Les multiplicateurs de billets de banque existent depuis que l'utilisation de la monnaie est entrée en pratique. Ils existaient sans aucun doute sous une autre forme avant l'introduction de l'économie de marché.
Chaque être humain aspire, selon que faire se peut, à s'enrichir. Chacun cherche à amasser le plus d'argent, à avoir plus de ressources financières. Et tous les moyens sont bons pour y arriver. J'ai déjà, à plusieurs reprises, épinglé la ruée vers la politique. La politique fait de vous Crésus en un rien de temps. Au Nigeria, trois mois au poste de ministre suffisent pour devenir millionnaire. Vrai ou faux? Cela se dit. Ailleurs aussi, cela devait être pareil. Mais ceux qui ne peuvent pas faire la politique ont aussi la possibilité de s'enrichir par d'autres moyens. Salaires faranimeux, investissements, héritages font l'affaire certes, mais d'autres pratiques peu recommandables existent aussi.
La sorcellerie, le vol, l'imposture, l'escroquerie, le détournement des fonds publiques, l'extorsion des biens d'autrui, l'attaque à mains armées, le traffic de drogues ou d'êtres humains, etc. autant de moyens illicites pour s'enrichir illégalement et malhonnêtement. Il existe aussi en Afrique des moyens plus subtils pour arriver à la richesse: la magie et la multiplication de billets de banque.
Le "Moyeke", un moyen bien connu, chanté et prôné par une catégorie de la société congolaise. Il suffit de mettre ses mains dans ses poches pour que les billets de banque se génèrent spontanément. C'est une pratique magique très exigeante, très secrète mais efficace. Le bénéficiaire ne peut rien se procurer avec cet argent: il doit assurer sa puissance en le distribuant à son entourage. Pour ses besoins personnels, il se débrouille avec l'argent des autres. Comme prix, les initiateurs de ces honorables sociétés exigent entre autres le sacrifice humain, du sang frais d'un proche. Allez-y voir, vous qui y croyez! Moi pas.
La multiplication de billets de banque est souvent l'oeuvre d'un tiers, un grigriman futé dans l'art de la contrefaçon. Suivez! L'histoire se passe en Ouganda. Des parents se cotisent pour assurer qu'un des leurs se marie en s'aquittant de la dot coutumière. L'argent rassemblé tombe entre les mains de la mère du fiancé. Voilà que des voisins viennent lui révéler l'existence d'une possibilité de faire fructifier l'argent sans courir le moindre risque, quitte à rendre ladite somme au destinataire après avoir tiré les gains de l'opération de multiplication. Obnubilée par l'appat du gain, la bonne dame s'exécute et confie l'entiereté de la dot au multiplicateur de billets. Des semaines s'écoulent sans que ce dernier ne fasse signe de vie. Lorsqu'une fois à bout de patience, elle va aux nouvelles, l'imposteur nie avoir jamais rien reçu d'elle. Analphabétisme et manque de clairvoyance vont souvent de pair. Souvent, il arrive aussi que l'imposteur disparaisse aussitôt qu'il attrape une victime au bout de son hameçon. L'opération Bindo a fait des émules à Kinshasa il y a une vingtaine d'années. Elle s'opère encore, à une échelle moins visible bien entendu, pas forcément loin de nous.
En général, ces magiciens de l'argent vivent dans la précarité la plus basse alors qu'ils réussissent à faire miroiter le ciel et le paradis pécuniaires à leurs "adeptes". Attention aux charlatans et vendeurs de rêves!