25 janv. 2015

Le pouvoir, les armes et l'argent

Pendant longtemps je croyais que seules les armes assuraient le pouvoir tandis que les gens s'engageaient en politique pour avoir la main-mise sur l'argent. Sans renier cette discutable croyance, j'en suis à réévaluer les choses. Un lecteur attentif de ce blog découvrira combien je parle avec ironie, humour, sarcasme ou véhémence, de la politique, du pouvoir politique. A observer de près ce qui se passe en Afrique, je crois qu'il faut agencer ces trois éléments fondamentaux dans l'acquisition et la conservation du pouvoir.
1. Leadership. Qui est leader? Comment devient-on leader? Il y a des gens qui sont naturellement nés leaders. Nés dans le sérail du pouvoir, ils s'inscrivent dans la dynastie paternelle ou maternelle. La famille dont on est issu est déterminante: le nom à lui seul déclenche de l'enthousiasme ou du rejet selon les circonstances temporelles. D'autres s'octroient le pouvoir par leur ambition, leur dynamisme ou leur charisme personnels. D'autres le prennent par la force, rien que la force. D'autres sont fabriqués sur le tas, par la rumeur comme par des individus susceptibles d'en tirer profit. L'Afrique est un terrain propice pour les cas de figures les plus variés.
2. Glissement. Voilà un mot qui  a pris une connotation particulière en RDC. Pour un littéraire comme moi, le scénario de ce qui se passe est très intéressant parce qu'il se révèle des choses insoupçonnées. A ma connaissance, à moins que je me trompe, le président n'a jamais exprimé publiquement ses intentions au sujet d'un troisième mandat alors que le parlement et l'opposition se trouvent à couteaux tirés sur ce même point. Le soupçon de "glissement" fait s'empoigner des personnalités d'horizons différents: "Kabila désir", "Kabila dégage" sont des slogans qu'on lit ici et là. Cette semaine, les manifestations anti-glissement ont produit des morts: 12 pour le gouvernement, 43 pour les opposants et les observateurs des droits de l'homme. Morts inutiles, infondées mais jugées héroiques par les opposants et minables par le pouvoir. Chaque camp tire la couverture de son côté bien entendu.
3. L'argent. On a entendu, lu dans les twitters et sur Facebook, que 100.000 USD auraient été proposés aux députés pour qu'ils votent la loi électorale. On a aussi entendu que les députés auraient exigé 200.000 USD, soit une cagnote de 70.000.000 USD qui seraient dégagés d'on ne sait où pour acheter le vote de cette loi controversée. Cela se passe en pleine crise financière dans un pays dit pauvre et sous-développé. Si cela est vrai, nous devons alors tous devenir députés afin de nous enrichir en un tour de mains, gagner des millions de francs congolais au prix de notre probité intellectuelle, spirituelle et humaine. Comme quoi, l'argent résoud tous les problèmes. Que non! Ce qu'on ne peut pas obtenir par l'argent, on peut l'obtenir par la couverture des armes.
4. Dérapage: la violence et les armes. A voir l'arsenal du dispositif militaire et policier déployé pour contenir les manifestations des 19-21 janvier 2015, il y a de quoi se demander ce qui est défendu; on est en droit de se demander pourquoi l'opposition a poussé tant de gens vers la mort. Il serait plus objectif de soutenir qu'il y a eu des dérapages de part et d'autre. Les marches deviennent souvent une occasion pour casseurs et pilleurs de se mêler à la confusion et de semer le désordre. Des fois, ces criminels peuvent être téléguidés, instrumentalisés pour la cause d'un des camps en affrontement. La violence n'épargne ni l'agent de l'ordre ni l'activiste dans nos pays. Lynchages, tirs à balles réelles sous prétexte d'auto-défense, exécutions sommaires, séquestrations et emprisonnements massifs, etc. constituent les risques auxquels s'exposent les activistes au cours de ces représailles violentes et disproportionnées.
5. Les pouvoirs africains appliquent des schémas similaires agençant force, argent et arme. La force pour intimider ou terroriser, l'argent pour corrompre et l'arme pour tuer. Et souvent, le recours à la gâchette est très facile. Le sang coule à presque toutes les manifestations. Aujourd'hui, 16 personnes ont perdu la vie au Caire lors des manifestations commémorant la chute de Moubarak. Qu'adviendrait-il à nos pays s'ils optaient pour le modèle suisse? Tout Suisse est soldat et possède son arme à la maison. Il y aurait sans doute des carnages en l'état actuel des choses. D'où la nécessité d'une éducation à la paix et au devoir citoyen. Un profond changement de mentalité s'impose dans la gestion de la chose publique. Il n'y a aucun motif de honte à respecter la Constitution de son pays ni à canaliser ses ambitions dans ce modèle. Ceci n'est malheureusement pas le point de vue du politique africain.
Quoi que l'on dise, la dignité ne s'achète pas. Ce n'est pas la quantité de l'argent qui doit fléchir une conscience et la pousser à tuer, violer, trahir son peuple. Ce n'est pas la menace de l'arme qui doit effacer des convictions de vie. L'intégrité d'un homme est une valeur non négocialbe.

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