Les Basuku disent: "Biakudia bia kukwenda biawu". Un proverbe que le génial Alain Mesa a précieusement traduit "De manger de mourir avec". Un principe du ventre enraciné dans la culture consommatrice du peuple suku: "Ce qu'on mange, on meurt avec". Les Latins ont eu leur "Carpe diem" auquel les Kalondais ajoutaient "noctemque". A cela, les Basuku ajouteraient: "Ya dila mu mafu!/?" ("Mangerai-je sous la terre!/?) Exclamation ou interrogation? Au locuteur ou à la locutrice de décider.
Je me souviens d'une dernière conversation avec ma mère où elle m'a sorti très discrètement mais clairement: "A tata, ya dila mu mafu?". Elle me reprochait une négligence dont j'étais coupable dans la prise en charge de son pécule alimentaire. Quelque trois semaines plus tard, alors que rien n'était fait, elle partait "ad matrem", féminisme oblige.
"Profitez de la vie". Une culture de l'excès! Empiffrez-vous, saoulez-vous, fumez, consommez à outrance, dansez, bouffez avec goinfrerie et boulimie, jouissez pleinement de la vie. Et vive le diabète, le cancer, l'hépatite, la sirose, le sida, les mst, l'obésité, et toutes les maladies liées à ces consommations maladroites. Je ne suis pas médecin, je parle des choses que je ne sais pas.
De l'autre côté une culture de la sobriété et de la mesure. On dit de certains peuples qu'ils sont chiches, préférant garder l'argent en banque et vivre de miettes dans une frugalité ahurissante. Modération, pondération, calcul, rigueur, autant d'options pour une vie totalement maîtrisée et menée selon les strictes règles de la santé. Excès d'ascèse! Tout est question d'éducation et d'éthique; et tout a un prix.
A toutes ces philosophies, il y en a qui, comme mon ami le Muteke du Camp Banku, ont des réponses imparables. "Beto kunwa, beto kufwa. Beto kunwa ve, beto kufwa. Ibuna, beto kunwa!" (Nous buvons, nous mourrons. Nous ne buvons pas, nous mourrons. Alors buvons!). Et ils ne vous permettent pas de conclure: "Alors, ne buvons pas". Voilà une culture hédoniste qui dissimule mal la fameuse devise du Congo que j'ai rapportée il y a quelques semaines: "Leliya, lenua, lebina, leyiba". Encore un mot, "leyiba": volez. Nzela mokuse (le raccourci), voler sans compter pour s'enrichir et jouir pleinement des plaisirs de la vie: "ambiance", femmes, voitures, maisons, voyages en première classe en Europe, séjours dans des hôtels de luxe, plaisirs culinaires, alcools, cigares Havana, etc.
A la différence que les Basuku, peuple très moral, ne vous diront jamais de "voler", quoiqu'ils assistent impuissants à la prédation des richesses du pays. "De manger de mourir avec", vous dira Alain Mesa, grand philosophe suku.
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