20 août 2011

"Kabondo bu, et non pas consommé" (Boubou)

J'ai eu le privilège d'avoir Mr Boubou pour condisciple et ami de 69 à 75 au petit séminaire de Kalonda. Un être fabuleux, peut-être l'homme le plus original que j'aie jamais rencontré! Nestor Kiala Ngoma, Pelé au football parce qu'il n'avait jamais avant le petit séminaire touché au ballon rond, et qui par la force de l'exercice est parvenu à se hisser au rang de "Seigneur". Entendez "Kibonge", ancien meneur de jeu de Vita Club.
Nestor excellait en récitation avec force gesticulations. Le brillant élève s'en régalait d'ailleurs, s'amusant à nous faire rire pendant qu'il profitait de ces interruptions pour se remémorer le texte. Eh bien, un jour, la machine a mal tourné. La suite du texte ne vint pas. "Mets-le contre le mur, le long de ton échine..." ainsi se termina piteusement sa récitation de "Le renard et le bouc". Cela, c'était aussi Mr Boubou.
Très versé dans les us traditionnels pelende, il aimait se faire appeler sociologue. Intelligence éveillée, comédien hors pair, tour à tour chanteur-musicien guitariste, il était le neveu du Vieux Tsabi, l'homme qui consommait 53 verres de bière par jour. (Sic).
Le gaillard était capable de danser "Yo nalinga" de Zaiko Langa Langa (Efonge) au rythme de "Chat botté", une chanson que les enfants exécutaient aux jeux de rue. Il fallait le voir dans ses oeuvres.
Boubou est entré en philosophie à la faculté de théologie catholique de Kinshasa où il respirait par les poumons de son maître à penser Tshiamalenga, qu'il appelait Tshiam. "Tshiam te dira" ou "Tshiam te répondra comme ça". Après un bref séjour en Allemagne, il a entrepris une thèse de doctorat à Fribourg en Suisse qu'il n'acheva pas, surpris par la mort le 24 décembre 1984.
Boubou était surprenant par l'originalité de ses raisonnements. Juste un exemple. Lorsque Mobutu avait changé le nom de Congo en Zaïre, lui aurait préféré "Nzadi" à la place. Et les habitants dans son vocabulaire auraient été appelés les "Nzadibois". N'est-ce pas génial pour un élève de troisième secondaire?
Une fois, chargé par l'abbé directeur de transmettre un message de reproche à notre classe, notre condisciple prenant fait et cause pour l'autorité, s'est mis en colère contre ses condisciples, à l'étonnement de tous.
L'ouverture de ses lettres était aussi à sa mesure: "Mystère Sériph", "Mystère Ngarené" et à moi "Mon cher Naja D." Le nom de sa fiancée ne fut autre que "Maman Lesa", appellation contrôlée.
Voilà vingt-sept ans depuis qu'il nous a quittés. Ses souvenirs demeurent vivants en moi comme chez beaucoup d'amis qui ont eu le privilège de vivre et d'étudier avec lui. Paix à ton âme, Nestor.

