"Claver,
Tu écris des choses dont tu ignores, décidément, les bien-fondés. Tu n’es
pas juriste, cela s’entend. As-tu jamais lu la constitution du pays. Au lieu de
vanter les mérites des Suisses et des Canadiens que tu tiens pour des modèles,
tu ferais mieux de t’informer d’abord. Les articles de la constitution sont clairs
à propos des langues, tu peux les consulter sur l’internet. L’article 123 de la
constitution de 1998 stipule :
Le français,
l'anglais et les quatre langues nationales constituent
les langues de travail du Parlement. Toutefois, chacune des chambres ou le
Congrès peut admettre également l'usage d'autres langues du patrimoine culturel
national.
Pour ton information, la constitution de 2006 a supprimé l’anglais comme
langue officielle. Voilà qui répond à ta question sur l’usage des langues
nationales dans les événements de la vie politique nationale. Un autre article
stipule la protection de ces langues nationales.
Quant à ton intervention sur la défense de la langue française que tu
perçois sur l’organisation du sommet de la Francophonie en RDC, elle relève d’un
manque de réalisme politique. As-tu une idée de la publicité qui se ferait sur
le pays à travers cet événement ? Mobutu a sollicité plusieurs fois de l’organiser,
il n’a pas réussi à l’obtenir. C’est le mérite de Kabila de l’avoir enfin sur
le sol congolais. Un tel événement ne peut être qu’à l’avantage du pays. C’est
l’aboutissement de beaucoup de tractations et négociations." (Email du 30 mars
2012)
Cher Ami,
Merci pour ta réaction rapide à mon sujet d'aujourd'hui. Laisse-moi te dire quelque chose.
1.
Bien
que je ne l’aie pas mentionné, j’ai une assez bonne connaissance de la
constitution congolaise. Cependant entre la lettre et les actes, il y a souvent
un précipice. Les langues nationales ont été promues à une époque à travers les
médias et la presse. Je me souviens du journal en kikongo Kimpangi
dont l’éditeur n’était autre qu’un aîné à moi, l’Honorable Hubert Masala
sénateur dans la précédente législature. Je me souviens des manuels de
vulgarisation médicale produit à Kangu. A travers le pays, les églises chrétiennes
ont promu les langues liturgiques par d’excellentes traductions et des manuels
de catéchèse, des lectionnaires, missels, etc.
2.
Tout
cela est vrai, mais l’élan n’a pas suivi. Des décisions politiques bien ciblées
doivent être prises. Si François Ier n’avait pas eu une vision pour le français,
le français aurait disparu de la carte. La chose culturelle est souvent objet
de choix et de vision. Lingala Facile,
voilà une émission dont le concept du départ était louable, mais qui par la
suite, s’est fourvoyée dans d’insolvables polémiques.
3.
L’éducation
nationale doit prendre des mesures courageuses à propos de nos langues. Tout en
respectant la liberté, elle doit imposer une ligne d’action susceptible de
préserver notre identité.
4.
Que
la constitution soit amendée et que l’usage des langues nationales soit permis dans
les écoles. Pourquoi doit-on simplement enseigner le français, en français, à
des élèves dont personne n’est sûr qu’ils maîtrisent cette langue celte, latine
et qui n’a aucun rapport avec leur histoire ? Le temps a sonné pour remettre
nos langues au centre du système éducatif. C’est le seul moyen de sauvegarder l’intégrité
de nos langues. Suis une fois Impact et
idéologie, tu me diras quelle langue y est parlée. L’avenir appartient
peut-être au créole bantou-français.
5.
L’organisation
du sommet de la francophonie vise à promouvoir la culture française et le
français, langue-socle de la nation française. Les Congolais gagneront sûrement en visibilité sur le plan politique et international. Les Français y gagnent bien plus
que nous. Il n'y a aucun secret car la francophonie leur assure une hégénmonie gratuite sur 55 pays dans lesquels le français est langue officielle ou d'adoption. Ainsi, dans des conférences internationales, la France parle au nom de ces francophones; c'est une opportunité en or que Mr Sarkozy et ses alliés ne déclineront jamais. En dépit de son ouverture en faveur des cultures francophones - allez-y voir ce que cette expression signifie -, la francophonie sert précisément cet objectif expansionniste. Quel prestige pour les reconnaissants francophones que d'être téléguidés par les maîtres qui leur ont imposé le français comme langue unique de la culture! Cela dépend surtout du côté où l'on se situe.
6. Je n'irai pas jusqu'à dire comme Mongo Beti: "Seigneur délivre-nous de la francophonie". Je suggère que la francophonie soit repensée en vue d'une meilleure distribution de dividendes politiques ou culturelles que Français et Francophones peuvent en tirer. L'apprentissage du français ne doit pas se faire au détriment de nos langues locales, autrement nous ne serons que des Français à peau noire. Usons du français comme un moyen d'expression sans altérer l'essence de nos langues. La catastrophe cauchemardesque serait que nos enfants se servent d'interprêtes pour s'adresser à leurs grands-parents, cousins et autres compatriotes.
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