Oraison funèbre en mémoire du Professeur Dr Abbé Dominique Kahang
Epigraphe
"La plupart de ceux qui avant moi ont pris ici la parole, ont fait un mérite au législateur d'avoir ajouté aux funérailles prévues par la loi l'oraison funèbre en l'honneur des guerriers morts à la guerre. Pour moi, j'eusse volontiers pensé qu'à des hommes dont la vaillance s'est manifestée par des faits, il suffisait que fussent rendus, par des faits également, des honneurs tels que ceux que la république leur a accordés sous vos yeux ; et que les vertus de tant de guerriers ne dussent pas être exposées, par l'habileté plus ou moins grande d'un orateur à trouver plus ou moins de créance. Il est difficile en effet de parler comme il convient, dans une circonstance où la vérité est si difficile à établir dans les esprits. L'auditeur informé et bienveillant est tenté de croire que l'éloge est insuffisant, étant donné ce qu'il désire et ce qu'il sait ; celui qui n'a pas d'expérience sera tenté de croire, poussé par l'envie, qu'il y a de l'exagération dans ce qui dépasse sa propre nature. Les louanges adressées à d'autres ne sont supportables que dans la mesure où l'on s'estime soi-même susceptible d'accomplir les mêmes actions. Ce qui nous dépasse excite l'envie et en outre la méfiance. Mais puisque nos ancêtres ont jugé excellente cette coutume, je dois, moi aussi, m'y soumettre et tâcher de satisfaire de mon mieux au désir et au sentiment de chacun de vous. (THYCIDIDE à Périclès)
Eminence, chers collègues Professeurs, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, gens d’ici et d’ailleurs (puisque selon un certain mythe africain, en pareilles circonstances, sont aussi présents des gens d’un autre monde),
Je prends la parole au nom de toutes et tous, en ce jour de deuil, pour rendre un hommage mérité à un des nôtres, le Professeur Abbé Dominique Kahang’a Rukonkish Tshaw Tsha Makwegn, qui nous a malheureusement quittés le 15 octobre 2013, suite à ce que l’on appelle pudiquement une longue maladie. Longue maladie, parce que l’Abbé Dominique a souffert pendant longtemps. L’impitoyable faucheuse a donc enfin frappé dans nos murs.
Je disais que l’Abbé Dominique a beaucoup souffert… Mais dans le souci de servir, de communiquer la vie, il a longtemps géré sa souffrance, ses douleurs avec philosophie. Cette attitude, il l’a observé jusqu’à son dernier jour. En effet, à quelques minutes du dernier soupir, il a, avec un ton plein d’amour et de relativisation de sa souffrance, posé la question à l’Abbé Odon qui était à son chevet en ces termes : « comment tu vas ? »… A Odon de répondre : « je vais bien, et toi, comment te sens-tu ? ». L’Abbé dira : « je vais bien, je n’ai pas mal »…
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, gens d’ici et d’ailleurs,
Si la pratique de l’oraison funèbre remonte à l’Antiquité avant de devenir un genre littéraire au XVIè siècle, cette pratique prend aujourd’hui la forme d’un snobisme, d’une civilité dont les préceptes sont énumérés dans les codes de conduite et qui, finalement, ne viennent pas de notre moi profond. L’oraison funèbre est justement devenue cette déploration cérémonieuse visant à créer une profonde émotion collective en faisant l’éloge du défunt. Il ne s’agira pas aujourd’hui pour moi de cette politesse cérémonieuse et raffinée qui rime avec l’hypocrisie et le mensonge. Mon propos de ce jour s’assimile à ce que le Philosophe Bergson appelle la politesse de cœur et de l’esprit, ce sentiment profond qui se vit et ne se dit pas aussi aisément parce qu’il est partage de considération, de fraternité et de sympathie.
Pour le dire autrement, contrairement aux habitudes qui veulent que le discours soit dithyrambique, mon propos sera volontairement sobre, voire, pour certains, indigent. En effet, si de là où il repose, Dominique peut nous voir et nous entendre, il me reprocherait véhémentement de pérorer et de sombrer dans ce qu’il exécrait le plus, à savoir, penché sur sa pierre tumulaire, la découverte des qualités post mortem. Par respect pour sa mémoire, je m’en tiendrai donc à une narration ad litteram.
