4 avr. 2023

N’djili et Bole: deux aéroports

2 avril 2023. C’est le jour du retour. À 7 heures, le chauffeur est déjà là. Le Doyen de l’humanité, comme il se surnomme lui-même depuis nos derniers échanges, a décidé de m’accompagner. Ce dont je le remercie vivement. À l’arrivée le 2 mars comme au départ le 2 avril de N’djili, il était présent. À 8 heures piles nous sommes partis de Pigeon à bord de la petite Mitsubishi Colt. C’est dimanche, le trafic est fluide malgré quelques inévitables embouteillages à quelques points de croisement et aux sauts de mouton ou sautés-moutons allez y voir. C’est selon comme qui dirait. 

A 1,5 km de N’djili nous surprend une crevaison de pneu, juste devant un kiosk servant d’abri à un Bana Mura qui se prétend chef d’antenne. Une antenne où aucun autre soldat n’est présent. Le gars vient menaçant, et voudrait extorquer de l’argent parce qu’il est selon lui interdit de s’arrêter à cet endroit. Ses yeux sont  visiblement rouges sûrement à cause d’une excessive consommation de chanvre. Déjà bourré et puant l’alcool à cette heure matinale. Le chauffeur a le réflexe de présenter le Vieux comme un général retraité de l’armée qui pourrait l’envoyer en prison. En moins de dix minutes, le pneu est remplacé, et nous repartons après avoir remis 6000 fc aux jeunes gens qui nous ont aidés. Contre mon gré le chauffeur a remis 2000 fc à l’agent de l’armée. Nous dépassons l’aéroport pour Terre Jaune où nous attend Rigobert. Le temps d’acheter un « litrage » d’agéné auprès d’une maman mungala. La réalité est que je n’ai pas retrouvé le kiosk où j’en ai obtenu en septembre 22. Je sais que mon curé sera ravi d’en recevoir. Le temps de localiser Rigobert, nous voilà à N’djili. Il est 9h20. 

Les tracasseries commencent dès l’entrée. Chacun se trouve là pour se remplir les poches, qu’on se le dise. Quoique les officiers exigent que seul le voyageur entre dans l’aérogare, nous réussissons à y entrer tous sans problème. Le Vieux n’a même pas jeté un coup d’œil aux agents. Il faut passer au contrôle des bagages. J’ai de la courge, du mfumbwa, des mayebo. On m’exige d’acheter une glacière, je refuse car c’est pas la peine. Quitte à remettre le tout à Rigo au cas où ce ne serait pas possible de passer avec. 10000 fc s’envolent dans la foulée. Une longue queue m’attend au Go Pass où chaque voyageur excepté les dignitaires du pays et alliés doit payer 55$ comme frais d’aéroport. Une cagnotte créér depuis des années dont on ne comprend pas le but car cet aéroport est dans un état misérable avec son éternelle et immense foule de rôdeurs et d’imposteurs. Je prends congé de mes accompagnateurs. 

Il est 10h passées lorsque je me présente au guichet de contrôle Covid-19. Je retrouve Déborah, une dame qui m’a compliqué la vie il y a quelques années ne sachant rien de la Barbade et exigeant que je produise ma carte de séjour en Angleterre. On est devenu amis par la suite car je la retrouve à chacun de mes passages. Au guichet d’embarquement dû Ethiopian, on trouve 1,5 kg d’excédent. La dame s’agite comme si je l’avais offensée personnellement en lui suggérant de mettre une étiquette « Heavy » au lieu d’exiger de l’argent. 20000 fc s’envolent. Vaccination international. Puis le contrôle des passeports. L’homme de la DGM m’apprend que j’aurais dû quitter le pays la veille, et non le 2 avril. On me permet toutefois de passer. Dans le hall d’attente, je fais quelques derniers appels. Au dernier check point, la dame remarque un surpoids, menace de me pénaliser en pesant le sac à dos… se tait lorsque 20000 s’envolent entre ses mains. J’ai très mauvaise conscience. Me voilà évoluant comme un corrupteur dans un univers où on survit par la corruption! Sans recourir à cet ignoble rite impossible de passer. Nzela mokuse ou shortcut. 

Quatre heures plus tard, j’arrive à Bole Airport, Éthiopie. Voilà un aéroport digne de ce nom! Les services sont offerts avec professionnalisme, compétence et élégance, sans discrimination. Je passe tous les check points. Les agents d’Ethiopian offrent leur assistance professionnelle et courtoise, sans rien attendre en retour. Débarquement à 20h10. Je présente mon Hôtel Voucher. Un bus m’embarque à 20h45 pour Skylight Hôtel où j’arrive à 20h55. Aucun retard dans l’organisation. Aucune tracasserie. Je reçois ma clé électronique, dépose mes bagages à main au 7eme étage de l’impose hôtel, descends pour quelques précisions, m’installe tranquillement sur une chaise-repos, appelle Barbados, prends une douche chaude, descends de nouveau au rez-de-chaussée pour un somptueux repas. Je dois faire attention avec le sucre. 

Le matin du 3 avril, un wake up call me rappelle que mon vol pour Londres étant à 10h45, je dois prendre la navette de 8h - 8h30. Je prends rapidement douche, boucle mes sacs, descends déjeuner. M’embarque dans le bus, et me voilà de nouveau à Bole. Trois check points. Sécurité oblige. Je me sens vraiment à l’aise. Même lorsqu’on me demande d’attendre mon passeport pour des raisons de vérification, je demeure serein, n’ayant rien à me reprocher ou ne doutant de rien. Autant j’étais frustré à N’djili dans mon pays de naissance, autant je suis traité avec respect et considération à Bole. Aucun sou ne s’est envolé à Bole. Comme quoi, entre les deux aéroports, c’est le jour et la nuit. Pouvez-vous imaginer qu’il n’y a aucun hôtel dans les alentours de N’djili? Nous sommes vraiment un pays des musiciens, des pasteurs, des frimeurs et frappeurs. Incapables de bâtir une flotte aérienne propre ni un aéroport à notre service! Et si le MP Kenyan avait raison? J’ai dit.

London Staines/Heathrow, 4 avril 2023.


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