7 août 2008. Il y a cinq ans exactement. Je me suis réveillé relativement tôt, décalage horaire oblige, pour joindre mes compagnons qui avaient reçu le sacrement de l'ordre 25 ans plus tôt. Ainsi ai-je tenté d'appeler ceux dont j'avais les numéros de portable et d'écrire des courriels à ceux dont j'avais les adresses emails. Naturellement, j'ai appelé Benjamin qui m'avait lui-même donné son numéro deux années plus tôt. Pas de connexion: "L'appareil que vous appelez est soit éteint soit hors de périmètre. Veuillez rappeler ultérieurement". Une deuxième tentative, puis une troisième n'ont rien donné. Je n'avais pas renoncé, car j'y tenais. M'arrive, comme un éclat de bombe, un texto: "Ya C, abbé Fala me fwa bubu na Bukanga Lonzo." En effet, Benjamin était à Lonzo pour célébrer son jubilé sacerdotal le jour même où la mort l'a frappé. Paix à son âme! Hagard, pantois, perdu, j'ai appelé Clavère pour partager cette douleur. Prière, silence, pleur, larme pour mon cher frère et ami!
Aujourd'hui, voilà cinq ans depuis que Benjamin a quitté ce monde. L'occasion propice pour lui rendre un hommage amical et fraternel car tous mes compagnons d'étude, de sacerdoce et de vie tiennent une place spéciale dans mon cœur. Par exemple, mon livre Du mythe à la littérature (L'Harmattan 2013) est dédié à mon père et à mes quatre amis de Rome.
Benjamin Fala, quoique de deux années mon aîné, me suivait d'une année au petit séminaire de Kalonda qu'il a rejoint en septembre 1970. Il est venu de Lonzo avec Alphonse Mukokila et Malundu auxquels d'ailleurs il était lié. A la zaïrianisation, il a pris le postnom de Mamona que d'aucuns s'amusaient à déformer en Mamoma-mbwa (mafwila ku mbundu: ce que le chien voit meurt dans son cœur). Un de ses traits de caractère était justement une extrême discrétion. Homme de principes, de dévotion et de persévérance, Benjamin a été pour ceux qui l'ont connu un conseiller et un instructeur remarquable. Taciturne, timide, mieux réservé, il avait une capacité d'encaisser les taquineries de ses condisciples et de poursuivre son but sans se laisser influencer par qui que ce soit. Il avait ses convictions, et y tenait ferme. Respect!
Lorsqu'il arrive en octobre 1976 au grand séminaire de Mayidi pour la philosophie, Bifele, Buffalo Bill ou Ya Ngandu s'illustre très vite au football en tant qu'entraîneur. Il seconde d'abord Taureau Mumanga avant de prendre la direction de l'équipe du séminaire. C'est l'époque où nous avons infligé 5-1 à l'ISP de Mbanza-Ngungu ou 3-1 à V.Club de Nkandu. Je n'oublierai jamais une scène de ce temps. Nous sommes en décembre 1977. Un samedi après-midi. Après une longue sieste, l'idée me prend d'aller à sa chambre pour parler de la préparation tactique d'un match contre V. Club ou une école professionnelle de Kisantu, ma mémoire n'est pas claire. "Tu ne sais pas? Munguruba est mort, noyé à l'étang. Le match est donc annulé". Paix à son âme! Munguruba était un séminariste d'Idiofa nouvellement venu à Mayidi, mais que j'avais eu le privilège de rencontrer trois mois auparavant à Bulungu alors que je séjournais dans la famille Kiosi. La motopompe étant tombée en panne, on allait se baigner à l'étang à cette période.
Un moment intense de nos relations personnelles a été le temps de nos études théologiques à Rome. Nous avons voyagé le même jour de septembre 79 pour Rome et en sommes aussi rentrés le même jour d'août 82. Dans le milieu bourgeois romain, il était l'économe du groupe de Kenge avant que je ne lui succède, imposant une règle très démocratique. L'argent commun était engagé contre facture ou reçu dès que le quorum de trois était atteint. On était à cinq: Faustin, Flavien, Jean-Pierre, Benjamin et moi. Une fois, alors qu'il était à l'Institut Goethe pendant l'été de 81, je lui ai envoyé une carte postale représentant une vieille femme édentée. Comme le courrier se distribuait en classe, tous ses collègues de cours et leur instructeur d'allemand ont éclaté d'un rire unique et sans pareil. "Ce ne pouvait être que toi pour jouer un tel tour", m'a-t-il dit. Il m'a montré cette carte à Kin vers 85 ou 86.
Ordonnés diacres le même jour (15 août 82) et prêtres (7 août 83), nous avons tous les deux été des collaborateurs très proches de l'évêque, Mgr M'Sanda d'heureuse mémoire. A Katende comme formateur et directeur d'internat, l'apport de Benjamin a été instrumental dans la vie du petit séminaire de Katende en 82-83. Homme pratique, il a mis sur pied plusieurs projets pour l'autofinancement de l'institution: étangs de poisson, élevages, jardins, champs de manioc, d'ananas ou de maïs. L'année suivante, il a été muté pour la procure de Kenge à Kinshasa en remplacement de l'abbé Tryphon Ilenda. Là, il s'est montré très efficace, malgré les circonstances difficiles du travail. Plus d'une fois, il a remplacé le Frère Simon Van Steen svd comme économe diocésain. Ce métier, on le sait ingrat. C'est lui qui a effectué pour moi les démarches du voyage de Fribourg.
De la procure, il est allé comme directeur au petit séminaire de Katende, puis vicaire épiscopal avec titre de Monseigneur sans prélature, puis curé à Kimafu. Il a réalisé plusieurs projets de vulgarisation de cultures vivrières. Malgré mon éloignement volontaire, il m'a vu presque chaque fois qu'il est retourné en Europe. On s'est rencontrés à Lindau. Vicaire épiscopal, il est venu chez moi à Enney avec les abbés Modeste Kisambu et Rigobert Kabwita. On s'est ensuite retrouvés chez Modeste. Je n'oublie pas des blagues qu'il a lancées sur les abbés Robert Kutukenda, Liévin M'Banga, sur les gens de Kenge comme Maman Lunda d'heureuse mémoire, et d'autres. On a beaucoup ri ce jour-là.
Pour la petite histoire, ce n'est que le 1er juillet 2013, que notre aîné M. Charles Mapunzo, venu à Rome dans les années 70 comme séminariste de Kenge, a appris de ma bouche la mort de Benjamin. Il en est resté estomaqué. Mbuta Charles était particulièrement lié à Jean-Pierre et Benjamin. C'est la vie.
Pour la petite histoire, ce n'est que le 1er juillet 2013, que notre aîné M. Charles Mapunzo, venu à Rome dans les années 70 comme séminariste de Kenge, a appris de ma bouche la mort de Benjamin. Il en est resté estomaqué. Mbuta Charles était particulièrement lié à Jean-Pierre et Benjamin. C'est la vie.
Bref, serviteur fidèle de Dieu, Mgr Benjamin Fala a mené une vie pleinement dédiée au diocèse de Kenge. Son énorme contribution à l'édification de ce diocèse doit être reconnue par les générations actuelles et futures. Que sa flamme ne s'éteigne pas dans nos cœurs tant que nous vivrons et que le Seigneur lui accorde la couronne céleste! Vanda na Ngemba ya Mfumu Nzambi Unkwa Ngolo Yonso!
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