous tribute to an African Hero. Madiba has gone, finally, after a life of fight and prison. Africa is mourning, the world is mourning. This admirable man impressed the world because he was a man, just a man. Nelson Mandela symbolized the sense of heroism for many generations. He defeated the South African Apartheid, then became President. His struggle for freedom makes him an icon of freedom all across the world. Madiba, go well. May your soul rest in peace! Where you go, tell the ancestors to take care of us before we join you... later. Your name will be eternally remembered.

Nelson Mandela (1918-2013): quelle vie si extraordinaire!

Madiba est parti; il s'en est allé. Paix à son âme! Que la terre de nos ancêtres l'accueille avec tendresse. 
Une semaine après Rochereau Tabu Ley, un autre grand pour moi, voilà que meurt un grand Africain: Nelson Mandela. Comme quoi les grands hommes meurent ensemble pour constituer dans l'au-delà leur fraternité éternelle, sans distinction de race, de sexe, de religion, d'idéologie, etc. Cela s'est vu. Lady Diana et Mère Theresa sont mortes à la même époque que notre illustre Mobutu Sese Seko. Nos comptes ne sont jamais ceux du Seigneur. 
J'ai entendu parler de Mandela pour la première fois dans les années 70 alors que je me trouvais encore au petit séminaire de Kalonda. On parlait souvent d'eux à l'époque: Nkomo, Machel, Savimbi, Neto, Ian Smith, Mugabe. Les mouvements de libération auxquelles la Voix du Zaïre dédiaient des émissions, constituaient une bonne source d'instruction. J'ai été relativement tôt informé de la lutte anti-apartheid dans la partie australe de l'Afrique; des discriminations raciales aux Etats-Unis, comme de la question juive. C'est plutôt plus tard que j'en deviendrai plus conscient, au grand séminaire de Mayidi. Une coopérante de Peace Corp, Miss Hayflick nous parla des ghettos juifs aux Etats-Unis, partant de leur proximité avec les Noirs. L'Afrique du Sud soufflait au rythme des soulèvements de Soweto, de la verve antiraciale de Steve Biko. Et on parlait aussi d'un incarcéré à vie, Nelson Mandela. Mon intérêt pour l'égyptologie, Cheikh Anta Diop, Fanon a complété ce qui manquait à la philosophie de Louis Lavelle dans la découverte du moi. 
A Rome au Collège Urbain, je rencontrerai des étudiants de divers horizons. Parmi eux, des Brésiliens, des Indiens, des Coréens, des Mexicains, des Egyptiens, des Vietnamiens, des Mozambicains, des Angolais, des Kenyans, des Ougandais, des Burundais, des Rwandais, des Syriens, des Libanais, et des Sud-Africains. Une variété de cultures et de personnalités. Une expérience unique dans ma vie. Visée comme étant l'inspiratrice de l'Apartheid, l'Eurpoe cherchait à s'en répentir en posant de gestes significatifs. Le nom de Mandela était hissé au plus haut point. Le monde politique, culturel et libre se mobilisait de plus en plus pour mettre la pression sur le gouvernement sud-africain et l'obliger à libérer Mandela de Robben Island. L'homme était devenu incontournable, son emrpisonnement à vie un scandale gènant dans le sinistre mécanisme de l'Apartheid. Je me souviens de l'impressionnant concert intercontinental diffusé live à l'occasion de ses soixante-dix ans ou septante ans.
 Lorsque je travaillais à Kenge, l'abbé Nicolas Berends avait une fois dans son homélie souligné la persévérance, la constance et la tenacité de Mandela à travers sa vie. Ce devrait être en 1986, pas si sûr. A l'issue de cette messe, nous avons discuté longuement tellement j'étais impressionné par le sérieux du propos. Voici à peu près ce qu'a dit Nicolas: "Mandela est un homme libre. Né libre, il restera libre dans n'importe quelle condition. Aucune prison, aucun système totalitaire ne peut l'emprisonner. Il a une telle force intérieure, une telle puissance d'esprit, qu'aucun pouvoir politique ne saura subjuguer." Ces mots de Nicolas ont affermi mon intérêt pour Mandela. Je suivais désormais avec plus d'attention ce qui se disait à la radio, dans la presse, ce qui s'écrivait dans les revues et livres. 
Le jour de sa libération diffusée live à la télévision, j'ai regardé en direct les images de sa sortie, témoin direct car une page de l'histoire s'écrivait devant nos yeux. Ce jour-là de 90 j'ai encore mieux compris le sens des paroles de Nicolas Berends. Trente ans en prison, et en sortir sain d'esprit et de corps, tel était le défi que Mandela lançait au monde en brandissant haut sa main droite, en signe de victoire. Sa libération était une victoire. Les autorités sud-africaines n'avaient pas d'autres choix que de le libérer tellement il était devenu encombrant et embarrassant. Une victoire sur l'Apartheid. Le monde changeait. Perestroïka, Glasnost, effondrement du bloc de l'Est et du communisme, processus de démocratisation, etc. Tout laissait entrevoir de nouveaux espoirs. 
Le reste se sait. Je n'y reviendrai pas. Le charismatique au sourire désarmant et fascinant Mandela reste l'icône de la libération de l'Afrique. Un modèle à suivre pour la réconciliation et la justice entre les hommes. Un héros africain de la trempe de Lumumba, Nkrumah, Touré, Senghor, Kenyatta, Nyerere, Sankara, Houphouët-Boigny, Sadat, Machel, etc. Un héros noir comme Martin Luther King, Malcolm X, Garvey, Ali. Un artisan de la paix comme Ghandi, et d'autres. S'il est une qualité que je retiens de Mandela, c'est sa liberté d'esprit. Le reste vient de cette option fondamentale. 
Rest in peace, Madiba!