Pour traduire ce sentiment incommensurable au langage, j’ai choisi de vous re-parler d’abord du Professeur Abbé Dominique Kahang’a Rukonkish et ensuite, de parler à mon patriarche (c’est ainsi que je l’appelais affectueusement). Oui, Dominique Kahang n’était pas seulement un maître, parce qu’il m’a enseigné et formé, comme d’autres amis et collègues Professeurs ici d’ailleurs, mais il était aussi mon chaleureux Patriarche.
Que vous dire de Dominique Kahang'a Rukonkish Tshaw Tsha Makwegn?
En peu de temps, il me sera difficile de donner une image quelque peu complète du Professeur, du collègue, de l'homme, qu’il a été durant une vie si bien remplie.
Dominique Kahang’a Rukonkish, Homme au sens noble du terme, est né le 12 février 1946 à Makukula, dans le territoire de Kahemba, district du Kwango, province de Bandundu. Il a fait son école primaire à Lokando et Kambangu dans le Kahemba. Après de brillantes études secondaires qu’il termine en Greco-Latine au Collège Albert (actuel Boboto), est admis au Grand Séminaire de Mayidi pour y poursuivre le cycle de philosophie en vue du sacerdoce. Après la philosophie, il est admis en théologie qu’il termine en 1972 à Jean XXIII.
Il est ordonné Prêtre pour le diocèse de Popokabaka le 27 août 1972.
Son ambition intellectuelle lui inocule le virus des études. L’Evêque de Popokabaka de l’époque, Mgr Bouckart, l’envoie poursuivre ses études universitaires à l’université de Strasbourg en France Sans complexe, il obtient en 1974 sa licence en philosophie. Une année plus tard, soit en 1975, il décroche sa maîtrise en philosophie.
En 1977, il obtient le diplôme d’études approfondies en philosophie du 18ème siècle à nos jours et un autre diplôme d’études approfondies en philosophie de la technique.
En même temps que les études classiques de philosophie, l’Abbé Dominique fera d’autres formations. C’est ainsi qu’il obtiendra, en 1973, le Diplôme d’études universitaires littéraire.
En 1980, il est reçu Docteur en philosophie à l’université de Strasbourg, mention Très Honorable, avec félicitations du jury. Titre de la thèse : L’affectivité et l’expérience du temps. Aussitôt vêtu de la plus belle robe de « Docteur », de Nganga Mayele, il rentre au pays et se voit confié les charges de Recteur du Grand Séminaire Interdiocésain de Kalonda. Il resta à ces fonctions huit (8) ans, et le Grand Séminaire connut une grande évolution sous le mandat de l’Abbé Dominique. Il a façonné Kalonda à sa vision de grandeur. Plusieurs Prêtres de la Province de Bandundu, aujourd’hui Docteurs et Professeurs, ont développé et caressé cette ambition sous l’impulsion de l’Abbé Dominique.
De 1988 à 1994, il est chercheur à Montpellier et vicaire de paroisse.
En 1989, il est invité du Conseil de l’Europe à Strasbourg et aussi invité de la Société belge de Philosophie.
En 1993, il est envoyé de l’Institut de Missiologie d’Aix-la-Chapelle (Aachen).
De 1995 à 2003, il est Secrétaire de la commission épiscopale Justice et paix (8 ans).
Travailleur acharné, rigoureux, voire perfectionniste, il profite de ses rares moments de liberté pour préparer et soutenir une thèse de doctorat nouveau régime à l’Université de Montpellier en 1995. Titre de la thèse : Ethique de la vie et développement. Questions posées à la modernité africaine.
Le Professeur Abbé Dominique Kahang’a Rukonkish Tshaw Tsha Makwegn était membre du Cercle académique du Professeur Agel Henri.
Il a été de son vivant, un fervent défenseur des droits de l’homme. Son engagement pour ceux-ci le voit attribué le prix des Droits de l’homme de la République Française en 1999.
