5 févr. 2021

Souvenirs de Mgr Louis Nzala




6 février 46 - 6 février 21: 75 ans. Lorsqu'il s'agit d'une personne de l'envergure de Mgr Louis Nzala Kianza, chacun possède son histoire et son expérience. Et chacun les relate à sa manière. Les miennes se situent entre août 82 et décembre 19 quoique mon expérience de lui précède et dépasse ce court laps de temps que nous avons personnellement partagé. Ce témoignage est de moi, et n'engage que moi.

Le premier à nous avoir parlé de l'abbé Louis Nzala, c'était l'abbé Charles Kapende, à l'époque Kapendson Fils pour Mr Boubou. Quarante-neuf ans bientôt, les évêques venaient de fermer Jean 23 à la suite des conflits entre le pouvoir et l'église catholique. Sous-diacre, Kapsy a passé ce temps d'attente à Kalonda où il nous a enseigné les cours de français et religion. C'est dans ce contexte qu'il nous parlera de son meilleur ami. Une théorie de l'amitié simple: faire le vide dans sa tête, et juste ne penser qu'à son ami. J'ai retenu la leçon. Séraphin aussi d'ailleurs puisque nous la répétions à Mayidi. L'abbé Louis Nzala originaire de Kiamfu kia Nzadi ne m'était pas du tout inconnu. Au fil du temps, de nouvelles sporadiques nous parvenaient. A Mayidi, l'abbé Hippolyte Ngimbi me dira qu'ils partageaient le même appartement à Louvain-La-Neuve. Puis pendant ma régence à Kalonda en 78-79, alors que je suis dans l'équipe de formation, le directeur Kapende parlera souvent de son ami, de leur amitié avec Dominique Kahang' et de leurs rencontres en Belgique ou en France. Autant dire que j'avais une bonne connaissance de l'abbé Nzala avant de le voir et connaître.

Août 1982. A peine revenus de Rome, nous sommes à Kalonda en retraite pour le diaconat. Faustin Mampuya, un autre et moi faisons un tour sur le tronçon qui relie Kalonda à Misele lorsqu'une jeep s'arrête brusquement à notre niveau. J'entends: "Ya Claver, Ya Claver". C'est Wivine Boloko qui joyeuse de me revoir après tant d'années a fait arrêter le véhicule. Elle me présente à l'abbé Nzala, coordinateur régional des écoles conventionnées catholiques de Bandundu; ce dernier me parle comme s'il me connaissait de longue date. Les présentations une fois finies, le coordinateur nous souhaite: "Bonne retraite, et à très bientôt". Ainsi pendant mon séjour à Kenge, nous nous reverrons souvent à la procure, à l'évêché, à Kin, aux Flamboyants, à la CEZ comme à la maison de Popo. 

A la Procure. L'abbé Nzala venait régulièrement à Kenge pour des raisons de service. Dans ses meilleurs jours, il pouvait vous sortir des humours à vous couper les côtes. Faustin en raffolait qui a retenu quelques-uns et non des moindres. Il aurait entonné un Ikwikila Nzambi Tata en plein début de messe pour venir au secours de Mgr Mayamba bloqué par des pleurs à une messe des funérailles. Ses passages se remarquaient toujours. Observateur méticuleux, ce juriste pouvait vous produire des analyses d'une exceptionnelle acuïté. Doué d'un sens pratique et de bon conseil, il m'a personnellement aidé à comprendre comment fonctionnait le canoniste Mgr M'Sanda. Dans une simplicité à vous désarmer, il sortira l'expression: "Yandi kaka po pana" pour désigner quelqu'un qui ne parle que le kikongo ya leta. En l'occurrence Vwanga. Une fois, je l'ai soulagé du mal de dos en le massant; il en redemanda. Ensemble, nous avons aidé la famille Kuyenguna brutalement déguerpie de la maison de l'état par le Sous-Réged qui l'a remplacée, à trouver une maison de Lwe Biawu juste à côté du Bar de Kapende. Je l'évoque parce que c'était son initiative.

