"Souhaiter le départ de Kadhafi", voilà une phrase prononcée par plusieurs dirigeants occidentaux. Personne ne se demande la légitimité pragmatique d'une telle phrase. Prononcer cette phrase ne suscite aucune question de la part des locuteurs ni de leurs interlocuteurs. Essayez de mettre à la place de "Kadhafi" le nom de "Cameron, Sarkozy ou Obama", et vous verrez tous les boucliers levés contre vous. On vous prendrait assurément pour un toque-toque, un dément, un aliéné mental, simplement parce que les dirigeants occidentaux s'arrogent le droit de commander le monde, de modeler le langage, voire de guider les consciences. Nul ne vous prendra au sérieux, même pas votre proche le plus intime qui pourrait, dans sa colère logique, vous lapider. Pourquoi? C'est simplement inconcevable, démentiel et insensé. Le langage ne vous reconnait pas ce pouvoir ni la faculté de débiter certaines vérités, encore moins de prononcer certaines "phrases réservées". Mettez à la place le nom de n'importe quel dictateur du Tiers-Monde, la même phrase redevient censée et correcte; on vous acclamera jusqu'aux nues, et même on vous ouvrira grandes les portes de Downing Street, des Champs Elysées ou de la Maison Blanche. En plus de la médiatisation, on vous armera sans attendre que vous appreniez à manier la machette. Triste sort du monde!
22 mars 2011
Politique quand l'odeur du pétrole commande
Pourquoi deux poids deux mesures? En Côte d'Ivoire le sang coule, personne n'intervient. On reconnait Ouattara du bout des lèvres mais rien ne se fait pour l'assoeir sur le trône présidentiel. La France, soucieuse de refaire une diplomatie chancelante, s'empresse de reconnaître la rebellion de Benghazi comme seul partenaire et déclenche les attaques aériennes. On apprend dans les coulisses que le maître de Tripoli aurait financé la campagne du président français. Les Anglais veulent simplement l'éliminer physiquement. Les Américains ont une position en balance. Kadhafi peut être fou ou le diable en personne, mais vaut-il qu'on fasse tant de carnages? On n'a pas assez tiré les leçons de l'expérience d'Irak ou d'Afghanistan. Vous dites: Irak, Libye? N'est-ce pas en réalité le pétrole qui commande? Cette odeur-là transcende tout raisonnement logique; l'irrationnel vient à la rescousse. La manne pétrolière libyenne attirerait-elle la voracité occidentale plus que l'aide humanitaire? Tout en faisant bonne cause, on n'oublie jamais ses intérêts cachés. L'agenda est là. On saute à corps perdus sur l'occasion au risque d'oublier la mission "humanitaire". L'histoire montre suffisamment que, quand les Subsahariens s'entretuent au Rwanda, au Congo, en Sierra-Leone, à Darfour... et en Côte d'Ivoire, c'est uniquement l'affaire des Africains. Ils n'ont qu'à s'entretuer sauvagement. Une chose est sûre: c'est quelques immigrés en moins dans les métropoles coloniales. Quelques crieurs sans envergure élèvent la voix pour la forme. Activistes tiers-mondistes braillant des slogans de solidarité sans effet réel sur la conduite du monde! J'entendais l'autre jour Bernarnd Henri-Lévy exiger d'Obama de se proclamer "Libyen" comme le fit Kennedy autrefois à Berlin. Beau parleur... oiseux! Tout compte fait, seul l'or noir compte et intéresse les Occidentaux.
8 mars 2011
L'inamovible Kadhafi
Après la Tunisie et l'Egypte, c'est au tour de colonel Kadhafi d'affronter la contestation en Libye. Seulement Kadhafi est égal à lui-même. S'il était président, il aurait démissionné tout de suite; il n'est pas président mais guide éclairé de son peuple. Il ne peut donc pas démissionner. Quel raisonnement? Croyez-le ou pas, il y tient. Il ne quittera pas la Libye et se battra jusqu'à la dernière goutte de son sang. Il joue donc sa carte et son destin. En d'autres mots, sa place est en Libye; et tant qu'il sera en vie, il demeurera le leader inconstesté de son peuple.
Les Occidentaux et les Russes parlent déjà de l'ère post-Kadhafi. C'est oublier de quels bois se chauffe le natif de Syrte.
Lorsque j'étais jeune, insouciant mais soucieux de l'Afrique, j'admirais le leader libyen. Il me fascinait parce que j'estimais qu'il était, en Afrique, le seul président vraiment indépendant. Il tenait tête aux Amerloques, menaçait d'envoyer des terroristes inquiéter R. Reagan. Depuis que j'ai pris de l'âge, je ne fais plus confiance à cet exécrable dictateur. D'ailleurs, depuis le temps de Mobutu, je ne me laisse jamais impressionner par les politiciens. Un dictateur ne voit que son pouvoir et lui-même. Comment peut-on régner pendant quarante-deux ans sur un pays démocratique alors qu'on n'a aucune dignité princière ou royale? Et même encore, il croit encore à survie, à son éternité politique. Eh bien, cher Kadhafi, l'ouragan de l'histoire souffle. Quoi que tu fasses, tu finiras bien un jour. Il est donc temps de passer la main.
7 mars 2011
Abbé Faustin Mapwar (1945-2011)
C'est avec une profonde consternation que je viens d'apprendre, par un e-mail de l'abbé Michel Ngob, la mort par accident, hier à Kinshasa, de Mgr Faustin Mapwar, prêtre du diocèse d'Idiofa. Paix à son âme!
Voilà un aîné que j'ai appris à apprécier à cause de sa simplicité, de sa passion pour son ministère et son domaine de recherche. C'est plutôt à Rome que je l'ai connu d'assez près alors qu'il préparait sa thèse en histoire de l'église à la Gregorienne; son intérêt pour la patristique était envoûtant.
En juin 1980, orateur courageux, l'abbé Faustin a prononcé en notre nom, devant le président Mobutu Sese Seko un discours sans complaisance sur la situation du pays. C'était à la résidence de l'ambassadeur près le Saint Siège, feu Tshimbalanga. Ce jour-là, je parlai avec le "Léopard du Zaïre".
Mbuta Mapwar a eu la gentillesse d'associer des séminaristes à son apostolat à San Gervasio à Noël 1981. Les amis Ambroise Musala et Delphin M'Kwampangi d'heureuse mémoire, Mwamba Tshibanda, Willy Kindanda et moi-même, nous avons accompagné Don Fausto pour une messe au rite "zaïrois" dans ce coin de la Lombardie. Je suis encore en contact avec les Mantelli chez qui j'avais logé. Ce fut d'ailleurs le seul contact que j'eus avec des paysans italiens. Avec Jean-Roger Lumu on avait l'habitude de le croiser à la banque du Vatican (l'Istituto per le opere di religione) où il nous échangeait des Deutsche Mark. Lorsque nous quittions Rome en 82, il était devenu responsable de l'association des écclésiastiques de Rome.
A son retour au pays, il a été affecté comme professeur au théologat St. Cyprien de Kikwit nouvellement fondé. Je le revois avec l'abbé Michel Ngob me taquinant: "Monsignorino". Soucieux du bien-être de la population de son coin, l'abbé Faustin a initié un projet de développement à Banga (?) où il a fait venir ses amis de San Gervasio.
Il est retourné à l'Augustinianum pour une spécialisation en patristique, consolidant ainsi sa connaissance des pères de l'église. Professeur aux facultés catholiques de Kinshasa, il a dirigé le centre Stephane Kaoze en plus de ses charges pastorales au diocèse.
J'ai eu la chance de le revoir au Centre Lindongé au colloque du CRECEM en décembre 2010, dont il a été le rapporteur général. Et nous avons eu un échange avant et après la session de clôture. Il m'a dit: "Je suis épuisé. Tout ce que je souhaite, c'est de me retirer dans mon fief, me reposer et m'adonner à quelques travaux qui me tiennent à coeur." Décidément, les plans de Dieu ne sont pas les nôtres. Le mardi 14 décembre 2010, nous nous sommes revus à la procure de Kenge où l'abbé Fidèle Pindi me disait: "Tala abbé Mapwar. Je ne sais pas si tu le connais". "Bien sûr, et comment?" lui ai-je rétorqué vivement. Sic transit vita.
En m'associant au deuil et à la prière de la communauté diocésaine d'Idiofa, je garde un affectueux souvenir de ce serviteur de Dieu. Mbuta na mono, kwenda mbote. Nzambi me binga nge bubu yai na kifulu na yandi. Mono ta yindulaka nge na bisambu na mono. Nzambi kuyamba nge na kimfumu na yandi.
"Tal'e tala, e kidilu kieto e Tata Nzambi, tal'e kidilu kieto".
1 mars 2011
De retour
Après avoir observé un temps mort, en signe d'hommage à Faustin, je suis de nouveau là. Que son âme repose en paix. Nous voilà repartis pour d'autres nouvelles.
Hier, j'ai été parler de l'Afrique aux élèves de Lester Vaughan secondary school. C'était le Day of African Awareness. On y est allé avec mon collègue kenyan, Dr Ochieng'-Odhiambo, prof de philosophie à Cave Hill. Le nombre de mes auditeurs s'élevait à peu près à deux cents élèves - garçons et filles - âgés de 11 à 14 ans. Le dialogue était assez difficile à cause du bruit. J'ai réussi tant bien que mal à leur inculquer quelques idées sur l'Afrique et le Congo. L'exercice en lui-même relevait d'une gageure d'avance perdue.
Viva l'Africa!
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