5 nov. 2023

Adieu Henri Lopes

 Avec une grande douleur, je viens d'apprendre hier la mort de l'écrivain congolais Henri Lopes. Écrivain de grand talent, Lopes était surtout un homme très simple. Solennel dans son rôle de diplomate chevronné et surtout fin homme politique. J'ai l'immense plaisir de passer une semaine à ses côtés et son épouse elle aussi d'heureuse mémoire à Pointe-à-Pitre à l'édition 2006 de la foire du livre. C'était une excellente rencontre dont je garde des souvenirs inoubliables.

Pour la petite histoire, sans le savoir ni le vouloir, j'avais eu en 1982, l'occasion de rencontrer son père biologique à Maluku. Il m'était présenté comme étant le père d'un ancien premier-ministre du Congo-Brazzaville appelé Henri Lopes. A l'époque, j'étais secrétaire à l'évêché de Kenge. Je voyageais de Kinshasa vers Kenge dans la jeep du Fr Hans Krögner alors chargé des élevages à Kolokoso. Ce dernier entretenait des relations d'affaires avec le père d'Henri Lopes. Je n'oserai pas affirmer qu'il s'appelait aussi Lopes. Il nous a reçus dans son belle propriété sur les bords du fleuve Congo. L'escale a duré un peu moins d'une heure. Voilà que la vie dans son parcours compliqué a fait que je fasse des études de littérature française et me retrouve enseignant à l'université des West Indies, Barbados. Comme je me suis spécialisé dans la littérature africaine et caribéenne, j'ai eu l'honneur de représenter notre campus à la Foire du livre de Guadeloupe en 2006, où j'ai cotoyé René Depestre et Henri Lopes, Simone et André Schwarz-Bart, ou encore James et Emelie Prophète. Etant logés dans le même hôtel au Gosier, nous avions eu plusieurs occasions de communiquer et de socialiser.

Le nom d'HL est familier dans ce blog. Je l'ai évoqué à plusieurs reprises. Par exemple, en décembre 2014, j'ai écrit un pamphlet lorsqu'il a raté le poste de secrétaire général de l'OIF alors que tous les sondages le donnaient gagnant. Voilà entre autres ce que j'ai publié à son sujet.

"Lopes. Un homme fascinant à plusieurs égards. Simple, élégant, noble, Henri appartient à la catégorie des gens qui ont embrassé la politique par souci de servir leur nation. Il l'a fait et continue à servir son pays. Ministre, premier-ministre, directeur-général adjoint de l'UNESCO, ambassadeur, Henri Lopes demeure un homme exceptionnel et digne de foi. Un des rares politiciens que je respecte, parce qu'il est un littéraire comme moi. Notre rencontre à la Foire du Livre de Pointe-à-Pitre en 2006 m'est restée mémorable car, ne l'ayant jamais approché auparavant qu'à travers ses écrits, j'ai découvert un homme au grand coeur et sympathique. Sa défunte épouse était présente. Paix à son âme! Je me souvierns particulièrement du dîner pris ensemble chez André et Simone Schwartz-Bart. C'est par devoir d'amitié et d'appréciation personnelle que j'ai publié un article "Henri Lopes" dans The Encyclopaedia of Africa and the Americas (Santa Barbara, 2008)"

J'ai déjà parlé du récit anecdotique qu'il m'a racontée à propos du remplacement de la langue française dans les écoles primaires. Il était ministre de l'éducation ou de la culture dans les années 70, lorsque pris par l'engouement qui embrasait les esprits des intellectuels de l'époque, il a décidé de faire campagne pour l'adaptation des langues africaines dans le système éducation congolais. Alors qu'il parcourait des villages pour sensibiliser et faire campagne sur cette idée très révolutionnaires, le jeune ministre fut abordé par un monsieur d'un certain âge. "Tu es ministre parce que tu as appris le français, parce que tu as fait tes études en français. Tu demandes donc à mon fils d'effectuer ses études en langues africaines. Donc mon fils ne sera jamais ministre." Cette remarque sonna le glas de la révolution que le jeune ministre de l'éducation avait entreprise avec enthousiasame et zèle. Modèlée à l'image fascinante du colonisateur, la population congolaise n'était pas prête à accepter cette réforme scolaire. Un problème très sérieux et actuel lorsque l'on considère l'impact négatif de la francophonie sur la survie des langues colonisées. 

Après la foire du livre, j'ai certes eu contact avec lui par des amis communs ou des personnes interposées. Combien de fois j'ai reçu des invitations de me rendre à l'ambassade de la RPC si jamais je me trouvais à Paris? Comme par coïncidence, j'ai une fois voyagé avec sa secrétaire dans un train entre Stuttgart et Ulm. Une dernière par la prof. Lydie Moudileno. Le contact était là, mais nous nous sommes plus rencontrés. Mais je garde des souvenirs de récits entendus de lui et de son épouse. Cette dernière aurait connu Wemba à Brazza aux premières années de sa carrière musicale. J'ai retenu que de l'auteur de Pleurer-rire qu'il est né à Léo, qu'il a grandi à Brazza, et qu'il a fini son école primaire à Bangui avant de revenir à Brazza d'où il obtenu une bourse d'études d'histoire en France. Qu'il parlait le sango, le lingala et le kikongo verso Congo-Brazza. Avec moi, nous parlions surtout français, mais son lingala n'était pas mauvais. C'était des retrouvailles au coeur de notre Congo commun en pleines Antilles. Du moins je garde de lui quelques observations remarquables sur la vie culturelle et politique de l'Afrique, sur la corruption et sur quelques individus comme Tchicaya U Tam'si ou René Depestre avec lesquels il a collaboré à l'UNESCO. Et même le plaisir de discuter avec deux écrivains majeurs de la littérature africaine et caribéenne. Il m'a aussi parlé de Tierno Monenembo comme de Sony Labou Tansi comme des proches. Merci H Lopes de m'avoir montré ta face humaine et ta simplicité admirable. J'ai entendu quelques critiques négatives de la part de quelques collègues lorsqu'il était ambassadeur, mais je crois que nul n'échappe au destin de son métier. Et nul n'est bon avec ou pour tout le monde.

Adieu Henri Lopes. Repose en paix! Que tes oeuvres parlent pour toi maintenant que tu es parti, car un artiste ne meurt. Puis la terre de nos ancêtres t'être douce et suave. L'Afrique gardera de toi une mémoire considérable. 


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