9 févr. 2025

La vie à Kenge

10 février 2025. Je viens de passer trois semaines dans cette ville rurale de Kenge. Rurale parce que la plupart des citadains vivent d'agriculture. Rurale aussi parce que la mentalité y est encore paysanne. Je pèse mes mots. Les gens croient encore aux sorciers comme si de rien n'était, comme si la rationnalité n'avait jamais franchi le seuil de l'école. Une pluie diluvienne s'est abattue sur la ville, il y a quelques jours. J'ai entendu les mêmes explications que celles que j'entendais du temps de mon enfance ici il y a cinquante ans. Des érosions se forment parce que l'eau de pluie n'est pas canalisée, non pas à cause des puissances maléfiques qui exigeraient des sacrifices humains. A chaque pluie correspond une nouvelle érosion. Mon ancienne école primaire, Mateka Mbuta, menacée à l'époque l'est restée jusqu'à ce jour. Une délégation de la Banque Mondiale a refusé de la réhabiliter à cause de ces érosions qui provoqueraient des dépenses supplémentaires. Depuis quatre jours, la SNEL ne fournit plus de courant électrique par manque de carburant. Le stock mensuel de carburant est épuisé, et n'est pas encore approvisionné. Quel manque de prévision ou d'incompétence dans le chef des gestionnaires de cette unité d'intérêt commun. Les conditions de vie déclinent au lieu de s'améliorer à Kenge. Les problèmes basiques d'eau et d'électricité ne sont jamais résolus après soixante-cinq ans d'indépendance. Au niveau agricole, certaines denrées ont disparu des champs et viennent de Kinshasa. Aussi surprenant que cela puisse être des safous, des noix de cola voire des oranges qu'on trouve au marché viennent de Kinshasa. Les terres sont devenus arides et infructueuses, à force d'être surexploitées. Le lycée Ntinu Ngemba manque des latrines, certaines classes de l'institut Nto Kiese n'ont pas de portes. Enseigner à l'université du Kwango ou à l'ISP Kenge relève d'un parcours de combattant, faute d'infrastructures adéquates. Les étudiants font pied de Peyeke Meyeke à Mangangu, incapables de s'assurer une moto ou autre moyen de transport. La route nationale n° 1 est pratiquement coupée depuis un mois par un marécage et de l'eau stagnante sans qu'aucune solution ne soit trouvée. Impossible de passer en voiture. Même le détour par la prison n'est pas adéquat à cause du sable et de son étroitesse. Nos familles vivent dans une précarité insupportable. A chaque pluie, c'est des murs à réparer, des toitures à retôler, des mafoungou à redresser, etc. La nourriture coûte les yeux de la tête. La misère se lit sur le visage de la plupart de nos frères, soeurs, parents. Mais en dépit de cet environnement peu propice au développement et à l'épanouissement personnels, l'espoir et la joie de vivre sont là.

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