19 déc. 2018

Migritude ou littérature migrante

Juste pour commenter l'article précédent tiré du site de RFI d'hier, j'ajoute que le thème de la migration a toujours été d'actualité en littérature africaine toute expression confondue. Anglophones, hispanophones, lusophones et francophones n'ont jamais cessé, à de degrés divers et dans des tons variés, de rendre compte du déplacement forcé ou libre des hommes depuis l'esclavage, depuis les guerres tribales d'occupation, depuis le temps colonial jusqu'à ce jour où l'immigration constitue un problème de la communauté internationale. 
Ainsi ces dernières années, francophonie, littérature migrante, poétiques hybrides ou diasporiques comme préfèrent l'exprimer nos collègues canadiens, sont devenus mes domaines d'intérêt. Notons en passant que le Canada est paradigmatique du phénomène migratoire. C'est sans surprise que mes enseignements et ma production fictive baignent actuellement dans ce complexe et protéiforme registre. L'ici et l'ailleurs forment une mine d'inspiration et de création de littérature pour tout exilé. Il est aussi évident que ma pièce La sorcière aux tendres bombes (ILV, 2013) qui traite du retour de Johnny Playboy à son Pokedjan natal traduit essentiellement ce désir d'interstice entre les mondes divers, rencontre entre cultures, langues et expériences individuelles et communautaires aux origines différentes ainsi que les mutations profondes qui naissent de ce melting pot. Ainsi, des thèmes comme les conflits raciaux, le féminisme, le mariage de même sexe, l'homosexualité, jadis exclus de a sphère traditionnelle s'invitent désormais au débat dans un contexte impromptu et inattendu, global ou socio-politique. 
Mouvements et déplacements des hommes reflètent l'histoire de l'humanité et ont forcément des conséquences sur l'évolution du monde, sur l'éducation ou l'insertion sociale de nouveaux venus ou arrivés. L'entrée massive d'une ethnie minoritaire dans un pays voisin cause, à s'y méprendre, de graves problèmes inattendus auxquels le pays d'accueil n'a pas été préparé, ouvrant ainsi la voie à des conflits sociaux, à des xénophobies voire des mouvements de lynchage collectif. Je n'ai pas le temps ni l'intention d'abonder dans cette direction. J'estime avoir assez exposé pour donner matière à réflexion à mes lectrices et lecteurs. Je vais conclure en soutenant sur un ton d'enseignant de littérature, qu'à la suite des migrations, la notion même de littérature change.
La sorcière aux tendres bombes dont je suis l'auteur, fait-elle partie de la littérature congolaise? Elle ne parle nulle part de mon pays d'origine. Elle appartient à la catégorie littérature migrante ou d'exil, à la migritude sans aucun doute; mais ne saurait s'intégrer dans ces seules délimitations. Afrique et Europe s'y donnent rendez-vous, suscitant des implications sociopolitiques qui traduisent le malaise social, psychologique et mental de ce début de siècle. Littérature nationale ou globale? Littérature universelle ou World Literature? Tout cela y est, mais le texte africain avec sa couleur locale reste ouvert aux mouvances de l'esprit créatif, poétique et intellectuel.

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