Comment vivre? Telle est la question fondamentale de la poésie de Tchicaya U Tam'si. Voilà que par un tour de l'histoire cette question rejoint l'actualité congolaise. Le carnage de Goma qui totalise plus de 3000 morts est le spectre qui traumatise le pays. L'ampleur du drame n'est pas encore mesurée. Des activistes de la société civile comme des défenseurs des droits de l'homme sont tués sans ménagement. La loi du kalachnikov règne désormais à l'Est. Naanga et sa clique savourent leur victoire sur les cadavres de milliers de Congolais. Dans la foulée, comme pour concrétiser leur main-mise sur Goma et le Nord-Kivu, ils viennent d'y nommer un gouverneur et des vices-gouverneurs. Au nom de la Constitution congolaise, comble de malheur! Ils promettent de poursuivre keur conquête. On se croirait dans un film de Far East. La situation sécuritaire est incertaine dans tout le pays, et volatile dans certaines partis. Tout peut encore arriver. La tension est perceptible à l'intérieur comme dans la capitale du pays. Les réseaux sociaux et médias annoncent une insécurité et un tournant décisif de l'histoire. La psychose collective atteint le paroxysme au point de créer des histoires dignes d'une tragédie commanditée ou programmée. Le pays, aux dires de mauvaises langues, serait au bord du gouffre, et la catastrophe serait imminente. Des alertes de tout bord annoncent massacres de masse, déplacements, attaques criminelles et menaces de tout genre. Alors que le gouvernement congolais tente d'apaiser et de rassurer la population, les représentants étrangers, Américains et Occidentaux en tête, demandent à leurs compatriotes dont la présence n'est pas nécessaire de quitter au plus tôt la RDC. Balkanisation ou déstabilisation totales, c'est pareil. Des informations hasardeuses et intimidantes sèment la panique, la terreur et la désolation parmi la population. Intoxication totale! Qu'avons-nous fait au Bon Dieu pour mériter ce sort et ces malheurs? Où aller pour nous réfugier? A qui faire confiance? Dans ces conditions, comment vivre? Comment vivre? Oui, c'est la question: comment vivre?
5 févr. 2025
4 févr. 2025
Cours QSLA EF
Ce 4 février, j'ai eu 18 étudiants sur la trentaine attendue ou inscrite à ce cours de QSLA EF. Il y a une liste des présences qui reprend tous les noms. Que ferai-je pour les absents? A l'institut d'en décider. Grande était ma surprise d'apprendre que l'affiche à la valve officielle de l'ISP indiquait la fin du cours pour le jeudi 6 février. Décision de la section. Je vais m'y conformer. J'ai dû revoir à la baisse la matière, en imposant la lecture d'un article sur la Négritude publié dans les actes du colloque qui a célébré le cinquantenaire du 1er Festival Mondial des Arts nègre tenu à Dakar en novembre 2016. Quitte à en faire un compte-rendu le lendemain. Nous analyserons "Prière aux Masques" de LS Senghor pour renforcer l'analyse textuelle.
3 févr. 2025
Cours QSLA EF
Kenge, 3 janvier 2025. Mon troisième cours s'intitule: "Questions spéciales de littérature négro-africaine d'expression francaise". Cette année, il est exceptionnellement offert aux L3LMD. J'ai déjà mentionné l'autorisation du SGA. Aux séances de la première journée, il n'y a eu que 13 étudiants sur la trentaine attendue. J'assume que l'annonce de ce cours a été diffusée tardivement. Ou encore que des étudiants ne se sont pas présentés pour n'avoir pas payé les frais académiques. Je verrai comment cela se passera aujourd'hui.
Une enquête sommaire révèle qu'aucun étudiant présent n'a jamais lu un livre littéraire, sauf quelques extraits de Zamenga. La veille comme par coïncidence, l'honorable Kazundu avait justement mentionné cette lacune et le nom de Zabat. J'y ai réfléchi. Comment les amener ou les forcer à lire? Une habitude pareille ne se change pas du jour au lendemain. L'expérience du cours précédent m'a fait comprendre que ces étudiants n'y accordent aucune importance. Ils ont présenté des exposés sur Cahier d'un retour au pays natal de Césaire, Haikus dilatés de Mamingi et Mémoires de porc-épic de Mabanckou sans jamais citer une seule phrase de ces auteurs. Aucun extrait. Aucune citation. Aussi surprenant et pénible que cela puisse paraître, nos étudiants ne lisent pas. Et quand ils lisent, ils le font avec maladresse et sans méthode de lecture. Je vais les forcer à lire. Pas de bibliothèque! Pas de livres. Comme quoi tout manque à Kenge. Tel est le triste sort que subissent les étudiants de l'ISP Kenge.
