Les débats sont souvent houleux lorsqu'il s'agit des langues africaines souvent jugées réticentes à la science. On préfère souvent la langue coloniale à la langue des voisins. Pourquoi? Simplement parce que l'Occident a réussi à assujétir mentalement tout le monde. Quel privilège que de maîtriser la langue française ou anglaise pour un Africain sorti des prestigieuses écoles de l'Occident! Ne se vante-t-il pas de mieux parler la langue de Shakespeare comme cela ne s'entend plus? Ne se vante-t-il pas d'être admiré par les tenants de ces langues? En Allemagne, lorsqu'on félicite un étranger pour le bon maniement de l'allemand, c'est qu'il le parle mal. Un trait culturel, mais presque jamais perçu par les naïfs "zétrangers" que nous sommes.
Langues africaines? A défaut de barrer le chemin des postes ministériels, elles vous enterrent dans votre réduit natal. Que faire? Perdre son identité en manipulant la langue coloniale avec une aisance susceptible d'émouvoir les propriétaires légitimes de cette langue.
A un mikiliste qui traitait un homme récemment débarqué d'Afrique, Djanana a une fois dit: "Yo nani? Bernard Tapie?" (Qui es-tu? B Tapie?). Tout est dit.
J'entends encore des Zaïrois se moquer des Rwandais qui confondent la lettre "l" et "r", prétendant que ce dernier parlent mal. Et même encore, un tel débat est le résultat d'une aliénation mentale et d'une prétention oiseuse. N'importe quoi! D'autre part, il suffisait de dire deux phrases en lingala pour s'attribuer un passeport zaïrois. Je parle de mon temps de Fribourg.
D'Aimé Césaire, les créolistes disent la même chose, au point de l'accuser de mieux parler le français que le créole, voire de ne pas savoir le créole. Chamoiseau et Confiant exploitent souvent cette corde pour vilipender leur "père à jamais" aux yeux de leurs lecteurs.
Je me souviens de Tonton, un fou de Kimbau qui, du temps de mon école primaire, maniait un français original: "ça va très bien, monsieur le directeur, mais la djabi mal". (entendez les habits mal). De là à parler petit-nègre.
Pourquoi nous forçons-nous à nous apprivoiser d'une langue que les condescendants propriétaires nous refusent? Quel profit en tirons-nous? Eh oui, "délivre-nous Seigneur de la francophonie", aurait prié Mongo Beti. Nos écrivains francophones le savent mieux que quiconque. Par notre attitude de supplicateurs de la magnanimité française ou anglaise, nous nous rendons coupables d'un manque notoire de personnalité et d'amour-propre identitaires.
N'attendons pas des Français qui détruisent nos langues en nous imposant le français au nom d'une unité nationale de surface qu'il leur viendra un jour à l'esprit l'idée de les réhabiliter. Sauvons nos langues. Le premier lieu où la lutte de leur survie doit avoir lieu, c'est à l'école. Ce n'est pas le souci de nos gouvernants, plus préoccupés de pouvoir et de leur enrichissement personnels que de l'évolution culturelle de nos pays. Avez-vous jamais vu deux Occidentaux s'entretenir en wolof, en umbundu ou en ewondo, en ewe ou en zulu? Défendons nos langues.
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