11 juin 2012

Le pouvoir rend aveugle? Non, amnésique.

Venu en mission en France, Yvon Bakuka, ministre congolais du troisième régime, retrouve dans un café parisien Richard Mubangu, un ancien compagnon d'études et de luttes, du temps où ensemble ils combattaient la dictature de Mobutu. Quelques années se sont entre-temps écoulées. Piqué par l'arrogance de son nouveau statut social, le ministre feint d'ignorer son ancien complice surpris par la distance qu'impose l'ami devenu désormais illustre. Dans sa magnanimité, Son Excellence se penche du haut de son piédestal vers celui qu'il croit reconnaître vaguement:
- "Eh l'ami, je crois qu'on s'est vu quelque part?"
- "On s'est vu quelque part ou bien qu'on a lutté ensemble contre le régime Mobutu?", corrige Richard.
- "Ah bon? Oui, je pense qu'on se connaît. Euh..."
- Mais Yvon, pour qui te prends-tu? Tu as oublié nos repas au restaurant U, les tracts que nous rédigions ensemble, les marches et missions effectuées en Belgique, en Roumanie et en Suisse contre Mobutu. A une conférence à Oslo, toi et moi avons partagé la même chambre par épargner quelques sous. Aujourd'hui, devenu ministre, tu ignores non seulement ton passé et tes compagnons, tu oses m'humilier.
Le Dircab du ministre voudrait remettre à sa place cet énergumène trop bavard, mais le ministre le retient:
- Restez en dehors de ça, Dircab.
- Mais Excellence, nous avons nos traditions. On ne tient pas un tel langage à une autorité du pays. En Afrique, on respecte l'autorité.
- A condition que l'autorité se montre bienveillante et conciliante, rétorque l'éternel thésard qui se débrouille comme consultant indépendant.
- Mon cher Richard, calme-toi. Pouvons-nous parler à deux, une fois la réception officielle terminée?
- D'accord, Yvon. Je te rappele notre vieil l'adage selon lequel le pouvoir congolais aveugle l'heureux élu mais qu'il le rend également amnésique. A tout à l'heure!

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