25 nov. 2022

Des nationalités acquises

A la suite de la défaite du Cameroun contre la Suisse, des jeunes sont allés protester devant la maison de Embolo à Yaoundé. Comme je l'ai pressenti et annoncé, il y a eu du grabuge. Je les comprends, mais une telle situation se répétera à l'avenir. Embolo n'est que victime d'un système de modernité occidentale. Il a librement choisi son pays d'adoption. Trahison fondamentale aux yeux de certains, mais réalité migratoire propre à ce temps. Les naturalisations sont reconnues par le droit international, par les droits de l'homme. Mais la réalité émotionnelle est différente. Sur papier Embolo est suisse, mais son coeur est camerounais. J'ai entendu quelqu'un déclarer: "Le Cameroun sera fier de lui s'il marque contre d'autres équipes que le Cameroun.... contre le Cameroun c'est une trahison. Impardonnable (sic)" Quel est le sens du football pour ce professionnel naturalisé suisse? Hélas, aussi dur que cela puisse paraître, la vérité est que l’on porte dans le coeur les couleurs de l'équipe dont on vêt le maillot. En principe. Ceci vaut pour le foot comme pour tous les autres sports et autres activités à l'échelle internationale. Mais c'est aussi l'occasion de se poser des questions sur la notion de nationalités acquises.

Moi qui écris ces lignes ai des enfants jumeaux nés à la Barbade, qui ont la nationalité barbadienne et qui n'ont visité la RDC qu'une seule fois, lorsqu'ils avaient 5 ans. J'ai déjà écrit sur ce blog les sentiments contradictoires que je ressens lorsque je vois Ibangu et Mukawa évoluer dans ce pays qui est le leur, étant donné qu'ils ne connaissent pas le Congo. Ils auront 16 ans dans une semaine, ils voudraient bien revisiter le pays natal de leurs parents. Ce qui est légitime mais jusqu'à la preuve du contraire leur vie est ici, et je vois mal qu'ils retournent définitivement vivre dans un pays qu'ils ne connaissent pas. Je ne les empêcherais pas de le faire s'ils en exprimaient le désir, mais serait-ce réaliste? Un problème simple, mais très compliqué car ils se retrouveraient étrangers à des réalités qu'ils n'ont pas vécues dans leur enfance. Langue, nourriture, culture, us et coutumes, personnalité, tradition, environnement socio-économique, tout est différent quoiqu'ils entretiennent des liens avec leurs cousins, cousines, tantes, ou oncles et autres parents vivant au pays et ailleurs. La famille étendue, il la perçoivent bien. La solidarité aussi puisqu'ils nous voient effectuer des contributions pour deuils, mariages, baptêmes et autres événements de famille. Mais de là à les voir s'installer en RDC quoique rationnellement possible, je ne les sens pas. Par contre, nous ne cessons de cultiver en eux le sens de la grandeur de l'Afrique et de nos origines. Lorsqu'ils deviendront grands, ils décideront librement de leur sort.

Nous voilà donc en face de drames auxquels les nouvelles nationalités acquises par droit du sol ou naturalisation nous exposent. Ces drames sont réels. Il y a quelques années, Samuel E'too s'étonnait de voir de nombreux joueurs talentueux congolais évoluer en équipes de France et de Belgique, alors qu'ils auraient pu solidement renforcer l'arsenal des Léopards. L'attachement à son pays d'origine ou au pays d'origine des parents est aussi un problème sérieux. Il existe des peuples dont l'histoire montre un lien plus intime et sacré avec la mère-patrie ou la matrice primordiale. C'est complexe. Arrêtons là pour aujourd'hui.


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