2 févr. 2025
Kenge, ce 2.02.2025
2 février 2025. Depuis longtemps, l'idée m'est venue d'aller participer à une messe à la sous-paroisse Ste Marie Madeleine au camp Mukisi ou en face de la ville. La raison était de changer simplement. La messe prévue à 8h30 a commencé à 9h pour se terminer à 13h30. On célébrait la présentation de Jésus au temple, ou la fête des consacrés. L'abbé Jean-Hervé Minimio que je voyais pour la première fois s'est montré à la hauteur de sa mission, convaincant dans son homélie d'une heure, et inspirant une énergie dynamique très positive. La célébration était totale: la liturgie de la parole a pris deux heures; les offrandes plus de trente minutes, et la suite. J'ai compris qu'il fallait prévoir trois offrandes: une pour la paroisse, une pour la construction et une comme action de grâce. Une belle messe solennelle. On se serait cru à une messe d'ordination, de première communion ou de confirmation, tellement c'était long. Chapeau à la chorale des mamans et aux braves chrétiens de cette sous-paroisse.
Participer à cette messe m'a rappelé les débuts de Sts Pierre et Paul, devenu Mwense Anwarite par la suite. Nous sommes en octobre 84. La paroisse a été érigée le 29 juin précédent par décret épiscopal. Le curé Nicolas Berends et moi célébrons la toute première messe devant une bonne centaine de personnes. La partie avant du refectoire de l'évêché nous sert de sacristie, tandis que l'autel est placé sous la veranda attenante au même refectoire. Nous recourons au tabernacle de la chapelle de l'évêché pour conserver les saintes espèces. Nos paroissiens, très motivés, et nos jeunes apportent une contribution considérable. Nous sommes de vrais pionniers qui bénéficient du luxe du nouvel évêché pendant que les célébrations se passent en plein air. Les choses ont évolué relativement vite. Nous avons ensuite réussi dans la deuxième année à bâtir une sorte d'abri d'autel, près des eucalyptus dans l'espace situé en face de la salle paroissiale actuelle. Ces souvenirs-là me sont revenus spontanément à l'esprit. Nicolas a continué inlassablement à assurer la charge paroissiale. J'y suis revenu célébrer et concélébrer entre mai et octobre 92, retrouvant intacte l'ambiance insufflée quelque huit années auparavant. Dix-sept ans plus tard fut inaugurée sans pompe l'église-cathédrale Mwense Anuarite, une fresque architecturale grandiose et majestueuse mais qui selon les rumeurs fut boudée comme "un cadeau empoisonné" par le locataire suivant de l'ordinariat, qui n'en prit aucun soin. Respect au bâtisseur. Que les pères SVD Gerd Lesch et Alfons Müller que je salue en passant me lisent bien. Cette cathédrale fait aujourd'hui la fierté de Kenge dans le paysage catholique du Congo.
Dans l'après-midi, je me suis retrouvé avec les abbés Séraphin Kiosi et Tryphon Ilenda chez l'Honorable Placide Kazundu. Nous avions rendez-vous à Manzau avec le père Sébastin Kiwhongi SVD, mais pour une raison de communication, la rencontre n'a pas eu lieu. Le père assistait à la fête des consacrés chez ses confrères à la paroisse Saint-Esprit. A cette occasion, les élèves du petit séminaire de Katende sont allés animer la messe dans cette église qui porte beaucoup de souvenirs de mon enfance. Dans la foulée, nous avons pu joindre au téléphone l'abbé Jean-Chrysostome Akenda qui se trouve actuellement à Kin. Comme le temps s'étirait à longueur, et que le père Séba était inaccessible, nous avons avec regret renoncé à monter à Manzau. Séra devrait rentrer dans son fief, Tryphon préparer son voyage et moi mon troisième cours à l'ISP. Un dimanche avec quelques histoires!
C'est parti pour ma troisième et dernière semaine à Kenge. Des ordinations diaconales de deux pères SVD sont annoncées pour dimanche prochain à la cathédrale Anwarite. Encore quelques chats à fouetter, puis ce sera tout.