5 déc. 2013

Ils ont pleuré mes trésors

Hier, j'ai appris avec beaucoup de regret que mes deux trésors étaient tristes que je n'aie pas assisté à leur anniversaire. ALe soir de leur anniversaire, au moment de dormir, Chrystelle a été la première à demander pourquoi je n'étais présent. Elle a pleuré à grosses larmes. Claver a aussi été entraîné dans cette triste scène. Je le regrette infiniment. A l'avenir, je m'arrangerai pour être présent. Autant que faire se peut. Courage, jeunes gens! C'est la vie.

3 déc. 2013

Groningue, le cap de décembre

Une semaine passée dans cette ville, c'est comme si le monde ne tournait pas. Une université de première classe, pas de doute, mais aussi ancrée dans la tradition de ses quatre siècles d'existence. Beaucoup de bureaucratie! Beaucoup de papiers. On peut tout régler par email sans nécessairement voir quelqu'un, sauf bien sûr lorsqu'il faut signer un document. Une masse de renseignements parfois difficile à décanter dans un délai raisonnable. Bref un monde organisé très méticuleusement avec toute la lenteur que cela implique. Ce disant, c'est seulement hier que j'ai eu accès à l'internet dans mon bureau, que j'ai eu une carte de la bibliothèque. La machine tourne à sa façon et à son rythme. Une bibliothèque fabuleuse, ultra-moderne. On prend son livre soi-même, on le scanne et enregistre soi-même dans le système. Les mécanismes de remise me sont encore inconnus. Je les découvrirai sous peu. Pour les livres non accessibles aux rayons, on les commande en ligne, on reçoit la notification en ligne, on les récupère dans un casier à partir de l'initial de son nom, et le jeu est joué. Intéressant non? Je vous en dirai plus sous peu. Le travail proprement dit vient de commencer. J'en ai encore pour exactement trois semaines. Profitons-en, puisque c'est à notre disposition.

2 déc. 2013

Joyeux Anniversaire à mes trésors: Chrystelle et Claver

3 décembre 2013. Ibangu et Mukawa totalisent 7 ans de vie. De cette lointaine ville de Groningue où je me trouve, je leur envoie mon amour et ma tendresse pour toutes les merveilles que Seigneur nous donne de vivre et partager ensemble. Gloire et louange à l'Eternel pour ce don de vie, de générosité et de partage! Oui, ces deux trésors réchauffent mon coeur à chaque fois que je les vois grandir, sourire, jouer, danser, crier, se plaindre, et même pleurer. Mes félicitations s'adressent spécialement à Clavère leur mère qui, alors que je sillonne monts et vallées de l'univers, demeure patiemment à leurs côtés sans réchigner ni se décourager. Happy Birthday and Many Happy Returns, Tsitella and Junior!

ADIEU TABU LEY, MAESTRO

ADIEU TABU LEY, LE MAESTRO DU CHANT (1939-2013)

Faute d'écrire sur mon blog que je ne réussis plus à ouvrir - pour des raisons techniques je suppose - je me contente de mettre un vibrant hommage sur Facebook à ce maître des muses, à ce talentueux artiste de la musique congolaise, africaine et universelle que fut Pascal Tabuku, alias Rochereau. Il a été à mes yeux, après la génération des Wendo ou... Kallé Jeff, le plus grand auteur-compositeur et la plus belle voix de notre univers musical. Il fallait l'écouter et le voir sur scène. Quel talent poétique! Quelle harmonie gestuelle! Quel travail de recherche et d'inspiration! Bref un excellent musicien qui cherchait l'essence du Beau dans ses oeuvres. Je ne lui trouve aucun concurrent sur le plan scénique et de la richesse du spectacle.
Et justement dimanche 24.11 à Bruxelles, dans la jeep de l'abbé JR Mifuku, nous avons encore savouré de sa musique sans savoir qu'il nous disait son adieu d'artiste et de soulageur de coeurs. Un chanteur de l'amour pas comme deux! Je pèse mes mots. Mon attachement aux Frères Soki a été inspiré par la veine poétique de Vieux Ngunza. Et hier, dans la froide solitude de Groningue, j'ai écouté les Soki et Ley dans Shauri Yako sur Youtube. Adieu maître de la chanson! Adieu Tenor inégalable qui a longtemps incarné notre fierté.
Dans ma jeunesse j'ai eu deux fois l'occasion de le rencontrer au pays et en Suisse. J'ai croisé quelques membres de sa famille. J'écrivais justement à un autre artiste, le critique et poète Jean Roudaut, lorsque l'annonce de cette mort m'est parvenue.
A sa famille et à la communauté culturelle qui pleurent ce monument de la musique mes condoléances les plus émues.
Seigneur Ley, puisse l'Eternel t'accueillir dans son royaume! Pesa Kashamankoyi na Karibu que tu as immortalisés par les trémolos de ta voix mbote mbote mingi! L'émotion est très forte, j'arrête là. Mon coeur te pleure, artiste des muses souterraines et célestes. Va en paix, Maestro! Kende malamu. Kwenda mbote! "C'est comme ça la vie", que tu as chanté une fois, car un artiste ne meurt jamais!

Groningen, 30 novembre 2013.