Mon passage par Amersfoort le 25 novembre mérite que j'y revienne. J'avais écrit dans le train un texte que je ne retrouve plus. Je vais le réécrire, les phrases changeront mais les idées resteront les mêmes.
J'ai vécu en Hollande pendant deux semaines en juillet-août 1980 dans la famille du regretté Père Ben Overgoor. Passer par Amersfoort, où je me rendais souvent seul à vélo depuis Stoutenbourg jusqu'à la gare, a été comme revivre un temps vieux de trente ans, à la différence que cette fois c'est en hiver. A l'été flamboyant de jadis a succédé un hiver étrange et brouillé comme le brouillard qui enveloppe ce pays le matin.
Je viens de retrouver l'original. Je ne change rien à ce qui précède, mais l'ajoute intégralement.
Je revis comme par un tour de magie cet extraordinaire feeling de retrouvailles et de tristesses qui, souvent, entourent de telles circonstances. Un moment de certitude mêlé d'inconnus et de soupçons car on ne revoit jamais ce qu'on a déjà tel que c'était. Le temps fait la différence. On n'est jamais plus le même, on n'a plus le même regard, le temps détruit l'éternité ou mieux donne le plein sens de l'éternité. La gare, modernisée, est certes au même endroit, mais n'a plus la même apparence. D'où l'étrange douleur du dépaysement face au déjà connu devenu entretemps inconnu. Je vogue dans les vagues. Le train n'est certes pas passé par Soutenbourg ni Achterveld, mais les prés et les concessions des paysans que j'ai revus sont tout à fait semblables à ceux de la famille Overgoor. A un moment j'ai cru identifier les maisons qu'habitaient Antoon et Gherard au centre. Le paysage était le même. Cela m'a donné l'air du déjà vécu dans un temps mythifié et édenique.
De là au rêve, le pas a été vite franchi. Je suis devenu le poète d'un temps obscur. Je suis redevenu le poète que chacun de nous est quelque part au fond de son âme. A l'époque de mon premier séjour, je cédais volontiers à l'évocation des muses et des désinvoltures célestes. Aujourd'hui, je les retouve par le détour de la méditation et du recueillement. A défaut de retracer tout mon passé néerlandais que la mémoire a enfoui dans ses inaccessibles strates, je me réjouis toutefois d'y revivre dans un temps différent de celui-là, et surtout de retisser mon moi à travers les tentacules magnétiques qui étalent au fil du temps et de leurs sinuosités ma vie de voyageur sans bagages.
Ce séjour m'éloigne de mon travail quotidien d'enseignant; je redeviens un étudiant pour trois semaines, sommé de sillonner les corridors de l'université et de la bibliothèque. J'y vais avec l'espoir de recoudre ce qui jadis et longtemps faisait partie de mon quotidien. En plus, là où je vais à Groningue, on n'a pas trouvé mieux que de me loger dans un home d'étudiants. Un peu d'humilité, vieil homme!
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