13 oct. 2018

La vie comme elle va

"Jeune prêtre, 31 ans seulement. J'ai grandi dans des milieux très ouverts et j'ai beaucoup de relations humaines." C'est ainsi que s'était présenté l'homme qui anima en octobre 75 notre toute première retraite au grand séminaire de Mayidi, l'abbé André Yengo de Boma. Curieusement, il y en avait un parmi les séminaristes entrant cette année-là, qui était son cadet au petit séminaire de Mbata-Khiela. C'était impressionnant pour mes congénères de 18 ans qui entraient dans ce nouveau monde. Je voudrais m'arrêter à deux éléments: le milieu ouvert et les relations humaines.
1. Milieu ouvert. Par milieu ouvert, j'entends un lieu de formation mixte, divers, sans restriction de libertés des apprenants. Ces phrases me sont revenues à l'esprit à la suite d'une situation qui nous préoccupe en famille. Il nous fallait à tout prix faire parvenir de l'argent à un frère refoulé d'Angola. Cherchant une personne sûre comme intermédiaire pour opérer la transaction, le choix est tombé sur un jeune frère. Seulement voilà, ce dernier est un grand séminariste:  "X est le plus credible mais il est enfermé au grand séminaire." (sic). Ce qui rejoint littéralement les paroles de l'abbé Yengo prononcées en 1975. Est-ce à  dire que le grand séminaire est un milieu fermé? Dans un sens oui, à cause de la rigueur disciplinaire qui y est appliquée. Que non, au vu des opportunités qui sont offertes aux étudiants de rencontrer de personnes de tous les horizons, d'accéder à des sphères sociales parfois select. Ouvert et fermé comme une île ouverte aux pulsions maritimes les plus contradictoires, tout dépend donc du point de vue que l'on défend. J'ai pour ma part estimé que mon milieu estudiantin offrait une panoplie d'expériences susceptibles de soutenir sa visibilité comme institution.  S'il est une chose que j'ai retenue de l'abbé Yengo et pour laquelle je lui suis reconnaissant, c'est qu'il m'a donné la conscience de vivre avec le coeur ouvert au monde et aux autres. Les relations humaines ont longtemps gardé une place de choix dans mon univers.  
2. Relations humaines. Sur ce sujet, je me suis donné du mal à élargir mon cercle d'amis. Je voulais à chaque occasion qui m'était offerte obtenir les coordonnées de plusieurs personnes hommes comme femmes, jeunes comme vieux. C'est ainsi que par exemple je devins proche de l'ingénieur agronome Mr Nsimundele, à l'époque puissant directeur du Jardin Botanique de Kisantu. Aimant la nature, je prenais plaisir à visiter  gratis ce jardin de rêve. Un privilège inouï. Je devins ainsi l'ami de Camille Mulumba, à l'époque grand séminariste à St Kagwa, qui devint plus tard secrétaire du Cardinal Malula. On vient de se retrouver récemment grâce à la magie de l'Internet. J'étais très conscient d'élargir mon cercle d'amis, j'avais un carnet d'adresses relativement intéressant. Mon séjour à Rome me mettra sur l'orbite mondial au point que je possède jusqu'à ce jour des contacts dans tous les continents du monde, qui datent de cette époque-là. John Xhosa au Lesotho, Elisabeth Peter ou Brigitte Haegewitch au Danemark, Sœur Keiti en Papousie, Padre Primitivo au Mexique, Fr Conlon en Australie, Pedro en Colombie, Lodovica ou Don Maurizio en Italie, Don Enrique au Salvador, José Porunmedan ou Rayapa en Inde, Kim et Park en Corée, Kiyoshi au Japon, Eileen Scrivener aux US, ou Sr Thérèse Roy d'heureuse mémoire au Canada, sans oublier Ambou Tine à Thiès ou Mgr Christopher Kakooza en Ouganda, etc. autant de vieilles relations humaines tissées, couvées, perdues, évanouies, mais jamais rompues. Mais j'en ai d'autres plus récentes au gré de mes migrations scientifiques et professionnelles. Des relations jadis retenues latentes ou inexistantes sont réapparues et prennent de nouvelles formes aujourd'hui. Je pense notamment à la Fleur de Cactus de V.Y. Mudimbe et à MF qui, ces jours-ci, assurent le relais des années passées vers des horizons inespérés ou inattendus. Je pense à Carmen qui à la RBC m'a identifié comme Riccardo. Au fait pourquoi pas? Cela m'aurait rapproché de mon oncle Richard lui aussi disparu par la rigueur létale du temps.
Au fil des décennies, les relations humaines s'effectuent, s'animent, s'enlisent ou se défont au gré des péripéties du milieu ou de la vie. Elles subissent l'épreuve de la contingence temporelle, vieillissent ou adoptent des configurations complexes ou inédites. Je pense de façon particulière à tous les proches décédés, oubliés ou en situation de maladie. Un simple déménagement; un voyage peut provoquer un cataclysme profond dans les relations. L'amitié comme toute relation humaine demeure, elle défie les épreuves de l'âge et les vicissitudes des années. Rien ne saura jamais séparer deux âmes amies, j'entends, deux âmes vraiment  amies. J'ai dit.

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