28 juillet 2022. Depuis plusieurs semaines s’est installé à l’Université du Kwango, UNIK en sigle, un chaos indescriptible. Le personnel a ou aurait signé une pétition réclamant la mise à l’écart de l’abbé Jean-Chrysostome Akenda, recteur de l'UNIK. La principale cause alléguée par les signataires serait la mégestion. Il est reproché à l’actuel locataire du rectorat une gestion calamiteuse de biens et de personnes, des détournements des émoluments académiques, le non-paiement des primes aux agents, le recteur bouffant seul le contenu de la cagnotte. La démission d’un doyen a déclenché la protestation. Des signatures ont été recueillies. Des menaces ont été et sont proférées contre le recteur. Une notification datée du 26 juillet et signée par l'Huissier greffier du Tribunal de Grande Instance Kenge lui a été délivrée. Comme si cela ne suffisait pas, des inconnus ont scellé qvec des cadenas la porte du bureau du recteur Akenda avec l'instruction suivante: "Attention - Plus d’accès dans ce bureau". La police judiciaire mène des enquêtes sur le cas. Il s'agit d'un acte arbitraire qui a surpris la communauté universitaire au matin du 28 juillet. Qu’y a-t-il au juste?
L’Université du Kwango est depuis sa création il y a cinq ans l’enjeu de plusieurs intrigues récurrentes à caractère politique et tribal. Des puissants lobbyistes internes et externes passent leurs journées à chercher des voies et moyens pour prendre la direction de cette institution qui n’est prestigieuse que de nom et qui fonctionne encore provisoirement dans des bâtiments de l'Institut Tshinda Kwango. Le professeur Akenda est suku du Kwilu, donc étranger au Kwango. Cela se dit et s'évoque à chaque crise. Certaines autorités politiques estiment qu'il doit à ce titre être remplacé par un natif du Kwango où deux pôles se disputent passionnément l’hégémonie du leadership. Des noms de successeurs potentiels ont été bruyamment cités avant que l'abbé Akenda ne soit confirmé à ce poste pour un second mandat. Ce qui n'a été du goût ni de ses détracteurs ni de ses rivaux qui siègent au comité de gestion ou ailleurs. Les territoires de Feshi et de Kasongo-Lunda revendiquent leur droit à ce poste. C’est dans ce dispositif violemment passionné que se situe la rhétorique politico-ethnique de ces luttes intestinales. J’ai réussi à parler à Jean-Chrysostome hier vers midi; mais le dialogue n'était pas possible à cause du réseau.
Les versions des pamphlets varient d'un interlocuteur à l'autre. Il faudrait cependant reconnaître qu'il y a une puissante machine qui travaille avec acharnement pour que Mr Akenda soit à tout prix révoqué ou démis de ses fonctions. Comme l’a déclaré le prof Valentin Kasela à sa descente sur les lieux, il faudrait respecter des protocoles appropriés pour canaliser ces genres de revendications pour peu légitimes qu'elles soient. Ce chaos médiatique est donc voulu par une poignée de personnes incapables d’affronter le recteur en face mais assez nuisibles pour ruiner sa réputation. Ce chaos est entretenu par une série d’actions entreprises pour pousser le recteur à la démission. Le message est clair: « Le Kwango ne veut plus de toi voleur, pilleur des ressources du Kwango ». Et les réseaux sociaux assurent par des journalistes partiaux et des reporters sans scrupule une pression permanente, et le démolissent méchamment jusqu’à ce que démission ou éviction s'en suivent. Les commanditaires de ce mouvement contestataire sont connus, mais préfèrent garder l'anonymat. Chaos pour faire pression jusqu’au départ de l'abbé Akenda mal aimé et combattu à mort. Le bol est plein. C'est quitte ou double.
A y réfléchir objectivement, c'est l'essence même d'une université qui est remise en question par ce genre de situations. Je viens de passer 21 ans à l'Université des West Indies qui est parmi les top 1% des meilleures au monde, je sais d'expérience que la réputation d'une université repose essentiellement sur les critères d'excellence et d'intégrité. La qualité de son personnel va de pair avec la qualité de ses (infra-) structures. Sa gestion académique et administrative est strictement contrôlée, scrutée par des auditeurs d'entreprises internes et internationaux. L'UWI a récemment été accréditée pour sept années de plus. Des performances inimaginables pour l'UNIK. Chez nous, le travail académique est étouffé par des contraintes politiques, sociales, financières et tribales qui en enveniment le fonctionnement. N'osons pas parler d'excellence, ni d'intégrité, ni de compétence ni de qualité scientifique. Au final, nous possédons une autre conception de ce qu'est une université et de la façon dont elle doit être gérée. Sinon, nous agirions différemment. Tout tourne autour du pouvoir, de l'argent et d'intérêts égoïstes. Osez ajouter le prédicat "africain, congolais, kwangolais" à un concept ou à une entité, vous serez surpris du changement radical que vont subir ce concept ou cette entité. En fait, à considérer ces dissensions, il n'est plus question d'université ici, mais d'une cruelle arène politico-tribale sans envergure académique. Une sorte de terre-sans-loi.
Mon Petit Makambo aurait dit: "Vieux. Recteur Akenda atikela baninga pe balia. C'est un ligablo où chacun tire ses bénéfices au détriment des autres. Lokola bataba, moto na moto alia na mulayi ya singa na ye! Bonso bankombo, muntu na muntu kudia na nda ya nsinga na yandi." Kwango elengi !