Mon dernier passage à Kinshasa m'a amené à toucher du doigt certaines réalités du pays à travers ce miroir.
Cette ville surprend le voyageur dès l'aéroport où un nombre incroyable de porteurs vous empêchent de retrouver vos bagages. "Mon cher, na kati ya avion tozalaki biso moko; awa yo okomi mokonzi na baporteurs mibale. Ndenge nini?"
Une autre surprise attend le visiteur au Boulevard Lumumba, Boulevard du 30 juin, méconnaissables. Tous les arbres qui les longeaient ont été rasés. Le boulevard du 30 juin donne l'aspect d'une immense route sans balises d'où les repères traditionnels sont effacés. La nuit, on a l'impression d'aller vers un immense vide à l'horizon. Les opinions à ce sujet sont partagés: certains admirent, d'autres y voient une manoeuvre politique en vue des prochaines élections. Peu pensent au désastre écologique.
Deux choses surprennent à première vue: la surpopulation et la saleté. Les routes sont complètement délabrées. Celles qu'on répare, ne le sont pas parce que Monsieur 40% en empêche la réalisation. Comment peut-on construire un immeuble, une route ou un pont avec 60% des frais? La corruption bat son plein, à tous les niveaux, dit-on.
Le pays vit dans l'expectative d'un lendemain meilleur qui se fait trop longtemps attendre.
Au milieu de ces saletés et d'immondices éternelles surgissent par-ci par-là des immeubles privées dont le luxe surprend. Les véhicules de tout calibre - Hummer, Jeep, Ferrari ou Lamborghini, Mercedes - roulent et se cassent sur ces chaussées impropres à la circulation. La pluie est une catastrophe qui inonde, casse, et tue sur son passage. Le transport public, une autre catastrophe. Les flaques d'eau occasionnent de fréquentes électrocutations, les conduites d'électricité étant découvertes. L'eau et l'électricité sont des denrées rationnées. Tout le monde parle de délestage, un vocable qui n'existe plus en d'autres lieux.
Personnellement, je ne vois pas dans ces conditions comment cette ville s'en sortira. Les politiciens! Le peu d'espoir que je gardais s'envole chaque fois que je retourne à mon cher pays. Tout le monde, même le plus incompétent, veut devenir politicien plus pour se remplir les poches que pour développer le pays. "Kinshasa Ville Propre", slogan de propagande, ne s'est jamais traduit en réalité. Kinshasa me paraît toujours plus sale à chaque fois que je m'y rends. Mais le peuple, le petit peuple, n'a jamais perdu son ESPOIR de vivre dans un Congo de paix et justice. C'est cela qui désarme tout esprit sceptique. quoiqu'il en soit, l'histoire parlera. Un jour!