Vor 106 Jahren

Am 20. August 1905 wurde meine Wohltäterin Theresia Weingärtner am Bodensee zwischen Lindau und Bregenz geboren. 1920 zug sie nach München um, wo sie bis 1997 gelebt hat. Am 15. Mai 1980 traf ich sie am Petersplatz in Rom and daher entstand eine Beziehung, die bis zu ihrer letzten Lebenstunde gelastet hat. Sie ist am 25. Mai 1997 gestorben; und ich sah sie am 30. April 1997 zum letztenmal. Für sie galt München als die schönste Stadt der Welt. "Es war ein sonniger Sonntag, als Gott München erschaffen hat", sagte sie oft.
Theresia hatte die zwei Weltkriege erlebt. 1914-18  war sie noch bei Lindau, wo ihre Familie französische Soldate zu Hause unterbracht hatte. So konnte sie sich noch an viele französischen Wörte erinnern. Wie: Travail, manger, dormir, bonjour, au revoir, etc. Sie hatte die Nazi-Zeit und den Krieg 1939-45 in München miterlebt. Sie konnte mir die Geschichte durch die Strassen von München richtig erklären. Ihr geliebter Politiker war der Franz-Josef Strauss. Ihr Fussballer war Maradonna. Wie jeder Münchner hat sie TSV Munchen 1860  geschätzt, dessen Presidenten Wildmoser sie kannte. Sie magte den Matthäus nicht, da sie sagte: "Seine Mutter sieht ihn nur im Fernseher und sie stempelt". Wahr oder nicht, weiss ich nicht.
Bis zum Ende wollte sie vom Altersheim nicht hören; sie ist in ihrer Wohnung gestorben, obwohl sie am Ende ziemlich schwerkrank war und brauchte ständige Hilfe. Genug für heute.
Maria, ruh ewig in Gottes Händen!

19 août 2011

La justice de la rue

Ci-dessous une manchette de Digitalcongo que je viens de lire:
Kinshasa , 19/08/2011
"Un kuluna brûlé vif à Matete
Suite aux cris de détresse faite par une maman agresser (sic) à Matete par un groupe des 5 kuluna, un de leurs a été vite rattrapé suite à l’alerte donnée dans tout le quartier et fut sérieusement molesté par la foule, le voleur s’est vu ensuite porter un pneu au cou avant d’être traîné dans un espace où un quidam a allumé le feu." (Source: http://www.digitalcongo.net/category/7)

Ce qui est écoeurant, c'est que ce crime collectif restera sans suite. Un bandit de moins, tant mieux pour la société cruelle, vengeresse et justicière. Sécurité et Justice sont à mon avis deux valeurs dont tout Etat de droit doit pleinement et prioritairement s'occuper pour justifier sa raison d'être. Elles ont mission de rassurer et protéger au lieu de terroriser.

18 août 2011

Abbé Henri Izwa Mpulu (1943-2011)


(Photo reprise du site de l'archidiocèse de Kinshasa)

