21 mars. Le racisme finira-t-il un jour? Dans le temps, je définissais le racisme comme la radicalisation de la différence de la peau, l'exagération des stéréotypes liés à la pigmentation cutanée. Il s'est avéré au fil des années que cette acception était naïve et superficielle. Le racisme est plus profond que juste la différence de la couleur d'épidermes. C'est une idéologie, un mode de vie, une attitude qui implique des complexes d'infériorité et de supériorité. C'est fondé sur le principe de l'inégalité des hommes soit par leur naissance biologique soit par leur appartenance sociale. Comme quoi la couleur de la peau est déterminante dans les rapports entre les hommes. Il y a trop d'idées reçues qu'il faudrait revoir ou revisiter.
Le nègre n'est pas noir. Le nègre est d'abord une idée inculquée à une certaine catégorie d'hommes qui ont accepté d'agir comme tels, de fonctionner selon l'image leur imposée par les maîtres. Le nègre est un complexe habilement inoculé par le pouvoir dominant aux esclaves, aux ouvriers, aux exploités et autres opprimés en insistant sur la couleur de la peau. Le nègre se croit homme jusqu'au jour où il se voit écarté de la catégorie des êtres humains, maltraité pour n'avoir pas obtempéré aux injonctions de ses supérieurs naturels. Il lui a été imposé de se penser idiot, paresseux, sous-homme, instinctif, incapable de raison, pauvre, inapte à la gestion de son pays comme cela s'entend de plus en plus de nos jours. Bref, tout ce qui est négatif est impliqué ou inclus dans la notion du nègre. Depuis des décennies, on a pris l'habitude de remplacer le mot nègre péjoratif par le mot noir, plus apte à faire passer la différence. En réalité, rien a changé sauf la tonalité ou le ton.
Hier, l'Université des West Indies a organisé un forum très révélateur. Les orateurs et oratrices ont presque tous revendiqué l'éducation ou mieux l'accès à l'éducation comme la clé de la solution au problème du racisme. Autrement dit, l'éducation pour tous comme propulseur du développement mental et de la prospérité économique. Mais ils ont presque tous oublié de mentionner: quel type éducation? Une éducation qui réponde aux problèmes réels des hommes dans leur milieu, non pas celle te type colonial des ancêtres gaulois. Ils ont mentionné l'étude des langues française, espagnole et portugaise comme essentielle pour la connaissance de la région et la prise de conscience des races qui constituent la Caraïbe. Une oratrice, adepte de la "réparation" ou de la "justice réparatrice", a évoqué une meilleure reconnaissance des origines africaines et amérindiennes comme fondamentale pour l'éradication du racisme. La différence existe non au niveau naturel, mais au niveau culturel et idéologique. Damas, métis à la Caraïbe, s'est retrouvé noir en France. Voilà qui explique tout. La vie pacifique entre races différentes n'est possible que si tous les membres de la communauté arrivent à un degré élevé de tolérance et de compréhension mutuelles. Le chemin est encore long, mais il faut l'amorcer avec courage et lucidité.
Pour quelqu'un comme moi qui ai passé la majeure partie de ma vie en Occident, en dehors de mon pays de naissance, le problème du racisme est vécu de façon dramatique. Déjà au pays, les missionnaires et les autres expatriés me paraissaient supérieurs, riches, bien dans leur peau, alors que pesait sur nous le sort de la pauvreté et de la misère. Mes séjours en Italie, en Suisse et en Allemagne, m'ont montré la place qu'occupe dans le monde ma race, la race à laquelle je m'identifie et dont je suis forcé d'accepter le destin. J'ai beaucoup observé. J'en suis devenu conscient. J'ai compris que le racisme est une culture de la différence, qui s'acquiert déjà enfant au fil des années. Le racisme n'est pas inné, il est instillé dans le cœur des enfants et des adultes. La vie fait le reste. On l'a encore vu en Ukraine où des Noirs ont été abandonnés au quai des trains à leur triste sort alors que les Ukrainiens et autres Blancs prenaient le train pour fuir l'invasion russe. En Afrique, les Blancs ont partout priorité dans leurs avions et bateaux lorsqu'il s'agit de fuir une insurrection ou une rébellion. Ils ont l'argent, ils ont les moyens, ils ont le pouvoir, et peuvent tout se permettre dans n'importe quel coin du monde. Un pays africain qui oserait bloquer des Européens serait envahi, détruit sans autre forme de procès. Que font les Français en Afrique avec leurs bases d'opération? Je n'irai pas jusqu'à parler de racisme, c'est tout comme. Tous les stéréotypes possibles peuvent être évoqués pour expliquer ce néocolonialisme qui ne dit pas son nom.
Beaucoup de choses peuvent encore se dire à ce sujet. J'ai seulement voulu partager cette réflexion spontanée pour conscientiser mes lectrices et lecteurs au sujet de ce phénomène qu'est le racisme. La différence raciale a été élevée au rang de critère décisif d'humanité. Autant de complexes ambigus à éradiquer pour reconnaître l'essence humaine dans sa totalité en chaque homme, sans distinction!
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