Rectification. C'est le terme qu'utilise le général al-Burhan pour justifier ou désigner son son coup d'état militaire au Soudan. Ma connaissance du Soudan est très basique bien que ce soit un pays auquel je me suis beaucoup intéressé par le passé. On dirait que le destin de ce pays est d'être dirigé par des généraux, des soldats qui à force d'imposer l'ordre militaire aux civils deviennent d'impitoyables dictateurs. El Nimery ou El Bachir et aujourd'hui Al Burhan. Les civils n'ont aucune chance de diriger ce pays. Le Soudan est une caserne, tout le monde doit se soumettre ou mériter la prison. Logique très criminelle: on obéit ou on meurt. Comme la présence des civils faisaient de l'ombre à son leadership, il fallait neutraliser les civils dans leur désordre et leur division. L'armée, c'est l'ordre, la discipline, donc la démocratie. Or justement, la démocratie signifie céder la voix au peuple. La cession du pouvoir aux civils n'est pas à l'ordre du jour. D'où il faut militariser le leadership afin de ne pas laisser la rue décider du sort du pays.
Vous avez dit "Rectification"? C'est exactement le même terme qu'avait jadis utilisé le général Blaise Compaoré pour se débarrasser de son puissant ami de révolution, Thomas Sankara. La révolution burkinabé devait continuer mais sans son concepteur dont il fallait rectifier la doctrine et l'action pour le bien-être du peuple. "Rectification"? Il fallait balayer d'un revers de la main tous les acquis du héros africain dont la vision bousculait le monde. L'Afrique ne serait sans doute pas ce qu'elle est aujourd'hui si Thomas Sankara avait vécu jusqu'à ce jour. "Parler d'effacer la dette" dans ce monde des vampires et des maffieux était un crime que les Occidentaux ne pouvaient pas tolérer. Son instigateur devrait être éliminé au plus vite, et Blaise Compaoré s'est chargé d'accomplir la basse besogne. La France a joué son rôle de manipulation dans cette manoeuvre, je n'en doute pas un seul instant. Rectification? La révolution continue, mais on en rectifie le tir et la direction. Mensonge de lèse-majesté. Et comme coïncidence, le procès de l'assassinat de Sankara enterré dans une fosse commune défraie la chronique en ce moment. Des témoignages accablants pèsent sur le principal accusé qui a trouvé refuge à Abidjan lorsqu'il a été pacifiquement démis de ses fonctions. Le processus de rectification a consisté à vider la révolution burkinabé de son essence et à effacer de l'histoire la vision patriotique du leader charismatique qu'était Thomas Sankara.
Entre la rectification soudanaise actuelle et la rectification burkinabé de jadis la similarité n'est pas qu'au niveau du mot ou du concept, mais elle est criminelle, écrite en lettres de sang. Les nombreux morts de la rue de Khartoum reflètent la fosse commune où gisent Sankara et ses camarades. La répression sanglante actuelle au Soudan rappelle par son rectificatif la tuerie qui eut lieu à Ouagadougou sous le regard impassible de l'innocent compagnon de lutte. Sans honte ce dernier hérita, immaculé, de la couronne sans épines et tomba dans le délire du pouvoir dictatorial et institutionalisa l'appauvrissement endémique du Burkina Faso. Les militaires dirigent des casernes ou des pays qu'ils transforment en casernes. Cette logique-là meut les actions d'al-Burhan comme elle a mû jadis la révolution rectifiée de Blaise Compoaré. Avec un regard plus pertinent, on note que ce qui se passe aujourd'hui à Khartoum est une copie conforme de ce qui se passa jadis à Ouaga, à la seule différence que al-Burhan qui a éjecté al-Béchir du pouvoir devient le maître absolu du Soudan. Quoique Hamdok ne soit pas Thomas Sankara, la méthode d'acquisition ou de conservation du pouvoir utilisée par les putschistes demeure identique. Bref, rectifier n'est aux yeux des tyrans qu'un euphémisme pour dire tuer, massacrer. N'est-ce pas un coup d'état dans un coup d'état?
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