Par un e-mail de l'abbé Charles-Claver Ndandu, je viens avec une très vive émotion d'apprendre la mort de l'abbé Henri Izwa en Belgique. Paix à son âme! J'ai ensuite lu sur le site de Kinshasa qu'il est décédé le 13 août.
Mes souvenirs de l'abbé Izwa sont relativement précis. C'est le 21 avril 1974 que je l''avais vu pour la toute première fois, à Bandundu Saint-Hippolyte, à l'ordination de l'abbé Innocent Mwela. Par sa  grande taille, il dépassait tout le monde à l'autel. La deuxième fois, c'était en septembre 1975 à Ito, près de Bandundu. Il était venu prêcher la récollection annuelle des grands séminaristes de Kenge, cette année-là. Puis, plusieurs fois à Mayidi. Très jeune, l'abbé Henri a assumé de grandes responsabilités. jeunesse. Tout en suivant ses études bibliques aux facultés catholiques, il était recteur du grand séminaire philosophique St Kagwa. Puis en 1975, il est devenu recteur du grand séminaire régional Jean 23 de Kinshasa. On le disait le fils bien-aimé et aîné du Cardinal Malula.
Je n'oublierai jamais comment il s'est dépensé pour organiser les obsèques de notre cher Firmin Mukwasa, grand séminaire de Kenge décédé début décembre 1977 sur le terrain de football de Jean 23. Qu'il repose en paix!
Je reverrai encore l'homme de Dieu, lors de ma régence, à Kalonda en fevrier 1979 où il était venu prêcher la retraite annuelle des petits séminaristes. Ensemble, nous nous sommes rendus sur le site en début de construction de Ngondi où se devrait de se délocaliser la SVD.
Ensuite ce sera à Rome, début 1980, au Collège Urbain. Je ne l'ai pas revu pendant tout mon séjour au pays entre 1982 et 1987. Par contre, ce sera à Fribourg que nous passerons ensemble le réveillon du nouvel an 1990 dans la famille de José Bula, parente à lui. Il venait de Jérusalem. Là, j'ai eu de longues conversations avec lui. Très discret sur ses rapports avec le Grand Léopard, il m'a surtout parlé de la manière dont il résolvait certains problèmes logistiques à Jean 23. La dernière rencontre date de juillet 2005, à l'aéroport d'Addis-Abeba, alors que nous voyagions tous pour Kinshasa. Il venait de Rome. L'abbé Grégoire Nsimba de Matadi me dira:"Claver, je ne crois pas que l'abbé Izwa t'a reconnu". Soit! On était fatigués du long transit. On s'est encore croisés et parlés dans l'avion, puis à l'immigration et au retrait cahotique des bagages à Ndjili. Dernières images furtives et évanescentes comme une poudre d'escampette! Le voilà mort aujourd'hui!
Je garde de l'abbé Henri Izwa le souvenir d'un serviteur de Dieu très aimable, travailleur, serviable, intelligent, pieux et dévoué à son engagement sacerdotal. Inaugurant une nouvelle génération de prêtres kinois, l'abbé Izwa a énormément contribué à l'éveil et à la croissance des vocations dans l'archidiocèse de Kinshasa. Homme de relations, il ouvrait même les portes du Mont-Ngaliema. Homme pratique, il était l'ami confident de quelques politiciens en vue, de l'époque. Son kikongo ya leta se limitait à quelques courtes phrases, mais correctes.
Cher abbé Henri, que ton âme repose en paix. "Lufwa kele nsuka ve, yo kele kaka nzila." Je m'unis de coeur à l'archidiocèse de Kinshasa pour rendre grâce au Seigneur pour toutes les merveilles qu'Il a accomplies à travers ton ministère apostolique.
  

15 août 2011

Crise de l'université en RDC

Un extrait de l'interview de l'abbé professeur Richard Mugaruka de l'UCC:

FMK:
Mais il est quand même paradoxal de voir, d’un côté, l’Université en crise et, de l’autre, les établissements d’Enseignement supérieur et universitaire sont en train d’être créés. Et quelque fois, ce qui est frappant, c’est avec l’accord du ministère de tutelle. Est-ce que tout le monde est conscient ?


RM:
L’Etat est défaillant. Et, avec le manque de planification, le résultat est ce que vous voyez aujourd’hui. Vous ouvrez des filières. Après trois ans, vous dites qu’elles ne sont pas viables. Vous chassez les étudiants. Et c’est la révolte. Le Premier ministre est obligé de casser la décision du ministre de l’Education nationale. Mais le problème reste entier. C’est cela l’absence de planification.
Et c’est ce qui nous amène à tout ce que vous dites là. L’Etat est défaillant et ne planifie pas. Donc, il nous faut deux solutions : restaurer l’Etat et planifier.

(Source: Le Potentiel, No 8096 du 15 août 2011. Freddy Mulumba Kabuayi)


10 août 2011

Ahmed Cissé sur les 50 ans des indépendances africaines

Foix, août 2011. Le musicien burkinabé Ahmed Cissé a livré son avis sur les jubilés des indépendances africaines:
"On parle de cinquante ans d'indépendance en Afrique. En cinquante ans d'indépendance rien n'a changé. En cinquante ans d'indépendance, on nous a formé des criminels, des corrompus, des dictateurs. En cinquante ans d'indépendance, il y a toujours le palu qui tue les gens... Il n'y a pas d'opposants, pas d'opposition.... Il y a dix partis sankaristes... et chaque parti défend sa cause quoi."

Royaume Uni: Qui l'eût cru?

