Quelqu'un m'a étonné, un jour, en soutenant que la célébrité littéraire est une aura qui n'a rien à voir avec la qualité de l'oeuvre produite par l'auteur. Je lui ai répondu illico qu'il avait tort. Ma réponse était motivée par une naïveté viscérale propre aux lecteurs inexpérimentés et sous-informés des réalités qui sous-tendent l'ordre du monde. Aujourd'hui, je donne raison à ce critique non-littéraire, pourtant informé de ces types de choses. Je lui donne raison, mais en partie seulement.
La qualité littéraire n'est pas décisive dans le succès que connaît un écrit. La réception d'une oeuvre dépend plus de facteurs extra-littéraires que des critères proprement artistiques. C'est la propagande éditoriale qui fait le succès d'une oeuvre. Il y a des écrivains créés de toutes pièces par le presse, qui vendent leurs livres comme du pain alors que d'autres peinent à voir le bout du tunnel quand bien leur travail porte une valeur esthétique indéniable.
Un récit comme Nervous Conditions de la Zimbabwéenne Tsitsi Dangarembga a connu un succès international alors que je continue jusqu'à ce jour à me poser des questions sur la pertinence et la valeur extraordinaires de cette publication. En fait, ce récit si simple en réalité a touché à un problème féminin ou féministe, à une époque où le monde avait encore les oreilles bouchées pour ce genre de choses. C'est une oeuvre pionnière sur le plan thématique et éditorial. Elle a répondu aux attentes du lectorat de l'époque qui l'a hissée au sommet de la littérature.
Il y a des écrivains qui forcent la note, sans obtenir le succès souhaité. Ce n'est pas la quantité qui fait le succès, bien qu'il en soit aussi tenu compte. Oyono et Kane en sont des exemples. A l'opposé, Calixthe Beyala, disposant d'un lectorat fidèle qui attend avidement ses publications, se permet d'écrire n'importe quoi. Réussit l'oeuvre qui est prise en charge par la machine éditoriale et par la notoriété des sponsors. Il a suffi à Edwidge Danticat de passer dans une super-émission télévisée de Winfried Oprah pour que ses romans deviennent, du jour au lendemain, des bestsellers. Depuis, cette Américaine originaire d'Haïti est devenue l'invitée incontournable de plusieurs conférences ou colloques sur les femmes de la Caraïbe, Haïti, les problèmes interculturels des Amériques.
Je ne remets en question ni la qualité ni le talent génial de ces écrivains. J'affirme seulement que le succès que connaît une oeuvre est souvent tributaire d'un complexe concours de circonstances. Certains bons écrivains sont voués à l'oubli, condamnés au mépris d'une réception condescendante et humiliante. Tel est le lot de la célébrité littéraire.
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