23 avr. 2013

Voler, c'est congénital (2)

1. Le ridicule ne tue pas. Une autorité politique se retrouve seule dans le réfectoire d'une paroisse. Elle n'a pas mieux que d'empocher quelques quartiers de fromage "vache qui rit" qui traînent à table. C'est plus fort qu'elle. Une dame emporte plus de la moitié de la nourriture qu'on l'a chargée de préparer. Un élève ne peut s'empêcher de prendre le stylo, le crayon ou le plumier de son voisin. Comme par hasard, .j'ai revu chez un cousin mes photos d'enfance que je ne lui avais jamais données. Pour un montant d'argent dérisoire, on peut souiller son honneur à jamais. Une amie m'a raconté avoir décliné le poste de cassière à l'ambassade afin de garder sa conscience tranquille. Les exemples sont légion.
2. Une manie gênante. "Lokuta ezali ndeko ya moyibi" (Le mensonge va souvent avec le vol). L'astuce, le truc, l'imposture, le larcin, la ruse, la volte-face, le mensonge, le détournement, autant de mots et d'autres pour désigner ce fléau. Un grand monsieur de chez nous s'est vu coller le titre de menteur-voleur à son nom. Il avait des moyens, comme on dit, grâce à sa profession; mais tout ce qu'il possédait passait, aux yeux des gens, pour des objets volés ou détournés. Des noms comme Angwalima, Balados, sont chargés des connotations de dilapidation, d'imposture, de malversation, de vol professionnel ou à mains armées. Cette manie ne distingue pas de rang social ni de sexe ni de religieux. On peut bien être une personnalité en vue, haut gradée ou respectable, et souffrir viscéralement de ce mal congénital. Une vidéo intéressante a circulé sur le net montrant le président hongrois en visite officielle en Amérique Latine dissimuler dans sa veste le stylo doré qui lui a servi de parapher un accord bilatéral entre son pays et le pays hôte. Tic ou malveillance? Ce sont les journalistes qui ont révélé ce geste infâme. Quoique certains métiers prédisposent ou disposent à ces pratiques malhonnêtes, et jouissent d'une réputation douteuse, il faudrait toutefois reconnaître que le mal réside dans l'homme, peut-être même enraciné dans le subconscient.
3. On l'est dans le sang. C'est aussi une question d'éducation, un acquis de l'environnement dans lequel un individu vit et grandit. Feu mon père m'a raconté qu'un villageois de Mutoni-Toy allait voler des chèvres loin de son village, le revendait plus loin et revenait chez lui avec le pactole. Immaculé! Ce qui a éveillé la curiosité de ses co-villageois, c'est que cet homme frêle qui ne cultivait ni champs ni jardins menait une vie enviable, achetait les produits manufacturés que les marchands ambulants de passage étalaient. Son secret était découvert; mais il était de polichinelle finalement. Certains gestionnaires ne résistent pas au détournement des fonds et des biens à cause de l'impunité dont ils bénéficient, à cause de l'assomption que "l'ouvrier mérite son salaire" ou de la pratique en vigueur chez les fonctionnaires. Un agent de l'état qui quitte son poste vide sa résidence de tous les biens et meubles; agir autrement est synonyme d'idiotie. La notion d'honnêteté symbolise imbécilité, ingénuïté, sottise. Un(e) ecclésiastique qui vide la caisse de l'église pour subvenir aux besoins de sa famille biologique; un pasteur ou une diaconesse qui emporte la dîme des adeptes; un chef de l'état comme Abacha qui cumule un pactole de trois milliards de dollars en trois ans de présidence; un autre président Kasavubu qui est devenu la risée de tous pour être mort pauvre. Tout cela s'est déjà vu. Le mal réside dans le sang. Contrairement à l'acception répandue, aucun métier ne prédestine au vol, sauf celui de voleur bien entendu.

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