9 mars 2019

La négritude et la femme

Ce jeudi, mon cours de licence de Caribbean Thought était axé sur le rôle de la femme dans le mouvement de la négritude. On connait Suzanne Césaire, épouse du maître de ce mouvement qui a créé le néologisme. On connait les soeurs Nardal, Jean et ¨Paulette. Elles ont toutes les trois joué un rôle majeur dans la création, la vie et la suite de ce mouvement. Cependant leurs noms ne sont cités qu'en notes de bas de page. Pourtant, avant comme pendant les grandes années de ce mouvement, elles étaient présentes, actives et écoutées. Une injustice à corriger dans la mémoire collective noire!
Femmes et intellectuelles ne riment pas souvent ensemble. Louis Labé la Cordière en sut quelque chose en son temps. Les soeurs Nardal ont tenu un salon à la manière de Mme de Sévigné ou de Pompadour. C'est là que des intellectuels, écrivains, artistes ou étudiants, de la Caraïbe et d'Afrique, se retrouvaient pour des soirées ou rencontres culturelles, sociales, etc. Césaire les traita de bourgeoises. 
Leur rôle n'a pas été reconnu. La domination patriarcale ou phallocratique n'est pas à démontrer dans la négritude. La femme est certes célébrée, comme l'a fait Senghor, mais selon des canons d'une esthétique étrangère à l'Afrique et à la Caraïbe. Bien avant l'avènement de la négritude, les soeurs Nardal ont publié des articles traitant des problèmes liés à la condition féminine, à la civilisation, à la culture et aux conflits de races. Leurs voix ne nous sont parvenues qu'édulcorées et vidées de leur substance parce qu'elles ont été récupérées par les hommes. On peut aisément retrouver des pensées de Suzanne dans le Discours sur le colonialisme d'Aimé. D'aucuns iraient à soutenir que ces idées, quoique publiées dix ans auparavant, émaneraient d'Aimé Césaire. D'aucuns cependant comme mon amie Susan Arndt ne verrait dans ce discours et tout le mouvement qu'un signe de la domination masculine qui étoufferait la voie des femmes. A chacune son féminisme. 
Les soeurs Nardal ont eu à affronter les préjugés liés à leur condition de femmes. Auraient-elles été des hommes qu'elles auraient été célébrées au même titre que ceux qui se sont attribué tous les prestiges de ce mouvement. Damas, Césaire et Senghor sont reconnus seuls capitaines du bateau négritude alors qu'ils ont bénéficié d'un apport considérable des Nardal et de Suzanne. Cette ignorance ou cette relégation aux oubliettes des femmes de la négritude doit être réparée. Des livres existent déjà dans ce sens. 
Le cours de jeudi s'est essentiellement borné à retracer cette lacune. Les étudiantes très enthousiastes et engagées n'ont pas manqué d'en prendre la mesure et d'exprimer leur indignation. "Black Internationalism" de Jane Nardal, "In Exile" de Paulette Nardal et "The Malaise of a Civilization" ont constitué l'arrière-fond de nos réflexions sur l'évaluation théorique et critique de la Négritude. Une critique féministe de la négritude s'impose. Il faudrait reconnaître que ce cours a été élaboré sans aucune référence à la Journée mondiale des femmes. 
Bonne Journée Internationale de la Femme. Respect et Dignité!

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