Les informations de pillage, vandalisme et banditisme qui viennent du Royaume Uni montrent à quel point tout pays, quel que soit son degré de développement, est vulnérable. Un pays réputé pour son service de sécurité, par sa police de proximité, pour ses caméras ultra-sophistiquées de surveillance! C'est là qu'ont éclaté depuis quatre jours des émeutes qui embrasent pratiquement tout. Ce qui est curieux, c'est la surprise qui prend à revers la police et l'ampleur des dégâts, au vu d'immeubles défenestrées, des magasins saccagés ou incendiés. On se croirait au sortir de guerre. Mais c'est à Londres, Manchester, Birmingham, Liverpool, etc., lieux-symboles de la sixième puissance économique mondiale.
Des scènes qui me rappellent les pillages qui jadis mirent à genou l'économie de la RDC. Des images choquantes qui rappellent les bombardements de Bagdad ou les rues d'Abidjan, le printemps arabe à Tunis ou au Caire, à la différence que le nombre des morts n'est pas encore élevé chez les Britaniques. Une chose est vraie. Derrière les magnifiques palais anglais sourd un malaise de pauvreté et de chômage dans la jeunesse qui, aujourd'hui, éclate au grand jour. Un incident qui serait en d'autres temps passé inaperçu devient symbolique d'une ample insurrection raciale et sociale. Les places financières ne rassurent pas malgré un net rebondissement. L'explosion en est là: la jeunesse bouge, les pauvres réclament leurs droits aux riches, les casseurs démolissent sans discernement. Des actes inciviques et incontrôlés interdits par la loi. Le RU est sous le choc. Moralité: Nul n'est totalement à l'abri de l'insécurité.

9 août 2011

Sorcellerie, j'y crois pas.

Riehen, près de Bâles entre juin et septembre 1991. Une italo-suissesse AF de 43 ans est venue me trouver, accompagnée d'une suisso-malgache, que ça rime bien, parce qu'elle se sentait envoûtée par son ami camerounais qui, selon ses propres mots, l'avait ensorcelée. Elle avait des courbatures, et très mal au cou. Elle avait l'impression que cet homme contrôlait "de façon occulte" sa vie: "Il me cherche", s'est-elle écriée soudain. "Cela ne m'étonnerait pas qu'il apparaisse ici, alors que je ne lui ai pas dit que je venais ici."
J'ai coupé la conversation: "Sorcellerie, j'y crois pas. S'il apparaît ici, cela signifie simplement qu'il vous a suivies, à votre insu. Si vous avez mal au cou et des courbatures, soumettez-vous à une séance de massage".
- "Vous n'y comprenez rien, tout africain que vous êtes. Cet homme possède des pouvoirs, un troisième oeil".
- "Je crois que nous ne pouvons pas continuer cet entretien, Madame. On ne sera jamais d'accord".
Quelques jours plus tard, elle est retournée me voir. Je me suis excusé d'avoir interrompu l'échange de la fois précédente.
- "Pas de quoi! Entre-temps, je suis allée à St Louis, la ville française proche de Bâles, trouver un professeur ouest-africain spécialiste des problèmes de santé, de chance, de succès, d'amour, voire de stérilité. Après avoir entendu mon récit, il m'a demandé de mettre dans une enveloppe deux billets de chaque valeur existante en francs suisses - dix, vingt, cinquante, cents, cinq-cents, mille - ; de placer cette enveloppe sous mon oreiller pendant trois jours. Et le troisième jour très tôt, sans oser faire la toilette ni me retourner, aller droit lui remettre cette enveloppe. Il opérera ses miracles, une fois ce rite préliminaire dûment accompli. Ne pas regarder en arrière jusqu'à St Louis, c'est impossible. Et je trouve que c'est trop d'argent pour un rite; c'est presque tout mon salaire. Que dois-je faire?"
- Si vous voulez jeter votre salaire à la poubelle, allez-y! Comme vous y croyez, allez-y sans hésiter, car l'hésitation réduirait vos chances de réussite.
- Il m'a pourtant affirmé que c'est 100% de réussite.
- Il ne pouvait pas vous dire le contraire, sinon vous ne seriez pas allée chez lui. Suivez la voix de votre conscience."
Deux mois plus tard, elle est descendue me rencontrer à Fribourg pour me dire:
- "Grâce à vous, je n'ai pas brûlé mon argent, j'ai trouvé une naturopathe qui m'a fait d'excellents massages, j'ai retrouvé pleine confiance en moi-même. Je sais désormais comment affronter mes problèmes. La lucidité avant tout. Merci vielmals!"
- "Et la facture de mes consultations?", ai-je rétorqué, très sérieux et sans complaisance.
- "Au fait, je vous dois 3000 Francs, exactement la somme du maître-professeur de St Louis."
- "Demandez-lui plutôt de me jeter le mauvais oeil. Ce sera mon prix!"


