Depuis le 19 novembre 2023 la campagne a été officiellement pour les élections présidentielles et législatives en RDC. Les tenors ont été très actifs. Le président sortant a lancé la sienne au Stade des Martyrs, misant sur son bilan et surtout sur sa détermination d'achever le travail commencé. L'opposition brandit les irrégularités observées dans le ficher électoral ainsi que la gestion des déniers publics alloués à la CENI. Tout en dénonçant la non-indépendance de la commission électorale vis-à-vis du pouvoir en place, elle déplore l'irréalisme des échéances et le manque de transparence et les incohérences dans différents mécanismes électoraux: machines à voter, kits, moyens de distribution, etc. A croire que toutes les conditions ne sont pas réunies pour des élections libres et transparentes. C'est l'heure des attaques directes sur chacun des candidats de la part de leurs adeptes. Il y aurait des candidats de l'étranger. C'est aussi l'heure de diffuser des slogans et de louer sur écrans géants les réalisations du Président candidat à sa ré-élection contesté par ses pairs. "Il a sauvé la RDC" des invasions étrangères, de Kagame et du Rwanda. En fait, tout est mis en place pour la ré-élection du Béton National. Tout semble verrouillé.
A Kenge, pas plus que ce lundi passé, mon cousin le maire de la ville a interdit au candidat président Sesanga d'utiliser la Tribune pour son meeting, mais il a permis le mardi au ministre Kamhere de tenir son discours sur cette esplanade. Deux poids deux mesures. Les marges de manoeuvres sont limitées pour les candidats de l'opposition: on hésite pas à leur compliquer les choses. Sesanga a dû aller au Désert pour ceux qui connaissent Kenge, et Kamhere a eu les honneurs de la Tribune. De telles traitements et scènes se répéteront à travers le pays selon que les gestionnaires du pouvoir seront du pouvoir ou de l'opposition.
L'autre jour, un collègue professeur barbadien retraité rencontré dans un supermarché s'est empressé de me demander pourquoi Mr Denis Mukwege était candidat à la présidence. "Ce monsieur, très respecté et honoré par la communauté internationale en tant que médecin, va salir sa réputation en entrant en politique. Il est déjà au sommet de la réputation avec son Prix Nobel. Que cherche-t-il encore comme président? Bon médecin ne veut pas forcément dire bon président." Je lui ai dit que j'étais mal placé pour répondre à une telle question. Cela m'a rappelé une réflexion d'un passager du Bus Bodi Batu. Il se demandait pourquoi Mr Kalenge se présentait comme candidat à la députation nationale alors qu'il est un excellent gestionnaire de sa compagnie de transport. Pour ce monsieur qui a un certain âge, il est évident que c'est une erreur. Je m'arrête à ce deux cas pour amorcer une courte réflexion et essayer de déchiffrer l'ambiance dans laquelle se développent ces insolites ambitions. Il faudrait forcément être de ce pays pour comprendre ses situations.
La politique offre d'énormes possibilités de pouvoir sur tous les plans. En plus du salaire et de l'enrichissement faramineux, elle permet de soumettre les hommes en les manipulant dans les sens de son tempérament, de se mettre au dessus-de la mêlée, d'exploiter impunément les rouages des interdits et des lois, de s'imposer sur d'immenses quantités d'hommes et de femmes. Ce pouvoir de domination meut l'homme congolais. Professeurs d'université ou du secondaire, magistrats, avocats, médecins, musiciens, comédiens, artistes, écrivains, journalistes, animateurs sociaux, fonctionnaires - la liste est longue - tous se ruent vers cette manne qui tombe du ciel, oubliant leurs talents naturels au profit d'un métier mal réputé mais rémunérant et lucratif en termes d'influence et d'espèces sonnantes. C'est finalement le seul métier qui met à l'abri de la pauvreté. Le seul qui paie. Accumuler des fortunes rien qu'en allant dormir ou ronfler aux assises parlementaires, sans rien apporter de constructif pour le pays. L'engouement pour les 21 000 dollars de salaire mensuel est tel que chacun, même et surtout le plus incompétent, sollicite la députation nationale. La finalité de la vie, on dirait, c'est de faire la politique.
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