28 mars 2015

"Pour faire mieux que Mobutu,... il suffit d'être correct" (E. Angulu)

En novembre 1997, Temps Présent émission de la Télévision Suisse Romande avait tourné un documentaire intitulé: "J'étais réfugié... je suis ministre." J'avais suivi cette émission le jour de sa première diffusion en Suisse. Je viens d'en retouver l'intégralité sur Youtube. Ce documentaire a mis en exergue deux personnages: Edy Angulu, ministre, et Mathieu Musey, professeur.  Deux discours, deux argumentations, deux visions du monde. Le point commun entre les deux est qu'ils sont tous deux originaires du Bandundu, qu'ils ont été étudiants, et/puis réfugiés en Suisse, opposants au régime de Mobutu. Après la chute du régime  Mobutu en mai 1997, la TSR est allée s'en quérir de la situation de deux anciens réfugiés: le premier est rentré dans la mouvance du changement de régime alors que le second, professeur, avait été refoulé de Suisse quelque dix ans auparavant. Optimisme chez le ministre et pessimisme chez le professeur de philosophie et d'ethnologie. Qu'en est-il de leurs prédictions aujourd'hui?
Edy Angulu est mort il y a moins d'une année. J'ai écrit un éloge à sa mémoire sur ce même blog car je l'ai connu. Que son âme repose en paix! Quant au professeur Musey, je ne l'ai jamais vu mais je le connais. Et même bien car il a été candidat missionnaire SVD. Pour preuve, j'ai retenu une blague que Mgr Hoenen avait racontée à son sujet lors de notre dernière rencontre à St Augustin. Peu après mon arrivée à Fribourg, il a été refoulé manu militari début 88, ce qui a causé un tollé dans la presse suisse. Par recoupements, je sais beaucoup à son sujet.
Ce débat montre deux constats essentiels. L'élan du changement amorcé par le régime Kabila était à sa vitesse de croisière. Plus rien ne pouvait arrêter la vague de l'histoire. Mobutu tombé, l'avenir s'annonçait rose et clair. La volonté était là malgré le délabrement des institutions et des infrastructures; le temps était au travail. La diaspora, en dépit du refus du ministre de reconnaître son déracinement du pays, est massivement rentrée pour reconstruire le pays. Ne voilà-t-il pas le réfugié parachuté ministre!
Face à cette dynamique relativement émotionnelle et naïve se présente un autre regard. Le professeur rentré de force dans son pays demeure plutôt réaliste, réservé et critique. Réaction normale, c'est un philosophe. Il juge la nouvelle élite politique arriviste, arrogante, inexpérimentée et déracinée des réalités du pays. Elle va échouer parce qu'il ne suffit pas d'avoir étudié l'économie à l'université pour être ministre de l'économie; il faut plutôt vivre au milieu de la population au lieu de se terrer dans les chambres climatisées du Grand Hôtel de Kinshasa.
C'était donc la situation du pays dans la vague de l'après-Mobutu que la TSR a épinglée. Le défi du nouveau leadership était de mieux faire que Mobutu. Y ont-il réussi en dix-huit ans de pouvoir? La réponse à cette question départage "mouvanciers" et opposants. Oui pour les premiers et non pour les seconds. Les premiers insisteront sur la croissance soutenue de l'économie et les infrastructures routières ou hospitalières, tandis que les seconds critiqueront la corruption, la pauvreté, la précarité sociale, les guerres à l'est, l'insécurité et l'injustice en vigueur. En d'autres termes, est-ce aujourd'hui mieux que du temps de Mobutu? Là encore, même débat. Les mobutistes, Ngbanda en tête, dénoncent la dictature; l'opposition insiste sur le respect de la constitution et des règles démocratiques tandis que les kabilistes professent allégeance à leur leader de président.
Etre correct, oui c'est l'expression qu'a utilisée le ministre Edy Angulu il y a dix-huit ans. Ma question est justement: "Peut-on être correct en politique? Si oui, comment?" Et croyez-vous que Mobutu n'était pas correct? Pour moi, nul n'est correct en politique parce que c'est les enjeux en vigueur qui commandent le comportement des leaders. Un ange peut cacher un diable. 

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