Le 21 mars 2013 est décédé à Boston aux Etats-Unis l'écrivain nigérian Chinua Achebe, l'auteur du roman le plus célèbre de la littérature africaine moderne toutes langues confondues: Things Fall Apart (Le monde s'effondre, 1958). Romancier remarquable, homme de lettres exceptionnel, Achebe qui vient de tirer sa révérence est un monument de la culture africaine. Paix à son âme! Honneur et respect au maître de la parole!
"Chinua Achebe, le romancier de l'oralité
(p. 233-235)
Dans Things Fall Apart Achebe nous met en présence des villages auxquels il attribue un discours à la mesure de leurs usages langagiers. Soucieux de vraisemblance, il va jusqu’à transposer ce niveau de langue en anglais. G.D. Killam avait déjà observé ce phénomène: « The language of Okonkwo and the others villagers is expressed in the idiom of the villagers as Achebe transmutes it into modern English » (Killam 1969: 13).[1]Même aux enfants on apprend dès le jeune âge à peser les mots et à bien choisir les expressions en fonction des circonstances:
(p. 233-235)
Dans Things Fall Apart Achebe nous met en présence des villages auxquels il attribue un discours à la mesure de leurs usages langagiers. Soucieux de vraisemblance, il va jusqu’à transposer ce niveau de langue en anglais. G.D. Killam avait déjà observé ce phénomène: « The language of Okonkwo and the others villagers is expressed in the idiom of the villagers as Achebe transmutes it into modern English » (Killam 1969: 13).[1]Même aux enfants on apprend dès le jeune âge à peser les mots et à bien choisir les expressions en fonction des circonstances:
Children
were warned not to whistle at night for the fear of evil spirits. Dangerous
animals became even more sinister and uncanny in the dark. A snake was never
called by its name at night, because it would hear. It was called
a string. (Achebe 1973: 7)[2]
Ce
contrôle rigoureux de la parole montre que les personnages vivaient dans un
monde merveilleux propre aux contes et légendes. Au-delà de l’attribution d’un
discours proverbial aux personnages et de l’inspiration esthétique,
Achebe s’inscrit dans la tradition igbo du narratif. Non seulement le romanesque est
construit sur une ambivalence philosophique propre à la narratologie igbo, le romancier
anglophone insuffle des contes entiers ou des extraits de
conte susceptibles d’expliquer une situation événementielle de son récit
romanesque.
Ainsi en est-il de la fable du moustique et de l’oreille:
“Mosquito”,
she said, asked Ear to marry him, whereupon Ear fell on the floor in
uncontrollable laughter. “How much longer do you think you will live?” She
asked. “You are already a skeleton.” Mosquito went away humiliated, anytime he
passed her way he told Ear that he was still alive. (Achebe 1973: 66)[3]
C’est
le mythe étiologique qui aide à comprendre pourquoi le
moustique vole toujours près de l’oreille et l’empêche de dormir.
Le
conte du vendeur de chèvre justifie l’usage de la sorcellerie, pratique souvent
évoquée pour expliquer certaines choses inexplicables:
There was once a man
who went to sell a goat. He led it on a thick rope which he tied round his
wrist. But as he walked through the market he realized that people were
pointing at him as they do to a madman. He could not understand it until he
looked back and saw that what he led at the end of the tether was not a goat
but a heavy log of wood.
Do you think a thief
can do that kind of thing single-handed?” asked Nwanko.
Le
conte, la fable, la légende, le chant comme le proverbe,
constituent la toile de fond du discours des personnages présentés dans Things Fall Apart. N’est-ce pas le lieu
de reconnaître qu’il s’agit d’un roman dont l’écriture est inspirée de la poétique orale igbo?
Achebe applique au roman la même transposition formelle et thématique que Senghor a appliquée à la poésie française et que Diop a reprise dans ses contes."
(Source: KC MABANA. "Léopold S. Senghor, Birago Diop et Chinua Achebe: Maîtres de la parole" Matatu 33. 2006: 223-240)
[1] [Le langage d’Okonkwo et
des autres villageois est exprimée dans l’idiome des villageois pendant
qu’Achebe le transmue en
anglais moderne.]
[2] [On apprenait aux
enfants de ne pas siffler la nuit par crainte des esprits mauvais. Les animaux
dangereux devenaient même plus sinistres et malins. Un serpent n’était jamais
appelé par son nom la nuit, parce qu’il pouvait entendre. Il était appelé une
corde.]
[3] [Le moustique, dit-elle,
demanda à l’oreille de l’épouser. Sur ce, l’oreille tomba par terre, saisie d’un rire incontrôlable. « Combien de
temps, penses-tu, te reste-t-il à vivre ? », lui demanda-t-elle.
« Tu es déjà un squelette ». Le moustique s’en alla, humilié, et
chaque fois qu’il passait son chemin, il disait à l’oreille qu’il était encore
vivant.]
[4]
[Il y avait une fois un homme qui alla vendre une chèvre. Il la lia avec une
corde épaisse autour de son coude. Mais comme il marchait à travers le marché,
il se rendit compte que les gens le fixaient comme ils fixent un fou. Il ne
pouvait pas comprendre cela jusqu’au moment où il regarda en arrière et vit que
ce qu’il portait au bout de la corde n’est pas une chèvre, mais un lourd fagot
de bois.
- Penses-tu qu’un fou peut
faire ce genre de choses tout seul?, demanda Nwanko.
- Non, dit Obierika. Ils se
servent de fétiches.]
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