2 août 2011

La sorcellerie, cause de sous-développement

Je suis très sérieux. La sorcellerie est un mythe; et en tant que tel, on y croit sans justifier rationnellement l'objet de sa croyance. Or le mythe, c'est justement l'échec de la raison, le domaine par excellence de l'irrationnel. On peut vous faire avaler une couleuvre par les narines.
Chaque fois qu'il m'arrive d'en parler, les gens s'étonnent de mon attitude négative. Toi-même, n'est-ce pas que tu es un grand sorcier? me rétorque-t-on souvent. Je n'y crois pas, je n'en ai jamais eu la preuve. Pour beaucoup d'Africains, tout phénomène surprenant est traité de sorcellerie; tout exploit humain est le résultat d'une puissance surnaturelle. Le musicien, le politicien, le sportif... et même le pasteur, tous recourent à la sorcellerie pour avoir du succès. N'osez surtout jamais prononcer le mot "travail". Comme quoi, tout ce qui se voit au grand jour vient de l'ombre.
Août 1969. Je me préparais à entrer au petit séminaire de Kalonda, lorsque j'avais entendu mon père menacer de tuer les gens de Mutoni qui oseraient encore mettre le feu sur les bâtiments de l'école primaire dont il venait de prendre la direction. Sur le chemin de retour, je lui demandai:
- Papa, tu ne crains pas la justice en menaçant de tuer?
- Mon fils, je ne le ferais pas physiquement mais par la sorcellerie.
- Au fait, parlons-en. Elle existe, la sorcellerie?
- La pratique fétichiste existe, mais je n'y crois pas. Je n'ai fait que les menacer. Tu verras. Le message est passé, car c'est ce langage qu'ils comprennent. Sache, mon fils, que la sorcellerie n'a aucun effet. Il ne faut pas y croire.
Depuis cette nuit, je ne crois plus à la sorcellerie. Ma conviction s'est renforcée quelques jours plus tard. Le père Everard Leferink, svd, venait de récupérer les "fétiches" du chef Mutoni. L'enfant de douze ans que j'étais ne cacha pas son étonnement de n'avoir vu aucun "mufu" (ogre) parmi les précieux trésors artistiques gratuitement acquis par le missionnaire. C'est cette fois ma mère qui me chassa, arguant que de telles questions ne se posaient pas impunément en public.
Depuis cette époque, j'ai rompu avec cette croyance rétrograde. Il y a malheureusement des gens qui cherchent, sans succès, à me convaince de son efficacité, déclarant que "le sorcier c'est comme le diable, le malin de la Bible."
Lorsque j'étais diacre à Kenge, une nièce de deux ans est décédée quelques semaines avant mon ordination. Aux funérailles, j'ai entendu quelqu'un dire tout bas que "(je) l'avais sacrifiée pour renforcer mon pouvoir car la profession de prêtre exige des sacrifices du sang humain" (sic).   
Ma formation intellectuelle et humaine m'a blindé contre ces déviations. Et mes recherches sur le mythe m'aident énormément à dénouer le fonctionnement de l'irrationnel là où certains reconnaissent des signes de sorcellerie. Qu'on se le dise: le sorcier vit au dépens de celui qui croit en ses pouvoirs. Halte aux prédateurs des consciences! "Professeur Abdoulaye, Voyant Nkebe, Grand Maître de Mbetenge, Pasteur Pwala, cessez de tromper les gens". J'ai vu des hommes envoûtés et des femmes désespérées en amour se ruiner pour satisfaire les voeux du devin ou éviter les menaces eschatologiques du charlatan prometteur de la chance et du Ciel sur terre. Allez-y voir.
Pour moi, la sorcellerie est un fléau, un frein au développement d'un pays car elle enlise l'esprit des gens au lieu de le libérer. Les églises du réveil, du fait qu'elles exploitent cette corde sensible pour attirer des adeptes, participent au blocage mental de la population. Ho detto!

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