Voilà vingt ans que le mur est tombé. J'ai vécu à Berlin de 1999 à 2001. Depuis, j'y suis repassé en 02, 03, 05, 06, et 09 pour des séjours relativement courts. J'ai vu la ville se moderniser, changer de statut et de visage au cours de ces années. J'ai assisté au démenagement du gouvernement de Bonn à Berlin, à l'achèvement du Bundestag, à l'inauguration de la Chancellerie. J'ai vu les travaux de construction du Lehrter Stadtbahnhof, devenu aujourd'hui la gare ferrovière centrale de Berlin, un centre commercial ultra-moderne et une immense bâtisse à six niveaux sous terre où les trains et métros se croisent comme dans un conte de fées. La roue de l'heure tourne au rythme d'une ponctualité mécanique typiquement germanique: un tableau affiche avec précision dans combien de minutes votre bus ou votre train arrive. L'ordre, le respect de la loi, c'est l'obsession dans cette mégapole au destin unique. Cette rigueur, aussi efficace soit-elle, est aussi le tendon d'Achile de ce glorieux peuple. J'ai vu tout cela.
J'ai aussi vu le plus important, l'homme: le Berlinois. Je ne répéterai pas comme Kennedy: Ich bin ein Berliner. Dans mon vocabulaire, le Berliner c'est d'abord le Kindl. Revenons à l'homme. Le Berlinois est différent, selon qu'il est de l'Est ou de l'Ouest. La division, invisible à l'extérieur, est restée dans le coeur, bien qu'il y ait aujourd'hui une chancellière originaire de l'Est. Il y a certes une réunification politique, mais l'homme vit, de l'intérieur, les conséquences sociales, morales et psychologiques de cet événement historique.
Dernièrement, j'ai vécu de mai à juillet 09 à Friedrichshain, dans l'est. J'ai été impressionné par le nombre incroyable des jeunes consommant l'alcool, et fort probablement des drogues légères et dures (?), comme je n'en avais jamais été le témoin auparavant. Récession économique, me disait-on du bout des lèvres. Tous les weekends, la station de métro Warschauer Strasse était à toute heure le théâtre d'une affluence innombrable de jeunes venus de tous les coins d'Europe, toutes couleurs de peau et langues comprises. Tout s'y donnait rendez-vous dans ce sanctuaire de la vie nocturne. Une bombe à retardement car, au vu de ce spectacle, il ne serait pas erroné de dire que la société allemande est au bord de l'implosion sociale.
La pauvreté des personnes âgées frappe également l'Allemagne comme jamais auparavant. A l'aéroport de Schönefeld, j'ai vu deux messieurs fouiller les poubelles et y récupérer des bouteilles vides et de la nourriture. En plus, le nombre des mendiants qui sillonnent les S-Bahn, quemandant verbalement de l'argent ou vendant des journaux pour SDF, est impressionnant. Conséquences du chômage dicté par les suppressions massives d'emploi dans les entreprises et certains secteurs de l'état. Le désespoir peut se lire sur certains visages.
Ce que j'ai vu, me laisse jusqu'à ce jour perplexe quant à l'avenir de la jeunesse de ce pays. On me dira qu'au Congo, c'est encore pire. Je ne suis pas un donneur de leçons, même si toute ma vie, j'ai eu à enseigner... à former. Le système capitaliste a touché le fond de la décrépitude. Aux génies, et il y en a par centaines, de relever le défi. Quoi que l'on dise, Berlin, haut lieu du colonialisme où le gâteau africain fut partagé entre les prédateurs européens, ville verte et écologique aux lacs et parcs magnifiques, a encore de beaux jours devant elle. L'histoire en témoigne.
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