Lorsque l'on examine d'assez près les changements qui ont lieu en Afrique, on remarque des changements d'attitude vis-à-vis du colonialisme occidental masqué par des despotes à vie. J'évoquerais deux événements récents pour étayer ma pensée.
1. Le discours d'Ibrahima Traore à St Petersbourg, lors du sommet Russie-Afrique qui a réuni plusieurs présidents africains autour de Mr Vladmir Poutine. Le putschiste jeune Burkinabé a tenu un discours franc, clair et sans ambiguité, s'insurgeant contre la pauvreté qui s'abat sur un continent pourtant riche en ressources minières et naturelles, contre des présidents qui sillonnent le monde pour mendier, contre le colonialisme qui aliène l'Africain. "La patrie ou la mort", était le dernier slogan de son discours. Dénonciation de la France-Afrique, remise en question du néo-colonialisme, réclamation d'un changement profond de mentalité. Que l'Afrique demeure le berceau des Africains, qu'ils ne traversent plus la mer pour rejoindre, au risque de leur vie, l'Europe en quête d'un eldorado xénophobe et frustrant. Un changement total de paradigme politique qui a interpelé toute la classe politique africaine en commençant par les présidents présents aux assises. Ce qui a amené le Sénégalais Macky Sall à recadrer le bouillant président du Burkina Faso, arguant qu'il y a des mécanismes en place dans le cadre de la coopération pour lutter contre la pauvreté et accélérer des échanges égaux entre partenaires du nord et du sud. Une conséquence plausible de ce discours, qui rappelle beaucoup Thomas Sankara, est que "Plus rien ne sera comme avant".
2. Le coup d'état au Niger. C'est à ma connaissance le quatrième coup de force militaire dans la région après la Guinée, le Burkina Faso et le Mali. Les Français ont été très rusés dans la gestion des indépendances africaines. Les choses changent. L'Afrique bouge, mais l'Union africaine, les Nations-Unies comme les grands puissances s'insurgent contre ces juntes. A chaque fois, c'est le même scénario. La Cedeao lance un ultimatum d’une semaine. Et menace d’intervenir militairement. Refus d'encourager l'aventure des putschistes et imposition d'un retour du pouvoir aux dirigeants renversés. Embargo, suspension d'aides et financements, suspension de fonds et d'accords bilatéraux, entrent en vigueur pour pousser lesdits putschistes à la démission, sinon à l'exil. Tout cela au nom de la démocratie, c'est-à-dire d'une reconnaissance des pouvoirs légitimement établis par les élections populaires. Ces condamnations neutralisent et isolent les putschistes. La Guinée, le Burkina Faso, le Mali et aujourd'hui Niger, sont sur la liste noire de l'UA. Une autre voix s'élève depuis le Libéria. Le président George Weah s'oppose à ces rétorsions ou isolements diplomatiques, arguant qu'il y a deux poids deux mesures. Distinguant entre le coup d'état militaire et le coup d'état institutionnel, il plaide pour un traitement similaire des deux cas. Le coup d'état militaire comme le coup d'état institutionnel (constitutionnel) sont tous les deux antidémocratiques, et doivent être évalués de la même. Le putschiste en d'autres termes n'est pas moins nuisible à sa nation que le président à vie. La démarche, selon Weah, est identique. Les présidents à vie tripatouillent les constitutions pour prolonger indéfiniment leurs mandats, personne ni de l'UA, ni de l'UE, ni de l'ONU, ne les dérange ni ne prend des sanctions contre eux. Les présidents militaires qui accèdent par putsch sont unanimément condamnés alors que parfois ils mettent fin à des régimes dictatoriaux antidémocratiques.
3. L'heure est donc à la réflexion. La carte politique de l'Afrique va changer dans quelques années. Certains pays comme la RDC, si rien n'est fait, risquent de se voir morcelés en entités imprévisibles. Le Soudan a déjà été divisé en deux. D'autres pays jugés trop grands ou trop riches sont sur la sellette. D‘une part, sous le prétexte d’une meilleure répartition des terres et des richesses en Afrique, les grandes puissances, les multinationales et leurs valets africains oeuvrent pour l'avènement d'une Afrique différente de celle héritée de la Conférence de Berlin. De l'autre, il y a des nationalistes qui résistent à l'impérialisme et au colonialisme de l'Occident et imposent une autre vision de l'histoire. L’Occident est conscient que l’hégémonie coloniale en vigueur bascule vers sa fin. Observez l'activisme de la France face à ces putschs ou au BRICS pour constater comme les Français sont aux abois. La présence militaire française qui faisait les rois comme dernièrement au Tchad est décriée au Mali, en Guinée, au Burkina Faso. En RCA aussi. Partout sans que cela se dise à haute voix. En fait, derrière ce remue-ménage gisent d'immenses intérêts géostratégiques et économiques. Macron ne fait pas autre chose maintenant que Sarkozy en Côte d'Ivoire ou en Libye. Ce n'est pas un hasard que ce soit Mr Macky Sall qui a défendu la France-Afrique et le néocolonialisme face au discours incendiaire de Mr Ibrahima Traoré. Il s'agit d'un système de coopération qui est en train de basculer. Le jour où la Banque de France se déssaisira de la gestion du Franc CFA, ce jour-là l'Afrique Coloniale Française obtiendra son indépendance et sa libérations. Les dynosaures et leurs marionnettes africaines tirent encore les ficelles pour maintenir le statu quo, mais la machine du changement est déjà en marche. "La patrie ou la mort".
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