La chute de Goma
C'est avec un coeur meurtri que j'ai appris la chute de Goma, chef-lieu du Nord Kivu. Consternation, humiliation, calamité. Aucun mot ne convient pour exprimer cette catastrophe nationale. Les Congolais sont blessés dans leur amour-propre. Nos soldats et nos compatriotes sont tombés soit au front soit dans leur effort de fuir soit bombardés dans leurs maisons. Paix à leurs âmes! C'est le moment de panser nos plaies et d'enterrer nos morts massacrés dans ce carnage. Ce n'est plus le moment de se poser des questions, mais d'agir. Le Congo est un et indivisible. Des doutes s'élèvent quant à notre capacité de reconquérir les territoires perdus depuis Bunagana, du moment que nous n'avons pas su les dèfendre. Nos autorités élues doivent nous rendre des comptes sur leur gestion calamiteuse de cette guerre. A examiner les choses de près, cette guerre n'a pas été préparée en depit de nombreux signaux d'alarme qui nous alertaient. Nos soldats mal payés, mal nourris, mal équipés ont été irresponsablement sacrifiés sur l'autel de la perditon. Même des observateurs non politiques ni militaires ont remarqué des failles au niveau des informations, des renseignements, des préparatifs de la guerre et de la politique menée dans ce domaine. Le résultat se passe de commentaires. D'énormes erreurs tactiques et stratégiques ont été commises qui frisent le non-professionnalisme. Malheureusement dans des cas pareils, les autorités n'ont jamais tort. Elles savent justifier l'injustifiable quoique la réalité sur le terrain ne leur donne pas raison. L'heure est à l'action, à la résistance, à la résilience. Je suis nationaliste dans l'âme. Pro patria mori.
Une leçon de patriotisme doit absolument en être tirée si nous tenons à notre patrie et à notre nation. A moins que nous acceptions la balkanisation prônée par les forces négatives. De quoi donner raison à ceux qui soutiennent que l'ennemi du Congolais c'est le Congolais lui-même. La chute marque une nouvelle page sanglante et incertaine dans l'histoire de notre pays. Plus rien ne sera comme avant, qu'on se le dise.
1 févr. 2025
Impressions de Kenge
Je suis arrivé à Kenge le lundi 20 janvier 2025 autour de 16 heures. Un voyage avec quelques petites histoires locales. Rien de sérieux. J'avais une inquiétude à cause d'une erreur de prévision. En effet, j'avais pensé faire le plein au niveau de Nsele. Erreur. Aucune station d'essence n'avait du carburant ce jour-là. Le doute s'est aggravé dès que nous sommes arrivés à Bukanga Lonzo. J'ai dû prendre le risque d'ajouter 5 litres pour être sur d'atteindre Kenge où j'ai fait le plein. La leçon est apprise. Au Pont-Kwango, je me suis arrêté à la cure pour voir l'abbé Liévin M'Banga malade et grippé. Il était 17h30 lorsque j'ai placé mes pénates à "Je me repose", retrouvant les maîtres des lieux qui m'attendaient.
Dès le lendemain, j'ai commencé mon cours de Questions spéciales de littérature congolaise d'expression française aux étudiants de L2 FLA. Un auditoire de 60 étudiants parmi lesquels 4 dames. Une proportion frappante comparée à l'université des West Indies où les femmes représentent plus de 70% de la population estudiantine. La semaine suivante, j'ai animé un Séminaire de lecture. J'ai forcé les étudiants à lire en groupes de 7 ou 8 des livres et articles, en leur imposant un temps de lecture à l'issue duquel ils devraient présenter un exposé. Depuis hier ont eu lieu 4 présentations de groupe. Aujourd'hui, nous finissons avec les 3 dernières. Je dois avouer qu'au vu de la qualité des travaux, les étudiants s'en sont pas mal sortis. J'avais des doutes, mais j'ai été positivement surpris.
La semaine prochaine, du 3 au 8 février, je traiterai les Questions spéciales de littérature africaines d'exprssion française pour les L3LMD. Une version allégée de ce que je fais d'habitude. J'adapterai le cours au niveau des étudiants, car ce niveau correspond à l'ancienne troisième de graduat. J'ai dû solliciter une autorisation spéciale auprès du Secrétaire général académique pour enseigner ce cours. Quitte à voir commencer organiser la suite. L'application du système LMD pose encore quelques problèmes de réadjustement.
Comme pour dire que tout se passe bien en général. La SNEL fournit la lumière de 18 à 23 heures, ce qui est exceptionnel à Kenge. Le reste se résout aisément. J'ai revu la famille... elle va bien.