27 janv. 2013

"Les mains sales" de Jean-Paul Sartre

1. Avez-vous déjà lu Les mains sales de JP Sartre? Il n'y a pas de honte à avouer. Cela fait quarante ans que j'ai entendu parler des Mains sales, que j'ai suivi des commentaires rapides là-dessus. Dans ma confusion, je croyais avoir lu cette pièce de théâtre. Eh bien, je me suis trompé et j'ai même, sans le vouloir, trompé ceux ou celles devant qui j'aurais prétendu le contraire. Raskonilkoff n'est pas un inconnu dans mon univers culturel; mais je n'avais jamais lu Les mains sales jusqu'à la semaine dernière. Et même dans mes enseignements littéraires, je n'y ai jamais recouru.
2. Pourtant, je lis Sartre depuis la fin de mon école secondaire. Entre mes mains et devant mes yeux ont été consommés au fil des années et pour des intérêts divers La nausée, Huis clos, Le mur, L'âge de raison. Et lorsque j'étais en philosophie à Mayidi et pendant ma formation à Fribourg, j'ai eu à lire des extraits de L'être et le néant ou Critique de la raison dialectique. Pour mes recherches sur les mythes, j'ai consulté Qu'est-ce que la littérature?, L'imaginaire et différents tomes de Situations. Autant dire que je possède une connaissance relativement passable de Jean-Paul Sartre. Et pourtant, j'étais complètement ignorant des Mains sales. Quelle honte pour le littéraire que je prétends être! En plus, un vieil exemplaire de ce livre perche, immaculé, sur les rayons de ma bibliothèque. Un collègue retraité me l'a cédé à l'époque où il vidait son bureau. Pis encore! Un brillant travail de fin d'études signé Séraphin Kiosi Kamvinda Vwanga S.D. avait été dédié, il y a de cela trente-quatre ans, à un certain "Naja Dekunda". Voilà pour l'anecdote!
3. Si je reviens sur ce livre que je me suis vu forcé de lire afin de me mettre à niveau pour des travaux de consultation auxquels je suis associé, c'est parce que je viens d'y découvrir d'étonnantes similarités avec ma propre pensée sur ce qui se passe en RDC, mon pays, depuis l'arrivée de l'AFDL. Peut-être avant aussi! J'ai été surpris que les expressions que j'utilise pour construire ma pensée "personnelle" sur des thèmes tels que la politique, le racisme, la démocratie, la justice, la mondialisation, le pouvoir, la vie, la corruption, la liberté, la fierté nationale, etc. se trouvent déjà implicitement dans ce livre de Sartre publié en 1948.
4. Je suis peut-être radical lorsque je soutiens que la démocratie n'est pas faite pour les Africains. Hugo alias Raskolnikoff des Mains sales ne dit pas le contraire. A la différence que lui demeure un intellectuel anarchiste; ce que je ne suis pas. Je me définis littéraire! Allez-y voir! Dans mon portrait des politiciens, j'aime finir mes articles avec l'expression : Mani pulite! (Mains propres) Expression utilisée en Italie il y a une quinzaine d'années pour extirper la corruption à la racine. Ne voyez-vous pas de rapport avec les mains sales de Hoederer, l'homme assassiné pour avoir cherché à composer avec l'Armée Rouge lors de l'invasion de l'Illyrie?
5. En plus des similarités, j'y ai appris des vérités irréfutables et pragmatiques. Partout au monde, la politique, la vraie, s'élabore avec des calculs, des prévisions, des alliances et des collaborations qui peuvent, à première vue, friser la trahison. Et hélas, des meurtres politiques! C'est en réalité des risques qu'on prend, pour le grand bien de la Nation, et qui peuvent se révéler catastrophiques lorsque les effets prévus échouent. Et le bon politique est celui qui, réaliste et pragmatique, prend ces risques-là sans s'échauder. Défendant l'alliance avec l'Armée Rouge, Hoederer visionnaire dit à Hugo:
"... toutes les armées en guerre, libératrices ou non, se ressemblent: elles vivent sur le pays occupé. Nos paysans détesteront les Russes, c'est fatal, comment veux-tu qu'ils nous aiment, nous que les Russes auront imposés. On nous appellera le parti de l'étranger ou peut-être pis." (Les mains sales, Gallimard, 1948: 202-03).
6. Il n'y a même pas à approfondir la réflexion pour constater que la RDC vit, depuis l'alliance de Laurent-Désiré Kabila avec ses parrains, dans une logique de guerre et d'occupation. En clair, la RDC est la victime de l'Angola, du Zimbabwe, de l'Ouganda, du Rwanda, de la Tanzanie et du Burundi. Seulement, la prépondérance rwandaise est mise en exergue par le fait que les Rwandais sont les plus en vue, les plus rapaces et opportunistes. Les autres voisins ne le sont pas moins. L'Angola occupe des villages cu côté de Kahemba; l'Ouganda exploite du pétrole sur la terre congolaise. Ainsi, à tort ou à raison, tous nos gouvernants ont, volontairement ou non, consciemment ou inconsciemment, les mains sales. Politique? Politique? Mani pulite! J'ai dit.

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