Un rêve. Le chauffeur d'un véhicule bloqué dans un parking cherche à sortir d'urgence. Mais le chemin est coïncidé partout. Il faut déboulonner des portes dans la propriété sans déranger la cérémonie qui s'y déroule. Rien n'y fait. Tout se complique. Le véhicule ne sait plus ni avancer ni reculer. Discussions inutiles sans solution. Ce n'était qu'un rêve.
31 décembre 2023, dernier jour de l'année. Chacun l'achève à sa façon, avec ses rêves, ses succès et ses revers de l'année écoulée. Une année mi-figue mi-raisin ou pour africaniser mi mbila esobe mi ngadiadia. Sucré et amer mêlés. Pourquoi dois-je utiliser des expressions imagées fabriquées par les colons? Me voila bloqué à la croisée des chemins, pas dans un cul-de-sac. Expression bien connue des usagers anglophones de la route. Pour moi c'était une année pleine de doutes, de questions. Un quidam a failli être tué dans un village parce qu'il possédait une machine à voter. Soyez sûr, il sortira député national. Bêta match gagner match. Personne ne l'aime, personne ne l'a voté mais il sortira avec une large avance sur tous ses concurrents. C'est cela mon doute.
Dans quelques heures, le président de la RDC sera proclamé. On crie déjà à une victoire haut les mains, Hold-up électoral. Mascarade. Chaos. Fraude massive. Fabrication des chiffres. De l'autre côté, la CENI soutient que ce sont les élections les plus transparentes, les plus crédibles et les plus à pacifiques que la RDC ait jamais organisées. Les opinions divergent selon qu'on est du pouvoir ou de l'opposition, selon que l'on est de telle ou telle ethnie, selon qu'on profite ou non des avantages substanciels du régime qui tourne une nouvelle page aujourd'hui. La Cour Constitutionnelle confirmera les résultats. Point de miracle. Il y a toutefois quelques leçons à retenir.
La fraude électorale. Appelez-le cela comme vous l'entendez. Il n'y a à ma connaissance aucun régime au sud du Sahara qui organise des élections pour céder le pouvoir ni le perdre. On dira que Kabila avait échoué avec son dauphin Shadary. C'est en amont que Kabila a perdu le pouvoir avec la question du troisième mandat. S'il avait réussi ce coup de force, on l'aurait eu jusqu'à ce jour. Rarement un président au pouvoir perd les élections en Afrique. Même le président malade Ali Bongo se serait maintenu au pouvoir n'eût-été le coup d'état qui l'a renversé. Que le président Tshisekedi ait gardé le pouvoir ne devrait surprendre personne. En amont, il avait mis en place son système de réélection en plaçant ses gens à la Cour constitutionnelle, à la Commission électrale indépendante qui n'a rien d'indépendant, aux finances, au Parlement comme au Sénat. L'éviction de la coalition CASH-FCC a été un atout spectaculaire dans sa machine de réélection. On a vu de nombreux leaders y adhérer. Maintenant, il disposera d'une majorité significative au parlement et au sénat, ce qui lui permettra d'entreprendre les réformes qu'il voudrait bien imposer. Il n'y a que les opposants qui n'ont jamais perçu ces tactiques astucieuses mais pourtant visibles à l'oeil nu comme qui dirait. L'opposition s'est naïvement laissée prendre au piège d'un système très bien huilé. A moins d'un miracle, je ne vois pas comment un autre président que Mr Tshisekedi serait proclamé. Vous avez dit élections démocratiques?
Les élections sont des choix importés de l'étranger qui ne conviennent pas forcément à nos mentalités traditionnelles. Comme d'ailleurs la notion de l'état moderne qui s'est greffé sur notre mode de fonctionnement socio-politique. Démocratie, état, et autres concepts comme élection, présidence, résistent à notre entendement. Nous ne les comprenons pas foncièrement. C'est pourquoi nous portons des confusions viscérales dans nos comportements. Les empereurs et rois - Soundjata, Moussa, Chaka, Makoko ou Manikongo - sont différents des présidents actuels quoique ces derniers soient perçus comme des empereurs ou rois, et entretiennent le même genre de pouvoir fort, monolithique. Nous n'avons jamais compris que nous devons nous défaire de notre conception tribale du pouvoir, magique, en politique. L'impact de la tribu est, hélas, encore fort dans nos états africains.
Pourquoi y a-t-il des observateurs internationaux à nos élections alors que les Africains n'envoient jamais d'observateurs en Amérique, en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne ou en Suède? Colonialisme oui, mais aussi et surtout immaturité démocratique. Test démocratique car ces observateurs nous rappellent qu'ils en sont les concepteurs et qu'ils nous jugent à l'aune de leurs critères. Machines à voter dans un village sans électricté, il faut y renoncer selon moi car elles ne réfleront jamais la volonté du peuple. Nous dépendons encore trop des modèles occidentaux que nous ne maîtrisons pas. C'est mon avis. Il faudrait plutôt revisiter la notion du choix des autorités par une autre forme de suffrage inspirée de nos traditions. Et même encore, le consensus sera difficile, mais possible. Je ne suis pas surpris. Serai-je jamais surpris de quelque chose?