En 2002, il est nommé Professeur à temps plein aux Facultés catholique de Kinshasa où il enseignait depuis 1987 comme « Professeur visiteur ».
Frappé par la limite d’âge, il prend sa retraite en 2010. Déjà à cette époque, la santé de l’Abbé Dominique que je rencontrais chaque soir dans notre quartier commun de Yolo-Sud, devenait de plus en plus fragile. Son bref-long séjour en France l’aida à recouvrer quelques bonnes calories ; sans totalement retrouver sa bonne santé. De retour au pays au terme de ce séjour, et soucieux de la formation des jeunes, il accepta de rentrer au Grand Séminaire de Kalonda qu’il aimait tant pour y travailler comme Professeur résident, et contribuer derechef à la construction intellectuelle des jeunes esprits admis à ce séminaire interdiocésain.
J’ai eu le privilège de le retrouver lors de mes propres enseignements à Kalonda, et il ne cessait de me souffler ses bonnes intentions pour cet établissement de l’Eglise… Il me disait qu’après sa mort, toute sa bibliothèque devait être acheminée à Kalonda. Un petit testament !
Il convient aussi de signaler que le Pr Abbé Dominique Kahang a enseigné à la Chaire Unesco de l’Université de Kinshasa.
Professeur d’Histoire de la philosophie ancienne, de Philosophie de la Religion, de Morale générale, de Métaphysique, les enseignements de l’Abbé Dominique étaient essentiellement centrés sur les conditions et possibilités de la Vie Bonne. Très attaché aux valeurs qui fondent la communauté, il professait une philosophie de l’altérité qui avait pour mot de passe : « Agir l’un pour l’autre au bon moment ».
L’Abbé Dominique a écrit beaucoup d’articles scientifiques que nous, ses enfants dans la science et collègues, voudrions bien rassembler pour en faire une somme. Le concours de chacun de vous sera sollicité à quelque degré que ce soit pour immortaliser sa pensée.
Le Professeur Kahang avait une connaissance linguistique enviable. Il maniait le Kikongo, le Lingala, le Swahili, le Français, l’Anglais, l’Allemand ; et écrivait parfaitement le Grec, le Latin et l’Hébreu.
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
En parcourant les grands événements ou moments de la vie de l’Abbé Dominique, on remarquera avec étonnement la permanence du chiffre 8 : il est ordonné prêtre au mois d’août ; il est reçu Docteur en 1980 ; il est Recteur de Kalonda pendant 8 ans, Secrétaire de la commission épiscopale justice et paix pendant 8 ans, Professeur à temps plein aux facultés catholiques de Kinshasa pendant 8 ans. Pour moi, et en lisant de près la vie de l’Abbé Dominique Kahang, ce chiffre symbolise la vie des béatitudes menée par l’illustre disparu. Oui, l’Abbé Dominique est un homme des béatitudes !
L’Abbé Dominique a été une estampille sur laquelle des milliers des gens se sont hissés pour aller à l’assaut de la vie, de la survie et de la vérité. Humanitaire et philanthrope à souhait, on se souviendra des allers-retours effectués entre Kinshasa et Brazzaville pour sauver les vies des centaines des Rwandais et Burundais qui redoutaient la mort…
Homme de cœur, il n’a jamais hésité de se faire « locataire » pour laisser sa propre maison à ceux et celles qui en avaient le plus besoin.
Professeur rigoureux, l’Abbé Dominique ne faisait pas facilement passer les hérésies et inepties intellectuelles. Quand votre analyse ou point de vue était philosophiquement gauche, il réagissait d’un ton toujours grave : hein hein. Ce n’est pas comme cela qu’il faut réfléchir. La saisie des questions philosophiques passe par la maîtrise de ce par quoi ceci est cela…
Je revois encore cette silhouette et ce style Kahang : Chemise bleue Mitterrand, fourrée dans un pantalon tissu, le tout accompagné d’une petite cravate, et une barbe qui faisait penser aux philosophes de l’Antiquité.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, gens d’ici et d’ailleurs, pour nous philosophes, la mort inattendue du Pr. Dominique Kahang’a Rukonkish Tshaw Tsha Makwegn s’inscrit dans la dialectique de la mort physique et de l’immortalité sociale et métaphysique ; celle-ci ne peut s’acquérir qu’après celle-là. Le Pr Dominique Kahang’a Rukonkish aimait enseigner aux étudiants de Philosophie l’histoire de la philosophie ancienne. Dans celle-ci, on retiendra entre autres le mythe d’ER le Pamphylien du livre X de la République de Platon. Si aujourd’hui, son âme entreprend le voyage d’ER le Pamphylien, nous pensons que comme toute âme, elle reste immortelle. Qui plus est, les actions menées par cet artiste des consciences, nous laissent espérer que les dieux de l’au-delà lui réserveront un meilleur sort.