8 août 2011

Quel destin!

Ci-dessous l'extrait d'un article de Kä Mana sur le cinquantenaire de l'indépendance de la RDC, repris dans le Supplément du Potentiel d'aujourd'hui.

"A partir de la chute de Lumumba, la politique devint un espace orageux de déraison, de fausseté, de fourberie, de mensonge, de duplicité et du triomphe de l’inhumanité. Nous souffrons encore de ces maux jusqu’à ce jour.
Pourquoi notre pays s’englue-t-i1 à ce point dans la déraison et dans la décrépitude spirituelle au cœur de sa vie politique? Que nous est-il arrivé pour que nous nous conformions à une dynamique d’anéantissement de nos intérêts vitaux et des exigences de notre avenir? Par quelle voie nous faudrait-il imaginer une route humaine pour notre futur? Ces questions sont capitales pour alimenter notre réflexion nationale en ces temps où nous entrons dans la période de la célébration de nos cinquante ans d’indépendance."
(Le potentiel, Edition 8090 du Lundi 08 Aout 2011)




5 août 2011

A propos "Sorcellerie": il a parlé

Mon démolisseur de fidèle lecteur a réagi:
- "Tu parles des choses dont tu ne sais rien. La sorcellerie est une valeur sûre et permanente en Afrique. Ne pas l'admettre, c'est priver l'Afrique de sa vraie identité déja saccagée par l'Occident. Il faudrait atteindre l'essence de la sorcellerie plutôt que se contenter de quelques expériences inconséquentes d'un enfant de 12 ans. Qu'aurais-tu souhaité que ton père te dise à l'âge que tu avais? Il avait vu juste, n'a pas nié son existence et l'a traduite en terme de "langage". Ne pas l'admettre, c'est vider nos rites de passage et d'initiation de leur sens. Ne pas l'admettre, c'est devenir rationaliste. Je ne crois pas que ce soit ce que tu souhaites, Mr le mythologue. Ne t'a-t-il pas fallu attendre d'achever tes études de philosophie pour comprendre la métaphysique que ton sage et illettré grand-père Kahiudi voulait t'inoculer à l'âge de douze ans en disant "je" pour s'adresser à toi? Tu as la mémoire courte; aujourd'hui tu le cites comme exemple dans tes élucubrations littéraires. Le monde de la sorcellerie, si tu y es étranger à cause de ton assimilation totale à l'Occident, possède sa propre logique, sa propre philosophie, ses propres repères. Décidément, tu n'as rien appris à l'école, comparé à ce que tu ignores de ce monde-là. Adresse-toi plutôt aux vieux sages, ils te révéleront des choses insoupçonnées s'ils t'en jugent digne et mûr. Le défi, c'est comment exploiter cette valeur consubstantielle à l'Afrique en un vecteur de développement."
Je l'ai interrompu, juste pour insérer une petite remarque:
- Si tu penses vraiment ce que tu dis, je crois que c'est mission impossible.
Il a continué ses tirades sans se soucier de moi. Puis, il a dit pour conclure:
- "Fais gaffe! On peut te jeter un mauvais sort."