A la Conférence épiscopale où il était adjoint à Mgr Kanyamachumbi, nous avons beaucoup collaboré sur des dossiers sensibles. Mais au-delà du service, nous avons développé de solides relations fraternelles. Mes souvenirs de son travail à la CEZ gardent trois événements en exergue. L'organisation de le visite du Papa Jean Paul II à Kin en 85 a montré sa capacité d'organisation. En janvier 86 à Isiro, nous étions côté à côté à la messe de clôture du premier pélerinage Anwarite célébrée par le Cardinal Malula. A cette occasion je vis l'abbé aumônier Mazina Meto pour la dernière fois. Je le revois en train de négocier le voyage retour du comité permanent à Kinshasa. Un avion cargo affrété par le Père Mully nous ramena à Kin. Tous les évêques étaient fâchés. Je n'oublierai jamais cet épisode car l'avion alla se garer vers l'espace marchandise. La plupart sont morts, mais certains évêques sont encore vivants, il y a même un cardinal; ils peuvent témoigner. Des dossiers sensibles, il y en a eu. Lors de la CENS, le juriste abbé Nzala était instrumental au secrétariat de Mgr Monsengwo. 

Devenu évêque de Popokabaka, Mgr Nzala m'a reçu à plusieurs reprises à sa résidence pendant mes passages à Kinshasa. Je me souviendrai de la toute première rencontre. J'étais accompagné de ma cousine Madeleine Mavudila, la soeur de Dieudonné. J'ai reconnu mon aîné dans sa simplicité et son humilité légendaires. Impressionnant! C'était comme si rien n'avait changé entre nous alors qu'il était élevé à la dignité épiscopale. Ses charges ne l'ont jamais empêché de me recevoir ni de me manifester sa grande fraternité. Combien de fois avons-nous  partagé des repas au Palmier ou au Restaurant dans les parages du Building Onatra? Et même encore, il m'a posé des questions sur un dossier très sensible concernant un ami, dans lequel mon nom était cité. Il était clair: "Je t'en parle puisque ton nom est évoqué. Autrement je ne t'aurais pas dérangé." 

J'ai remercié Mgr Nzala dans Du mythe à la littérature (2013). Il portait une attention particulière à mon évolution académique. Lors du colloque du CRECEM du 9 au 10 décembre 2010, il a demandé à l'abbé Kahang' de m'informer qu'il viendrait à ma présentation; et il était présent. Je l'ai évoqué sur ce blog: 

"La présence des évêques Msgrs Edouard Mununu de Kikwit et Louis Nzala de Popokabaka a montré l'importance de l'événement. Pour la petite histoire, Mgr Nzala est revenu express pour suivre mon humble intervention; ce geste m'est allé droit au coeur. Le Seigneur en lui revaudra. Le centre est affilié à l'Université de Kikwit nouvellement agréée, non pas à l'université de Bandundu." (Voir ce Blog: Entrée du 21 décembre 2010).

Mgr Nzala ne s'est pas arrêté là; il est passé avec l'abbé Pierre Mbambu me dire au revoir à la Maison provinciale SMA où j'étais logé. Je garde encore des photos de ce jour-là. Quel honneur et quel geste de fraternité! Merci cher frère aîné pour ton affection jamais reniée! En juillet 2012 il a vu les jumeaux Ibangu et Mukawa dont la photo se trouvait bien encadrée sur son bureau. Je publierai des photos dans les prochains jours si je les retrouve. Il était à la veillée funéraire de mon père en 2007, et plus tard, à celle de ma mère le 31 août 12 en ma présence. Un passage très significatif pour moi. La liste des bienfaits rendus aux miens et à moi-même est longue mais je m'arrête là, préférant revenir sur notre toute dernière rencontre.

14 décembre 2019. Je passe pour quelques heures à Debonhomme chez Adrienne qui dans la foulée évoque la maladie de Noko Louis et me conseille de le voir. Nous l'appelons illico et rendez-vous pris, je me rends de là à la Procure de Popo à Kintambo. Mgr Nzala me reçoit sans me faire attendre. Notre rencontre est très émotionnelle: je verse des larmes. Nous passons ensemble une bonne vingtaine de minutes. Très lucide malgré le corset qui paralyse son cou, il me pose beaucoup de questions, se renseigne sur tout le monde, me prodigue des conseils et des encouragements. Nous nous bénissons mutuellement avant de nous quitter. Il insiste que je ne m'apitoye pas sur son sort mais que je prie pour lui. C'est la dernière fois que je l'ai vu. Merci infiniment cher aîné.

Ya Louis, ce texte a été écrit en décembre 20. Je le publie seulement aujourd'hui pour fêter à titre posthume la 75e bougie que tu aurais soufflée sur terre. Dieu dans sa miséricorde t'a rappelé à lui. Whena mu ngemba kuna wena Mbuta Mutu. Tuyindulaka betu bosu tusadi Yaya. 

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