Silence: commémorons LDK

Voilà vingt-deux ans que le président Laurent Désire Kabila est mort et que sa mémoire demeure, célébrée parce qu’il a libéré la RDC d’une des dictatures les plus cruelles du monde, selon ses thuriféraires. La Barbadienne Ibangu curieuse de comprendre l’histoire du pays de ses parents m’a demandé pourquoi on ne célébrait pas le président Mobutu qui a dirigé le pays pendant près de 32 ans. Je lui ai répondu spontanément: “Mes compatriotes jugent que Kabila est un héros national alors que Mobutu ne l’est pas.” Comme le temps était court, je ne me suis pas donné la peine d’évaluer la gravité de cette réponse lapidaire. 

Ai-je bien répondu? Je ne crois pas. Ai-je été objectif? Je ne crois pas non plus. Je crois avoir dit une part de vérité. Laurent-Désiré Kabila a passé 4 ans à la tête de ce pays et a annihilé les 32 ans de son prédécesseur. Peut-on vraiment effacer l’histoire? Je ne crois pas. Par contre, on peut la manipuler ou la fabriquer comme cela s’est vu et se voit encore dans le monde. La vérité comme la raison est relative, elle n'appartient qu'au plus fort. Le révisionnisme démontre aussi que l’histoire change selon l’idéologie qui la sous-tend. L’histoire coloniale qui a attribué des ascendants gaulois aux colonisés africains en constitue une preuve évidente. Un régime peut proclamer héros national qui il veut. A l'instar de Néron qui s’était proclamé artiste peu avant sa mort: “Quel grand artiste le monde va perdre?”. 

Il ne m’appartient pas de juger les deux personnages. J’ai vécu de façon continue 14 ans puis 5 ans sous le régime Mobutu. Sous LD Kabila, j’ai à peine passé quelques semaines en avril 98. J’ai gardé de ce séjour le souvenir d’un pays occupé. Le paysage politique avait totalement changé. La présence massive des militaires rwandais m’a intrigué, remettant en cause le fond de cette libération. Je me souviens qu’à la télévision les Gakudji et autres Sakombi parlaient de "révolution", dénonçaient les soi-disant massacres des milices Hutu qu'on traquait à l’Est. Je revois à Kitambo-Magasin l’effigie désignant LD Kabila comme “L’homme qu’il fallait”. La propagande battait vraiment son plein. Je me posais beaucoup de questions demeurées sans réponses jusqu’à ce que les événements ultérieurs y donnent suite. Ce que je craignais est arrivé. C’était prévisible quoique certains compatriotes se montrent surpris par cette tournure catastrophique des choses. Je dois avouer que ce court séjour au pays ne suffit pas pour juger l’action de ce président éphémère. 

Fait marquant de LDK: il a pris le pouvoir par les armes avec des soutiens étrangers et à signé l’accord de Lemera. Véritable épée de Damoclès qui lui a coûté la vie et dont les conséquences existent jusqu’à ce jour. Le butin de cette conquête est ce qui fait problème jusqu'à ce jour. Il est venu avec les Rwandais, leur a accordé des postes à toutes les sphères du pouvoir, de l’armée ou de la sécurité. Et quand il a voulu corriger les tirs, c’était trop tard. Une guerre a éclaté dès août 98, qu'il n'a pas réussi à juguler jusqu’à sa mort le 16 janvier 2001. Et la suite que nous connaissons. Voilà ce qui a fait de LDK héros national. Quant à JD Mobutu dont le corps a été enterré dans l’anonymat au Maroc, l’histoire du régime kabiliste retiendra qu’il a été un dictateur sanguinaire et corrompu qui a ruiné le Zaïre. Réflexion de littéraire. 

La réponse donnée à Ibangu répond donc à des circonstances actuelles. Elle pourrait changer dans quelques années si la mouvance politique change. L’Est de la RDC est depuis LDK devenu une poudrière où sévissent des groupes armés incontrôlés, un lieu de désolation, d’insécurité, de pillage, de massacre d’une cruauté indicible. M23 et consorts. On tue, on pille, on viole, on incendie, on déplace les autochtones par des étrangers dont ont fait des natifs. Le cercle de l'insécurité totale est bouclé. La balkanisation tant crainte est devenue réalité même si les autorités soutiennent  qu’aucune partie du territoire ne sera démembrée. Pourquoi LDK héros et JDM exécrablement envoyé aux oubliettes? C’est l’histoire du vainqueur.