Rétrospective sur un mois que je juge éprouvant et défiant. Je suis revenu en août pour occuper un nouveau poste auquel je n'étais ni préparé ni destiné. La surprise du métier a été à la fois excitante et surprenante. Comme je l'ai dit le jour de l'orientation des étudiants: pourquoi moi? Pourquoi moi à ce poste? Un collègue a tenté de me convaincre que j'étais le meilleur et qu'autrement je n'aurais pas été choisi. Ni mon curriculum français ou francophone dans un milieu anglophone, ni ma nationalité africaine dans cette Caraïbe où parfois les origines se confondent sans se discerner clairement, sauf pour les activistes africanistes, ni encore mon parcours assez original ou excentrique, rien, alors rien ne me destinait à cette lourde tâche au sein de l'université des West Indies. Directeur des études postgraduées pour le campus de Cave Hill, j'ai eu à reconnaître les limites de mes capacités intellectuelles et pratiques devant l'aréopage de mes collègues, tous mieux outillés que moi pour ces responsabilités. La première réunion du Conseil des Etudes Postgraduées et Recherche qui a eu lieu à St Augustine a été l'occasion de me mesurer à l'aune des autres. Et là, je crois avoir été le moins bon, jusqu'à ce que mon autre collègue me révèle ses cauchemars depuis que cette responsabilité lui a été confiée. Je me suis alors consolé et me suis dit: il y a du travail, si les autres le font, pourquoi pas moi? Cur non ego? comme nous aimions à le clamer du temps de nos études secondaires.
A ce titre, j'ai eu en septembre et en octobre à participer à d'importantes réunions sur le fonctionnement académique, administratif et financier de l'université. A ce titre, j'ai eu accès à des dossiers sensibles au sein de l'université; et j'ai été associé à la prise de décisions significatives de l'institution universitaire. Je suis donc entré comme une des têtes pensantes au sérail qui tourne autour de Mme le Recteur. Me voilà parachuté au sein du leadership de l'université. Il n'y a aucune raison de me vanter vu que des plus compétents que moi - et il y en a beaucoup - auraient pu assumer ces devoirs mieux que je ne l'ai fait jusqu'à ce jour. A ce titre encore, j'ai vécu un mois d'octobre éprouvant.
Du 29 septembre au 4 octobre, j'ai séjourné à Trinidad pour des réunions universitaires. Ces réunions se tiennent trois fois: en octobre à Trinidad, en février à Mona, Jamaique et en juin à Cave Hill. Tous les problèmes relatifs au fonctionnement de l’Université des West Indies y sont traités. Des décisions y sont prises qui engagent toute la structure universitaire. Des règlements y sont évalués, amendés, modifiés ou rejetés comme caducs. Je me suis rendu compte de l'immensité de ma mission au sein du campus et de l'université en collaboration avec mes collègues. J'ai vécu des moments d'observation, d'apprentissage tout en participant activement aux discussions comme aux événements de coulisses. J'ai pu mettre des visages sur des noms certains connus depuis des années. J'ai pu me faire reconnaître par certains, côtoyés souvent depuis le temps où je représentais notre conseil académique au sein de ces institutions.
Enfin vinrent les promotions ou collations de grades. Comment dire? C'est l'aboutissement de tout le cursus académique au cours duquel corps enseignant et étudiants se donnent rendez-vous pour la reconnaissance du travail accompli. Diplômes, certificats, licences, maîtrises, doctorats sont décernés aux étudiants en signe de l'aboutissement de leur engagement au sein de l'université. Et l'honneur m'échut de lire les noms des étudiantes et étudiants pour les présenter au Chancelier de notre université. Moment d'une gravité inouïe et d'une distinction sociale sans pareil! Une véritable liturgie qui ne laisse aucun espace à l'improvisation ni à l'impréparation.
Comment dire? J'ai vécu ce mois d'octobre comme l'occasion d'une épreuve du feu qui a commencé en août et qui se poursuivra au cours de l'année académique. Me voilà prêt pour affronter novembre 2019. Des réunions et des conseils à plusieurs niveaux m'attendent. L'apprentissage du métier continue.