27 avr. 2013

Les éditeurs de livres

1. Les éditeurs ont une très mauvaise réputation auprès des auteurs d'un certain monde. Les contrats de publication, exclusivement élaborés par eux ou à leur initiative, protègent plus leurs intérêts que ceux des auteurs. Intransigeants, ces prédateurs du livre imposent des clauses à leur seul avantage et bénéficient à 95% du travail des auteurs, sur lequel ils ajoutent une couverture et un numéro ISBN. On dirait un métier d'initié.
2. La crise justifie un changement d'attitude, toujours à l'avantage de l'éditeur. Certaines maisons d'édition sont devenues si capitalistes qu'elles vendent même les exemplaires jadis réservés à l'auteur. Un article de revue donnait droit à un exemplaire et à des tirés à part aux collaborateurs. Aujourd'hui les tirés à part n'existent plus, l'exemplaire de droit est devenu aléatoire. On le vend à 40% de réduction. A ce point, il est possible que l'éditeur publie un livre sans que l'auteur n'en reçoive un exemplaire.
3. N'osez surtout plus parler des droits d'auteur! Ils sont dérisoires. Certaines maisons accordent 6% après avoir vendu le 500eme exemplaire. Dieu seul sait quand le 500e exemplaire sera vendu, si j'amais il sera vendu. C'est le contrat et vous n'avez pas le choix. A prendre ou à laisser! Une chose sûre est que l'éditeur ne perd rien dans cette manoeuvre, et s'il y perd, il reviendra à l'auteur d'en payer les frais. En réalité, les éditeurs encaissent toutes les récettes de vente. Certains éditeurs exigent des auteurs un achat allant jusqu'à 50 copies. Lorsque les ventes ne marchent plus, ils proposent généreusement à l'auteur d'acheter les invendus à un prix réduit. Comme quoi, le dernier mot leur revient toujours.
4. Pour éviter d'être dupés, plusieurs auteurs optent de devenir éditeurs en montant des maisons éphémères  qui souvent manquent des soutiens financiers et de marketing. Certains décident de vendre eux-mêmes directement leurs livres. Maintenant, il existe des éditeurs qui fonctionnent sur ce concept, moyennant un émolument de base, et associent l'auteur à la vente. Même là, l'éditeur y gagne plus que l'auteur.
5. Les éditeurs-auteurs de collections et de livres communs subissent les mêmes contraintes que les auteurs. J'attends depuis plus de dix ans la publication d'un chapitre de livre pour lequel j'avais signé le copyright en 2002. Et l'éditeur, professeur à Lagos, continue à me demander de patienter. J'ai entretemps repris cet article dans mon dernier livre. Ce 24 avril 2013, j'ai pris connaissance d'une publication d'un de mes articles dans un collectif grâce à l'email d'un collègue qui voulait obtenir le livre. Le livre dont j'ai aussi découvert le titre a été édité à Cotonou depuis 2011. Ni la maison d'édition, ni les éditeurs n'ont pris la délicatesse d'en informer les auteurs, à moins que ce ne soit moi seul qui ai été ignoré. Comme pour dire que publier peut provoquer des migraines, surtout lorsque le professionnalisme fait défaut.
6. Dans ce marché qui a tout l'air d'une affaire de dupes, des talents sont sacrifiés, étouffés sans ménagement. Qu'on se le dise, l'éditeur est avant tout un vendeur. Et un vendeur sans scrupule. Il choisit le titre susceptible de se vendre; le thème qui attire et ramène de l'argent; le personnage-auteur dont la réputation est déjà établi. Ainsi certains genres comme la poésie ou les thèmes du Tiers-Monde, qui se vendent difficilement dans les pays développés, sont écartés sans même être traités. Beaucoup d'auteurs et de talents sont privés de lectorat et d'accès à la reconnaissance publique, simplement soit parce qu'ils sont étrangers, soit parce qu'ils n'ont pas d'argent pour payer les frais d'éditions, soit encore parce que les mécènes et financiers culturels leur ferment la porte.
Pour quoi, je soutiens que nos pays créent impérativement des mécanismes d'éditions, des structures de fabrication et de consommation du livre, car le livre est un support essentiel de la culture d'un pays.
 

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