29 oct. 2021

Des doctorats honoris causa

Qu'on se le dise, cette froide réflexion n'est que le fruit de mes élucubrations de littéraire. Elle se limite à des constats, sans juger personne.

Dr. h.c est une distinction attribuée par une faculté d'université à un personnage en signe de reconnaissance pour l'oeuvre du récipiendaire. C'est un diplôme décerné au cours d'une grandiose cérémonie de promotion ou de collation de grades, souvent en présence des plus hautes autorités de l'université. A l'université des West Indies, le titre est conféré par le Chancelier conformément aux pouvoirs qui lui sont assignés. J'assume que c'est aussi le cas ailleurs. Je ne parle que de mon expérience. Les règles pour octroyer ce diolôme sont strictes, claires et précises. Le doctorat ne se sollicite pas, ne se marchande pas puisqu'il en va de la réputation de l'institution universitaire qui le décerne. Il faut remplir des critères d'intégrité et d'idoneïté pour accéder à cette prestigieuse distinction. Le récipiendaire est nominé par un membre d'une faculté qui soumet un dossier pour convaincre le comité du bien-fondé de l'initiative. Le dossier est examiné de façon très détaillée jusqu'à élaguer le moindre quant à l'octroi dudit diplôme. En conférant le titre h.c, c'est l'université qui par la voix du Chancelier reconnait les mérites du candidat/lauréat et endosse en quelque sorte son combat, couronne son parcours. Parmi les Honoray Graduants de notre campus de Ste Augustine, il y a un entrepreneur, une avocate, un musicien et un praticien médical dont les qualités d'excellence sont couronnées par cette distinction ce 28 octobre 2021. 

Je constate ce dernier temps une course aux diplômes universitaires dans la classe politique de la RDC. Le général Joseph Kabila vient d'achever son MA en ?? de l'université sud-africaine de Johannesburg. J'avais assisté il y a quelques années à l'impressionnante soutenance de thèse de Mr Aubin Minaku alors président de l'assemblée nationale. Le jury pouvait-il  le faire échouer devant la pléthore des représentants politiques présents dans la salle de promotion? Je ne remets pas en doute ses compétences, mais je me suis posé, en littéraire, cette question. Pour preuve, il a obtenu une grande distinction, je crois. Le général Kanyama est aujourd'hui détenteur d'un doctorat en droit tout comme Mr Shadari qui signe désormais Professeur. Je n'ai rien contre lui personnellement, pourquoi aurais-je quelque chose à lui reprocher si ce titre lui est reconnu. Seulement je suis surpris par la rapidité avec laquelle ce titre a été obtenu. Il n'y a pas six mois que le sieur Shadari a obtenu son doctorat, voilà qu'il signe déjà "professeur". Il m'a fallu à moi quinze ans d'enseignement universitaire pour obtenir ce titre. On dirait que le titre de professeur est automatiquement attaché à l'obtention d'un doctorat alors qu'il faut des publications dans des revues à comité de lecture pour être promu professeur. En RDC on est nommé professeur par le ministère de l'enseignement supérieur et universitaire alors que dans le système anglo-saxon c'est la vice-chancellerie qui promeut sur la base des rapports d'évaluation établis par des assesseurs internationalement connus. Dans certaines universités de Suisse ou d'Allemagne, on ne porte pas le titre de docteur avant d'avoir publié sa thèse soit par le dépôt d'une centaine de copies soit sous forme d'articles partiels dans des revues, soit comme livre dans une maison d'éditions. Cela prend du temps quoique l'on soit pressé d'avancer académiquement. D'autres publications doivent suivre pour consolider l'expertise dans la matière.

Les doctorats honoris causa, parlons-en. Cette semaine, j'en ai entendu coup sur coup trois attribués à des personnalités congolaises parmi lesquelles: le président Félix Tshisekedi, Mr Moise Katumbi et Mr André Kimbuta. Coïncidence ou un hasard de circonstances. Je crois au second cas. Mon pourfendeur parle d'achat, ce que je renie carrément. La méfiance légitime que pourrait susciter le choix d'un tel ou d'un tel pourrait jeter de l'ombre sur la conformité du processus aux règles éthiques qui régissent les universités. Ce faisant, les universités engagent leur réputation. C'est pourquoi, je récuse toute velléité de corruption dans ce processus. Entre le personnage politique promu docteur et l'académique, il existe certes un écart, mais cela répond à l'agenda que s'assigne l'université. Le jury qui décerne le titre atteste que le candidat proposé répond adéquatement aux critères de doctorat h.c de cette institution universitaire. Et le titre attribué correspond à un diplôme académique délivré par les facultés de ladite université. La course aux doctorats honoris causa a commencé. Je ne serais pas étonné d'en découvrir d'autres dans les jours qui viennent. Le culte du diplôme a encore de beaux jours devant lui. Il parait qu'au Kenya, tout leader politique possède un diplôme de MA obtenu en bonne et due forme. Et ça, c'est aussi un problème.  Comme quoi, pourquoi entreprendre de longues, pénibles et couteuses études quand vous pouvez recourir à un raccourci? Shortcut is how problems are solved.  

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