J'ai rencontré pour la première fois le frère Simon alors que je me trouvais encore au petit séminaire de Kalonda. Il était procureur diocésain de Kenge. L'éloge que j'écris ici ne veut pas dire que que nous étions spécialement attachés, mais que nous entretenions des rapports humains dont je garde un bon souvenir. Je l'avais mieux approché après ma régence à Kalonda en 1978-79, peu avant mon départ pour Rome.
Homme viscéralement pragmatique que les ouvriers nommaient gentiment "Mbongompasi", Frère Simon aimait ironiser sur l'illusion de la philosophie. Dans ses rapports avec l'intransigeant évêque de Kenge dont je fus le secrétaire, j'ai pu admirer son habilité à gérer des situations difficiles. Les demandes de l'évêque étant des ordres irrévocables, cet homme de Dieu savait toujours s'en sortir comme par un coup de miracle.
Je me permets de relater un événement insolite qui nous est arrivé ensemble. Le 29 juin 1992, alors que la CNS était d'actualité et que le pays vivait l'effervescence d'un changement politique tant rêvé, le frère Simon et moi-même voyagions pour Kenge à bord d'une jeep Land Rover conduite par le chauffeur Musitu, dit Zorro. On était partis assez tard de Kinshasa. Sur le plateau qui surplombe le Pont Kwango vers Kenge, à un endroit désert où la route était très abîmée, surgissent de la brousse cinq ou six hommes en uniformes militaires qui se mettent à tirer à balles réelles sur l'asphalte. Le chauffeur nous demande alors de nous mettre à plat, pendant qu'il fonce droit sur les assaillants qui, surpris par l'agressivité du véhicule, esquivent l'attaque mais tirent, cette fois, sur le véhicule. C'est à Kenge que, une heure et demi plus tard, nous remarquerons un impact de balle sur la portière arrière de droite. Frère Simon et moi-même aurions dû perdre la vie si ces criminels nous avaient maîtrisés.
Bref, Frère Simon, te voilà cette fois parti... de suite d'une crise cardiaque. Repose en paix. Ton zèle missionnaire t'a fait mourir sur la terre même de ton apostolat. Le Seigneur t'en revaudra. Comme je me trouvais à Kinshasa, j'ai tenu à participer à la messe et à la veillée de prières organisées le 18 décembre à l'église St Félix. Ce qui m'a permis de revoir quelques vieux routiers les pères Hugo Tewes et Alphonse Müller, des jeunes comme Serge Tshunda et Mabwisi, un ancien élève à moi. Et de reconnaître les visages d'hommes politiques qui, toujours en quête d'échiquier électoral, ne ratent jamais ces genres d'occasions.
En compagnie de Séraphin Kiosi et d'Oscar Lemfu, j'ai apercu l'évêque de Kenge au presbytère, sans le saluer ni lui parler. Par contre, j'étais scandaleusement surpris par l'absence flagrante des prêtres de Kenge à cette émouvante cérémonie. Le lendemain, l'abbé Noël Matonga m'a dit que c'était par manque de moyen de transport. Soit. Le Frère Simon, "baobab" de l'édification du diocèse de Kenge, méritait, au terme de ses 51 ans de Congo, une meilleure reconnaissance de la part du clergé de Kenge.
Paix à ton âme, cher frère!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire