22 mars 2011

Le pouvoir du langage

"Souhaiter le départ de Kadhafi", voilà une phrase prononcée par plusieurs dirigeants occidentaux. Personne ne se demande la légitimité pragmatique d'une telle phrase. Prononcer cette phrase ne suscite aucune question de la part des locuteurs ni de leurs interlocuteurs. Essayez de mettre à la place de "Kadhafi" le nom de "Cameron, Sarkozy ou Obama", et vous verrez tous les boucliers levés contre vous. On vous prendrait assurément pour un toque-toque, un dément, un aliéné mental, simplement parce que les dirigeants occidentaux s'arrogent le droit de commander le monde, de modeler le langage, voire de guider les consciences. Nul ne vous prendra au sérieux, même pas votre proche le plus intime qui pourrait, dans sa colère logique, vous lapider. Pourquoi? C'est simplement inconcevable, démentiel et insensé. Le langage ne vous reconnait pas ce pouvoir ni la faculté de débiter certaines vérités, encore moins de prononcer certaines "phrases réservées". Mettez à la place le nom de n'importe quel dictateur du Tiers-Monde, la même phrase redevient censée et correcte; on vous acclamera jusqu'aux nues, et même on vous ouvrira grandes les portes de Downing Street, des Champs Elysées ou de la Maison Blanche. En plus de la médiatisation, on vous armera sans attendre que vous appreniez à manier la machette. Triste sort du monde!

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