Hier Prêtre actif et Professeur vertébré, comment peut-on évoquer aujourd’hui le nom du Pr. Dominique Kahang’a Rukonkish en termes de veillée et de dépouille mortelle ? C’est la terrible interrogation qui nous conduit à disserter sur la mort.
Ultime transgression de l’homme dans la mesure où elle se définit par le corps sans vie, le cadavre, la mort apparaît comme le plus grand malheur de l’homme. Elle est une fêlure constante qui fait basculer l’univers, trouble la façade de la respectabilité. C’est pourquoi elle gouverne les vivants comme l’inévitable, l’indomptable expérience. Le Philosophe dira que dès qu’un bébé naît, il est assez vieux pour mourir.
Mesdames, mesdemoiselles, Messieurs, nous avons beaucoup partagé avec Dominique Kahang’a Rukonkish. Convaincus de sa mort, nous aussi, nous savons que nous passerons… En effet, si chaque pas dans la vie est un pas vers la mort, il est des morts qu’il faut assassiner ; ces morts qui arrachent les plus vigoureux, les plus frais, les plus productifs, les plus aimables !
Par la disparition du Pr Dominique Kahang’a Rukonkish, l’Eglise de Popokabaka, les universités et instituts où il consacrait la majeure partie de son temps, non sans sacrifice, deviennent orphelins. Avec ce vide difficile à gérer, je constate avec vous que la mort a envahi tout l’espace : elle est sur terre, dans l’eau, dans l’air ; elle court, saute, rampe, elle cherche, traque tout le monde et toutes les choses. Mais loin de tuer en nous le goût de l’aventure chrétienne et intellectuelle, nous devons aujourd’hui considérer Dominique comme un modèle.
Le Pr Dominique Kahang’a Rukonkish n’est pas mort à la vie sociale et intellectuelle puisqu’il laisse à la postérité l’exemple de sa propre vie, des nombreuses publications scientifiques, et des milliers d’étudiants qu’il a formés et encadrés.
Permettez à présent, Mesdames, mesdemoiselles, Messieurs, gens d’ici et d’ailleurs que je m’adresse directement à mon Patriarche, à notre baobab, avant de me réduire au silence méditatif qu’impose la douleur de cette mort dont le philosophe dit qu’elle n’est rien pour nous.
Que dire enfin à mon Patriarche en ce jour douloureux?
Comme l’histoire de l’élan vital qui, à son origine, est condamné à rencontrer l’adversité de la matière dont il triomphera pour ensuite traverser toutes les autres formes de vie, y compris la matière elle-même, nos premiers rapports, je l’avoue, n’ont pas été ceux des plus fraternels. Tu symbolisais pour nous, étudiants d’alors, une rigueur que nous considérions à tort comme une trahison : tu considérais la note 7/10 comme moyenne. Tu avais une vision de l’excellence qui faisait résigner les moins ambitieux. Mais ce style nous a tous formé et nous a aidé à comprendre qu’on pouvait être grand ou se croire grand, mais que la meilleure grandeur est assurément celle que l’on acquière dans la rigueur et l’humilité.
La vie qui est Amour et dévoilement d’imprévisibles nouveautés a ramassé et fondu notre passé dans un présent et un avenir qui nous ont rapprochés et liés comme un fils à son père. C’est d’ailleurs ainsi que tu voulais que je t’appelle. De tes enseignements publics, dans les locaux des Facultés catholiques de Kinshasa, de tes enseignements privés vers un petit café de la ville ou sur le balcon de ta maison à tes derniers jours de malade dans ta chambre, les débats et discussions n’ont cessé de nous rapprocher.