2 août 2011

La sorcellerie, cause de sous-développement

Je suis très sérieux. La sorcellerie est un mythe; et en tant que tel, on y croit sans justifier rationnellement l'objet de sa croyance. Or le mythe, c'est justement l'échec de la raison, le domaine par excellence de l'irrationnel. On peut vous faire avaler une couleuvre par les narines.
Chaque fois qu'il m'arrive d'en parler, les gens s'étonnent de mon attitude négative. Toi-même, n'est-ce pas que tu es un grand sorcier? me rétorque-t-on souvent. Je n'y crois pas, je n'en ai jamais eu la preuve. Pour beaucoup d'Africains, tout phénomène surprenant est traité de sorcellerie; tout exploit humain est le résultat d'une puissance surnaturelle. Le musicien, le politicien, le sportif... et même le pasteur, tous recourent à la sorcellerie pour avoir du succès. N'osez surtout jamais prononcer le mot "travail". Comme quoi, tout ce qui se voit au grand jour vient de l'ombre.
Août 1969. Je me préparais à entrer au petit séminaire de Kalonda, lorsque j'avais entendu mon père menacer de tuer les gens de Mutoni qui oseraient encore mettre le feu sur les bâtiments de l'école primaire dont il venait de prendre la direction. Sur le chemin de retour, je lui demandai:
- Papa, tu ne crains pas la justice en menaçant de tuer?
- Mon fils, je ne le ferais pas physiquement mais par la sorcellerie.
- Au fait, parlons-en. Elle existe, la sorcellerie?
- La pratique fétichiste existe, mais je n'y crois pas. Je n'ai fait que les menacer. Tu verras. Le message est passé, car c'est ce langage qu'ils comprennent. Sache, mon fils, que la sorcellerie n'a aucun effet. Il ne faut pas y croire.
Depuis cette nuit, je ne crois plus à la sorcellerie. Ma conviction s'est renforcée quelques jours plus tard. Le père Everard Leferink, svd, venait de récupérer les "fétiches" du chef Mutoni. L'enfant de douze ans que j'étais ne cacha pas son étonnement de n'avoir vu aucun "mufu" (ogre) parmi les précieux trésors artistiques gratuitement acquis par le missionnaire. C'est cette fois ma mère qui me chassa, arguant que de telles questions ne se posaient pas impunément en public.
Depuis cette époque, j'ai rompu avec cette croyance rétrograde. Il y a malheureusement des gens qui cherchent, sans succès, à me convaince de son efficacité, déclarant que "le sorcier c'est comme le diable, le malin de la Bible."
Lorsque j'étais diacre à Kenge, une nièce de deux ans est décédée quelques semaines avant mon ordination. Aux funérailles, j'ai entendu quelqu'un dire tout bas que "(je) l'avais sacrifiée pour renforcer mon pouvoir car la profession de prêtre exige des sacrifices du sang humain" (sic).   
Ma formation intellectuelle et humaine m'a blindé contre ces déviations. Et mes recherches sur le mythe m'aident énormément à dénouer le fonctionnement de l'irrationnel là où certains reconnaissent des signes de sorcellerie. Qu'on se le dise: le sorcier vit au dépens de celui qui croit en ses pouvoirs. Halte aux prédateurs des consciences! "Professeur Abdoulaye, Voyant Nkebe, Grand Maître de Mbetenge, Pasteur Pwala, cessez de tromper les gens". J'ai vu des hommes envoûtés et des femmes désespérées en amour se ruiner pour satisfaire les voeux du devin ou éviter les menaces eschatologiques du charlatan prometteur de la chance et du Ciel sur terre. Allez-y voir.
Pour moi, la sorcellerie est un fléau, un frein au développement d'un pays car elle enlise l'esprit des gens au lieu de le libérer. Les églises du réveil, du fait qu'elles exploitent cette corde sensible pour attirer des adeptes, participent au blocage mental de la population. Ho detto!