Je l'ai commencé à Kenge où je suis arrivé la veille. J'avais un sentiment très partagé entre inquiétude et joie de retrouver ma ville. Les élections venaient d'avoir lieu la veille, et les premiers résultats déjà connus et célébrés par les élus malgré quelques doutes sur la proclamation finale. J'étais surtout très fatigué du voyage après une nuit dans les divans de Roissy Charles De Gaulle. Le froid ne m'a pas causé du mal car je me suis bien caparaçonné, avec écharpe, bonnet et gants. Un accoutrement qui ne me sied plus depuis que j'ai quitté les montagnes suisses et les lacs de Berlin. Je suis rentré dans le bain du froid comme un habitué alors que je m'en suis éloigné depuis deux longues décennies. Le changement avec la chaleur de Kinshasa a été presque dramatique. Je n'ai presque pas dormi, vu que je devais continuer le lendemain.
Je suis resté au quartier III de Masina, mêlé à la population, plutôt que de prendre une chambre d'hôtel. D'autre part, traverser toute la ville en pleine nuit pour rejoindre Binza Pigeon semblait une gageure trop risqué en cette nuit d'élections où la tension se palpait du doigt. Mais une certaine insouciance chez certaines personnes. Tout pouvait arriver ou s'enflammer d'un coup. Bandits, faux soldats-policiers et autres Koulouna n'attendaient qu'une telle occasion pour exercer leurs activités criminelles et destructrices. La prudence m'a conseillé de rester du côté de l'aéroport et de me rendre à Transco tôt. Le même taximan de la veille m'y a conduit, sous l'oeil attentif de Jude. En dépit d'une panne qui nous a coûté une heure de retard, le voyage s'est bien déroulé.
L'idée d'organiser à Kenge une petite fête avec les miens planait encore dans ma tête, mais la maladie de mon dernier oncle maternel, Ngwasi Muhemba, m'a retenu de le faire. Je me suis donc contenté des retrouvailles avec les plus proches. Il y a des personnes proches que pour une raison ou une autre je n'ai pas pu rencontrer. Le temps était trop serré pour que je m'acquitte de toutes les politesses d'usage. Par contre j'ai visité mes tantes, mes cousins, et Kha Hélène. J'aime beaucoup Kha Hélène; la voir me rappelle ma turbulente enfance à Kenge des années mi-fin 60. La femme de Kisalu-Bakaba est la dernière grand-tante encore en vie. J'aime aller la voir et m'asseoir sur la même natte qu'elle, discuter, surtout apprendre beaucoup de choses. Elle sait tout, connait tout le monde dans la famille. Et malgré le poids de l'âge; elle a gardé ses deux pieds sur le sol. Elle est revenue avec l'espoir de mourir là où a été enterré son mari il y a 50 ans. Quelle leçon de fidélité! Kha Hélène tient le coup. Je l'appellerai demain.
J'ai fait soigner l'oncle Muhemba. J'ai participé à la messe commémorative de ma Véronique Paix à son âme! J'ai enseigné mes deux cours du semestre: un Séminaire L2 et Questions spéciales de littérature congolaise francophone dans des conditions assez surprenantes. Mais j'ai tenu à faire travailler les étudiants, en les forçant à lire des livres ou extraits de livres. Car très peu lisent, c'est peut-être le point fait de l'enseignement à travers le monde actuel. Les jeunes ne lisent plus les livres traditionnels. Je viens de corriger les travaux que j'ai amenés avec moi. J'attends leurs essais.
L'autre évènement majeur, c'était la publication des élections. Tshisekedi proclamé à la stupéfaction générale président contre Martin Fayulu que les gens ont pourtant massivement voté. Certaines couches de la population ont boudé, d'autres ont célébré. La Ceni a tranché. Dans mon cercle, aucun de mes cousins - Muzingu, Mutoni, Lunda - ni ami d'école, n'a réussi son pari. Gabrielle Ilenda, candidate pour la députation nationale de Kenge, est sortie deuxième. Un étudiant Costa Muteba a lui gagné. Ainsi va la vie. C'est dans cette ambiance que j'ai quitté Kenge pour Kinshasa où je n'ai eu qu'un jour de repos. Le soir du 16 janvier, en compagnie du Prof Akenda, je suis allé chez les Lubamba, très surpris de notre visite. C'était très bien. Pensée spéciale pour Papa Frédéric d'heureuse mémoire.
L'après-midi du 17 nous sommes passés chez Papa Bunda à Bibwa avant de descendre à l'aéroport. Le retour m'a vu prendre le détour de Ste Lucie soit-disant pour économiser sur le billet. Erreur à ne plus refaire. C'est en des moments pareils que je me rends compte que nous Congolais ou Africains sommes des marginaux sur cette terre. J'aurais dû me renseigner avant de me précipiter sur ce billet si alléchant. Un problème assis là-bas que je suis allé chercher. Malgré la grippe qui m'a terrassé toute la semaine, j'ai enseigné tous mes cours, débutant ainsi normalement mon semestre. Prise de contact avec les étudiants, présentant de la méthode d'évaluation de 100% Coursework. Un véritable casse-tête pour certains des collègues, mais une bonne expérience qui valorise le travail hebdomadaire des étudiants. On en est là. Un mois de janvier certes comme un autre, mais assez inhabituel, plein d'événements insolites et surprenants.
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