Cher père, tu aimais le travail bien fait. Pour toi, tout travail, quel qu'il soit, devait être bien fait. Le Grand Séminaire de Kalonda, la Commission Justice et Paix, les Facultés catholiques de Kinshasa, l’Université saint Augustin de Kinshasa, le Kwango et la RDC étaient ta passion, ta chose.
Cher Maître, tu aimais les défis et tu avais une âme de gagneur.
Tu étais un Homme qui détestait la médiocrité. Ceux qui baignaient dans celle-ci, tu les considérais avec humour comme des « hommes gaspillés ».
Tu étais un Homme plein d’espérance, et plein d’optimisme. Je sacrifierai le peu que je sais de ta vie si je n’évoque pas le fait que tu as vécu les dernières années de ta vie comme un revers. Tu as connu humiliations, frustrations, déceptions et rejets. Les propos irrespectueux et peu révérencieux, tu les as subi, même au sein des institutions où tu as donné le meilleur de toi-même. Malade et faible, il t’est arrivé que les générations, qui hier te témoignaient respect et vénération, te fassent marcher ou poiroter… Tu t’en plaignais souvent en ces termes : « on fait de moi le dindon de la farce… » « on me prend pour un imbécile, un idiot… »… Devant toutes ces réalités qui ne manquaient pas donc de t’affecter, tu ne cessais de dire : « il faut prendre la vie du bon côté… Le plus important est de vivre toujours selon la Vertu ».
Ton enthousiasme, ta perspicacité et ton abnégation au travail t’ont valu admiration et vénération.
Tu es sans conteste, l’enseignant qui a marqué par son organisation au travail, de nombreuses générations d’étudiants (es). Ton savoir-être et ton savoir-faire resteront gravés dans la mémoire de tous ceux qui ont eu le privilège de t’avoir eu comme enseignant, ou de partager un moment avec toi comme collègue ou confrère.
Tu étais un maître expérimenté, respectueux du plus petit, une source pour tes étudiants et ta famille. Tu étais un chercheur performant, dévoué et désintéressé.
Tu as été un grand homme, un scientifique curieux, un professeur respecté ; Tu as été tout simplement un " Monsieur". Pour qu'on puisse s'adresser ainsi à toi, c'est tout simplement parce que tu as aimé tes semblables.
Tu étais un homme de paix, voyant en chaque être humain une manifestation de la grandeur de la création. Beaucoup de choses étaient pour toi sujet d'émerveillement, que tu traduisais avec talent dans tes nombreuses interventions. Tu aimais le Beau, le Bien et le Vrai.
Cher Dominique, tu étais un prêtre, un bon prêtre. Tes homélies courtes et à yeux fermés, étaient prises par certains comme une métaphysique religieuse qui invitait à une forte ascèse pour en saisir le sens et la profondeur.
Tu avais un sens élevé pour ton sacerdoce. Un jeudi de 2002, te souvenant n’avoir pas dit ta messe depuis le matin, tu t’empressais à rejoindre la chapelle universitaire pour la messe qui y est dite chaque midi. Ton empressement était tellement préoccupant que tu titubas sur les escaliers devant le secrétariat général académique, au point de te casser à la cheville.
Oint pour bénir le peuple de Dieu, tu bénissais finalement tout. Je me souviens que lors de nos balades à Kinshasa à bord de ta Land cruiser, tu ne ratais pas de bénir une dépouille mortelle qui passait. Un jour, alors que tu tenais à bénir un corps qu’on conduisait vers Kinkole ou Mikonga, tu cognas un autre véhicule, et le propriétaire, te regardant dans les yeux vous dira : « ne vous en faites pas, je ne doute pas que vos pensées étaient ailleurs »… Oui, il t’arrivait d’avoir des pensées ailleurs au point que nous tes cadets devions vérifier chaque fois si tu n’as pas oublié quelque chose en partant de quelque part.
Quoi de plus normal pour moi que de demander à Celui au nom duquel tu bénissais des milliers de gens, de te bénir toi-même, de bénir ton âme, d’accorder un repos mérité à ton pauvre corps qui désormais nous manque et appartient au règne de souvenir !
