Etre africain est vécu par certains de nos frères et soeurs comme une condamnation à mort, à la géhenne et au désespoir. L'Afrique est le continent le moins avancé, le plus pauvre, le point du monde qui rassemble tout le mal-être. Santé déplorable, économie catastrophique, culture pillée, éducation inadaptée, colonisation, esclavage, sous-développement, faim, misère, etc. Une malédiction pèse éternellement sur ce continent démuni de tout et qu'il faudrait à tout prix sauver de la perdition. Même dans les pays caribéens à population majoritaire noire, les Africains sont objets d'un traitement de mépris. J'ai toujours attribué cela à une propagande orchestrée par l'Occident pour justifier leur main basse sur les richesses dont regorge ce continent et pour exercer leur hégémonie sur la politique africaine. Rien ne se fait en Afrique sans le contrôle de l'Occident. Cela n'est vrai qu'en partie.
Ce mois d'éveil africain ou le Black History Month comme disent les Africains-Américains, constitue un temps privilégié pour avancer dans la réflexion sur la place qui revient à l'Afrique dans le concert des nations. Plutôt que de pointer les Occidentaux du doigt, il serait judicieux de penser les moyens susceptibles de libérer l'Afrique du joug sous lequel elle peine. Tout cela doit partir d'une prise de conscience de l'aliénation dont sont victimes les Africains. Nous aimons nous identifier à l"aune des paramètres de l'Occident plutôt que de nous référer à nous-mêmes en nous valorisant nous-mêmes. Le manque d'amour-propre et de confiance en soi est une tare qui ronge le coeur des Africains. Nous préférons la pensée raciste de Hegel à la sagesse humaniste de nos vieux ancêtres.
Je ne cesserai de le répéter. Si les Occidentaux ont réussi à nous rendre étrangers à nous, à nous voir à travers leurs lunettes, rien ne justifie que ce phénonmène se pérennise jusqu'à ce jour, plus de cinquante ans après les indépendances. Les décisions nous concernant sont prises à New York et dans les capitales de nos anciens colonisateurs. Les réformes économiques nous sont imposées de l'extérieur par des experts qui ne savent rien de nos réalités ou qui lisent encore Lévy-Brühl pour élaborer pour nous des schémas de gestion. La main mise des Occidentaux sur ces institutions ne sert que leurs propres intérieurs. Et les Africains ne semblent pas comprendre ces astuces; et s'ils le comprennent, ils jouent le jeu des donateurs ou bienfaiteurs avec une surprenante obséquiosité. Les experts, coopérants et autres conseillers spéciaux qui sillonnent le continent, ainsi que les nombreux agents d'ONG et de multinationales qui étouffent l'initiative des Africains sous le couvert de l'entraide internationale, ne défendent les intérêts des Africains que pour mieux se servir eux-mêmes. Des expatriés exploitent ou pillent les ressources naturelles du continent avec la complicité de nos propres compatriotes qui en tirent des dividendes substanciels. Cette trahison impunie se vit au quotidien, se voit, mais nul n'a le courage de dénoncer publiquement ces malfrats de peur d'être éliminé. Etre africain c'est une soumission sans failles aux maîtres du monde.
Dans l'ordre mondial actuel, il convient de savoir ce qu'on veut. L'Afrique doit se prendre en mains et cesser d'attendre le salut de nos paternalistes ex-colonisateurs. Le néo-colonialisme ou le néo-impérialisme déciment l'Afrique. Réfuter le schéma instauré par nos anciens colonisateurs fait partie d'une importante étape dans la dé-colonisation mentale dont a besoin l'Afrique. Il est temps, cinquante après les indépendances, de dire NON à toute forme de colonisation déguisée, de dire NON à toutes les tentatives menées de l'extérieur pour maintenir l'Afrique dans la pauvreté, la misère, l'ignorance et le sous-développement. Un sursaut de fierté et de confiance en soi s'avère essentiel pour libérer l'Afrique des réflexes hérités des colonisateurs et de leurs parains. A cette seule condition, être africain sera revendiqué comme une arme pour la libération totale de l'Afrique et de toute sa population. A cette condition, être africain correspondra aux aspirations profondes de tous les Africains. L'Afrique, quoi que l'on dise, a de beaux jours devant elle. Elle a été le berceau de l'humanité, elle sera l'oasis de l'humanisme dans ce monde qui s'effondre.