Les Africains comprennent-ils vraiment le discours des Occidentaux? Je crains que ma réponse soit négative comme pour le cas de l'indépendance. Nos penseurs et nos gouvernants se modèlent sur le discours occidental. Moi-même, le premier, j'enseigne la littérature francophone et diffuse à profusion la civilisation française. Là n'est pas le vrai problème, du moment que j'aurais pu enseigner le chinois, le japonais ou le haoussa et les cultures correspondantes si j'en avais eu la compétence. Le problème, c'est l'attitude, la manière.
Je suis étonné par le vide qui nous caractérise, nous Africains. Nous répétons, comme des enregistreurs les schèmes occidentaux, sans les soumettre à une critique élémentaire et sélective. Nous défendons la culture occidentale de loin mieux que nos propres valeurs de culture et de civilisation. Nos langues se meurent, pendant que les Occidentaux nous imposent les leurs. Nos politiques défendent des intérêts étrangers plutôt que le bien-être de nos populations. Très aveuglément, nous obéissons aux "mythes" de l'Occident, lequel a réussi par la manipulation et la ruse à nous faire miroiter ses valeurs comme les seules références valables. Au regard de la roue actuelle de l'histoire, les Chinois et les Japonais s'en tirent mieux. Pourquoi? Simplement parce qu'ils ne s'aliènent pas aussi aisément que les Africains face aux pressions des idéologies occidentales.
Les dictateurs africains ont été et sont soutenus, au mépris de tout respect pour leurs compatriotes, par les puissances qui se sont octroyé le droit de régir le monde. Un président africain élu démocratiquement par son propre peuple attend d'être validé - même manu militari - par l'Occident avant de servir les siens. On l'a dernièrement vu en Côte d'Ivoire. Ces jours-ci, la France et l'Angleterre discutent si Kadhafi doit rester en Libye s'il abdique. Après, non sans noter le vice de forme, ces puissances occidentales déclarent communément qu'il revient aux Libyens d'en décider. La raison du plus fort mène décidément tout, surtout lorsque le pétrole est en jeu. Curieusement, les Africains s'accommodent, impuissants, de ce système. Il n'est jamais arrivé à un dominé de penser que les meneurs de la guerre d'Irak auraîent dû comparaître devant la justice pour avoir causé la mort des milliers d'innocents. A ce niveau, la justice n'existe que pour le pauvre, le faible, le sous-développé.
La force de l'Occident, c'est qu'il peut du jour au lendemain détruire un pays africain, déboulonner le pouvoir et placer une autre marionnette à la tête pourvu qu'elle serve ses intérêts. La décision d'éliminer Lumumba ou Sankara était prise en Occident. Trouver les traîtres avides de pouvoir et d'argent prêts à opérer le meurtre était un jeu d'enfants. L'impérialisme est une forme d'esclavage plus atroce que le colonialisme, car il vide ses sujets de leur capacité de réfléchir et d'agir librement. C'est à ce point qu'on en est encore en Afrique. Servir servilement et aveuglément les intérêts de l'Occident, tel est le lot de l'Afrique. Comment se débarrasser de cette tutelle? Aux intellectuels et aux sages de s'y atteler!
Il ne s'agit nullement de détruire l'Occident, loin de là, mais de mieux servir l'Afrique. Des milliers d'Africains perdent la vie dans des océans et mers afin de jouir des libertés et avantages de travail de l'Occident. Pourquoi l'Afrique ne leur fournirait-elle pas la possibilité de rester chez eux, de vivre dignement du fruit de leur travail et de profiter des ressources naturelles de leur terre? La Civilisation de l'universel, dont rêvait Senghor, n'est pas un mythe, mais peut se concrétiser si l'on s'y met. Et notre pierre à cet édifice ne s'implantera qu'à la suite d'une prise de conscience libre et responsable. Nous ne pouvons croiser les bras et attendre que le pain nous tombe du Ciel, que dis-je, de l'Occident paternaliste. Au lieu de recourir à l'exil, à la corruption et au vol, mettons-nous au travail, exploitons nos valeurs culturelles et nos ressources naturelles et oeuvrons à devenir des partenaires avec l'Occident plutôt que des mendiants. Le discours de l'Occident ne sert que ses interêts, pas ceux des Africains. Aux Africains désormais de se prendre en charge.
Décidément, mon ami politologue va me pourfendre en lisant ces lignes.
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