Ma mémoire me trompe rarement dans ces situations. J'ai vu Ma Véronique pour la première fois en juillet 1965 à la fin de ma deuxième primaire. Je la connaissais par contre de nom et avais vu de ses photos, notamment quelques-unes à bicyclette avant de la rencontrer en personne. Paix à son âme! A ce temps-là, le contact était bref car nous étions retournés à Makiosi dès la fin des vacances. Je l'ai par contre mieux connue lorsque je fus obligé de retourner à Kenge en octobre 1965 pour y poursuivre mon école primaire. A l'époque, elle enseignait chez les filles et était très bien appréciée. La famille Kayolo occupait la maison de Papa Mbakata au Camp Fonds d'avance (ONL), à la suite de l'incendie de la maison de la rue Kabambare. C'est donc là que je les vis. Comme il y avait déjà d'autres cousins (Charles, Antoine, Tsimbu), tantes (Semba, Ngimba) et oncles (Fwasi, Bunda), je fus d'abord placé chez mon oncle maternel Valentin Tsakala avant de rejoindre au champ de tir la famille de Papa Kapita. J'ai vu Frédéric naître, ainsi que Patience et Roger.
Un incident s'est passé après le départ de Papa Frédéric pour l'Europe. A leur retour à Kenge, j'avais boudé et ne m'était pas présenté. A l'époque, j'étais très rebelle d'esprit. Mama Véronique ne m'ayant pas vu, m'a invité; comme j'avais résisté, elle a envoyé ya Charles et Antoine me ramener de force au bercail. Ce jour-là de janvier 1967, j'eus l'honneur de manger à la grande table avec Ma Véronique. Ce jour-là eut lieu un véritable tournant dans ma vie car Ma Véro m'a prouvé son amour; et son amour m'est resté collé jusqu'à la fin de sa vie. Mes innombrables passages et séjours - vacances, voyages - à Kenge ont été toujours agréables. Cet amour s'est étendu même à mes amis comme Arthur Pashi, Séraphin Kiosi et d'autres.
Kalonda octobre ou novembre 1972. Un dimanche avant-midi, je suis appelé au bureau de l'abbé directeur. Et pour cause? Ma Véronique accompagnée de mes cousins - Aimé, Fédo, Roger, Patience - est en route pour Khandi-Makila, Feshi, où papa Frédéric les a précédés. Cet escale de Kalonda a été révélateur pour moi car ce jour-là, j'ai entendu pour la première fois l'abbé M'Sanda parler kisuku avec le chef de collectivité de Ganakheti ou Mwela. Ils sont repartis le lendemain.
Puis la famille Kayolo a été mutée à Popokabaka toujours dans l'officiel. Je ne m'étais jamais rendu là. C'est plutôt à Bandundu que je les retrouverai en avril 1978 lors d'un ministère pascal à St Paul, papa Kayolo étant devenu conseiller pédagogique des écoles conventionnées catholiques. Le 6 août 78, je suis de nouveau à Bandundu pour ma vêture avec Séraphin Kiosi, Faustin Mampuya, Noël Matonga, Albert N'Koy et Alexis Olenga. Ce soir-là Papa Frédéric a organisé en mon honneur une belle représentation de danse Mapotopoto des Bakwese dans sa concession près du collège Kivuvu. C'était très beau.
On s'est revus quelques mois plus tard à Kimbau lors des vacances pascales de 1979. J'étais en régence à Kalonda, mais j'avais souhaité fêter Pâques à Kimbau. Chaque soir, Maman Véro envoyait à la paroisse du foufou que nous partagions avec les amis Floribert Kasamba et Diplomate Kuhunisa qui y étaient envoyés en ministère. Puis je suis parti pour Rome jusqu'en 1982.
A mon retour de Rome, les événements se précipitent: diaconat le 15 août 82, prêtrise le 7 août 83. Je passerai cinq ans à l'évêché. Presque tous les dimanches soirs, dans les conditions normales, je me retrouvais au camp ONL. C'était une tradition que j'avais établie; et nous avons passé un temps formidable. Bref pour dire que Ma Véro a vécu tous les grands événements de ma vie: vêture, diaconat, prêtrise. Dans la joie comme dans la peine, elle a été présente. Nous avons tout partagé ensemble.
Lorsque Papa Frédéric est décédé en janvier 2001, elle m'a écrit une très longue lettre que je garde encore, dans laquelle elle m'a décrit tous les détails concernant la mort "subite" de mon défunt oncle. Elle m'a surtout confié comment elle a vécu cet événement douloureux avec tous les sous-entendus et les soupçons qui ont circulé à ce sujet. Là encore, j'ai senti quelle place j'occupais dans son coeur. Et cette lettre était cathartique pour moi. Aujourd'hui, c'est elle-même qui part auprès du Père Céleste, au même mois de janvier fatidique. Paix à son âme! Ainsi soit faite la volonté divine.
"Mu me kwenda na clinique kutala kha Kahiudi bo me sala yandi césarienne" (sic). C'est Claire Mukadi qui a entendu cette phrase de la bouche de Ma Véronique, et me l'a rapportée. En effet, Kha Kahiudi, mon grand-père, donc son beau-père, était opéré de la hernie en 85 à Kenge. Allez-y voir.