Au moment de te dire l’éternel adieu, je voudrais publiquement te dire ceci :
- Nous sommes fiers de la formation que nous avons reçue de tes soins aussi bien aux Grands Séminaires de Kalonda, de Mayidi, Kaggwa, aux Facultés catholiques de Kinshasa qu’à l’Université saint Augustin de Kinshasa : tu étais un artisan, une lumière scientifique et intellectuelle.
- Nous gardons en mémoire combien tu es resté stoïque et digne devant la douleur et la maladie jusqu’à ton dernier souffle. Tu étais un homme d’honneur.
- Tu étais animé d’une profonde foi. Durant les dernières semaines de ta vie, cette foi profonde a été merveilleusement soutenue par ta famille, tes amis.
- Tu es parti avec le titre de PROFESSEUR. Mais c’est tout le monde qui t’appelais affectueusement « Maître ». Nous te disons merci de tout cœur cher Dominique. Merci pour ta vie que tu nous laisse en témoignage. C’est pourquoi comme ce poète, je dis : « Ô mort ! Ô néant ! Que tu es cruelle ! Aujourd’hui encore tu brûles mon cœur ! Mais où est ta victoire ? Il est mort, Je pleure, moi j’ai tort, Là-bas, il dort ».
Si tu arrives là où tu vas, salue de notre part les Abbés Tatamosi, Zandu et Mbambu. Transmets nos amitiés et fraternité au Pr Abbé Faustin Mapwar, à Zangio et à Mafuta Kizola.
Au nom du Père, de là où tu es, Cher Patriarche, Père, Professeur et frère, veille sur ta famille et ton diocèse.
Au nom du Fils, veillent sur tous ces gens qui te considéraient comme père dans la foi ou dans la science. Nombreux souffriront dans leur âme de ne pas te voir dans cette caisse où ne vit que l’espérance que tu portais comme une chandelle. Je te transmets leurs adieux !
Au nom du Saint-Esprit, veille sur le Kwango dont tu étais un des dignes fils… Tu as laissé des idées, et rassures-toi que nous les exploiterons !
Au nom de tes idées, veille sur la paix en République Démocratique du Congo.
Depuis l’annonce de ton départ vers le Père sur ma page facebook, j’ai enregistré près de 1000 commentaires : un baobab est tombé, un père s’en est allé, un Grand esprit dans un petit corps. L’homme de la Maât. Oui Dominique, Dieu a su placé dans ton petit corps un Esprit qui dès aujourd’hui, et par le souvenir qu’on en garde, devient immortel.
Le mardi 15 octobre 2013, la nouvelle de ta mort a retenti comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, produisant l’effet d’une bombe au sein de ta famille, de tes amis, de tes collègues et de tes étudiants.
La maladie qui te minait depuis quelque temps déjà, a fini par avoir raison de toi, laissant ta famille, tes amis, tes collègues dans un profond désarroi.
Pr Abbé Dominique Kahang’a Rukonkish Tshaw Tsha Makwegn, comment allons-nous nous passer de ton rire communicatif, de ta joie de vivre, de ta gaieté et de toutes ces belles histoires que tu aimais tant nous raconter ? Mais comme le dit Charles Péguy dans ce poème inspiré d’un texte de Saint Augustin :
« La mort n’est rien.
Je suis simplement passé dans la pièce à coté.
Je suis moi. Tu es toi.
Ce que nous étions l’un pour l’autre, nous le sommes toujours.
Donne-moi le nom que tu m’as toujours donné.
Parle-moi comme tu l’as toujours fait.
N’emploie pas de ton différent ».
Cher Dominique, nous continuons à t’aimer, mais… Tu nous manqueras à jamais !
Adieu Père,
Adieu Maître,
Adieu collègue,
Adieu Grand fils de Mwendjila,
Que la terre la République Démocratique du Congo te soit légère.
Au nom de tous, un de tes enfants,
Pr Dr KINKANI MVUNZI KAMOSI Frédéric Adelbert
Kinshasa, le 23 octobre 2013.
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